Donner accès à la première ligne

Et si toutes les professions de la santé s’unissaient pour donner un sérieux coup de barre aux services de première ligne dans la communauté ? Pourrait-on un jour se rendre à la pharmacie, ou dans des bureaux adjacents, pour faire évaluer un ennui de santé par des infirmières, puis recevoir ensuite, par le pharmacien, médicaments, conseils et suivi ?Allons plus loin. Pourrait-il coexister sous un même toit une clinique médicale, une clinique de soins infirmiers et une pharmacie, les trois services profitant de la même équipe de triage à l’entrée, laquelle pourrait diriger le patient soit chez le pharmacien, par exemple, pour un effet indésirable incommodant et un ajustement de dosage de son médicament, soit chez l’infirmière pour traiter une blessure légère ou évaluer une otite ?Les patients qui ne pourraient pas être pris en charge par un pharmacien ou une infirmière seraient alors adressés à un médecin de la clinique médicale.Il est entendu que les trois services offriraient les mêmes heures d’ouverture pratiques pour la population, donc seraient accessibles sept jours sur sept, y compris en soirée, des horaires auxquels les pharmaciens du milieu communautaire sont rompus. Tous ces professionnels de la santé auraient accès à des dossiers patients informatisés et partageables – cela va de soi – qu’ils documenteraient généreusement après leurs propres interventions.Le modèle de clinique d’infirmières (sans médecin) a été proposé, à la mi-février, par la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), syndicat qui regroupe bon nombre d’infirmières et d’autres professionnelles en soins. L’annonce n’était pas improvisée puisque la FIQ se penche depuis 2008 sur les lacunes du système de santé. Il est temps de penser hors des sentiers battus, a expliqué la présidente, Régine Laurent. La FIQ a évoqué la possibilité d’ouvrir ces cliniques dans certaines pharmacies, entre autres points de services envisageables, pour une meilleure collaboration entre les professionnels.Il est évident que si aucun autre professionnel de la santé que le médecin ne peut agir auprès des patients en première ligne de soins, la situation actuelle – le manque d’accessibilité – perdurera, occasionnant énormément de frustration dans la population. Comme le mentionnait de façon colorée un médecin lors d’un récent colloque sur l’accessibilité à la première ligne, certains de ses confrères ont réussi à se protéger des patients « en se dotant de remparts, d’une douve, d’un pont-levis et ensuite d’une herse ». Il faisait notamment allusion aux heures d’ouverture restreintes de plusieurs GMF.Il rappelait aussi qu’un médecin de famille qui pratique en GMF le matin peut travailler à l’urgence l’après-midi ou le soir, et que le patient qu’il n’aura pas vu à la clinique, il le retrouvera à l’urgence un jour, avec une situation de santé qui se sera peut-être détériorée entre-temps et qui risquera d’être plus coûteuse à traiter pour le système de santé québécois.Plusieurs médecins de famille peuvent s’indigner du fait que d’autres professions de la santé, nommément les pharmaciens et les infirmières, cherchent à élargir leur champ de pratique afin de pouvoir agir de façon plus autonome en première ligne. Cette démarche ne relève pas de la présomption que leur expertise vaut celle du médecin. Les lois professionnelles, comme les codes de déontologie, encadrent solidement les pratiques. Il faut plutôt y voir la volonté forte et inébranlable des pharmaciens et des infirmières de contribuer au réseau de première ligne grâce à leur expertise propre, mais en allant au-delà des responsabilités «classiques» qui leur ont été attribuées par le passé.Il n’est pas inutile de rappeler le message de fond de la loi 90, qui venait modifier, en 2003, l’exercice de 11 professions de la santé : il s’agissait de permettre l’évolution des façons de faire, de favoriser l’autonomie professionnelle tout en encourageant la collaboration interdisciplinaire et la communication entre tous les professionnels. Surtout, la loi 90 encourage le médecin à partager certaines activités avec d’autres professionnels de la santé.À l’époque, on disait que cette loi voulait favoriser le travail d’équipe entre les professionnels. Aujourd’hui, on peut penser qu'elle préparait le terrain pour améliorer l’accès à la première ligne.

Donner accès à la première ligne

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