«Doctor bashing»: quand la campagne de dénigrement va-t-elle s’arrêter?

«Les médecins omnipraticiens manquent à leurs responsabilités», «Salaires en hausse, services en baisse», «Les médecins doivent livrer la marchandise», «Primes de 1,5 G aux médecins», «Rémunération des médecins: une apparence de conflit d’intérêts à la RAMQ», «Médecin de famille: les Québécois doivent s’armer de patience», «Les médecins embellissent la réalité», «400 millions de plus que prévu aux médecins», etc.Depuis deux ans, les manchettes négatives sur les médecins se multiplient. Il ne se passe guère une journée sans qu’un titre accrocheur en rajoute une couche. À l’exception des ingénieurs durant la Commission Charbonneau, aucun autre groupe de professionnels n’a été jugé aussi sévèrement ces dernières années. Si les ingénieurs sont sortis de la tempête, les médecins y sont encore plongés et personne ne peut prédire quand celle-ci va s’arrêter.Deux facteurs semblent être à l’origine de ce mouvement:- les commentaires, parfois incendiaires du ministre Gaétan Barrette, à l’endroit des omnipraticiens en particulier;- les fortes augmentations de salaires obtenues en pleine période d’austérité sans qu’elles n’entraînent une amélioration de l’accessibilité.Jamais les médecins n’ont été aussi admonestés sur la place publique. Leur réputation en sort fortement entachée.De l’acharnement «De l’acharnement», dénonce le secrétaire du Collège, le Dr Yves Robert.Devant ce dénigrement, l’exaspération commence à se faire sentir dans certains milieux.«De l’acharnement», dénonce le secrétaire du Collège des médecins du Québec (CMQ), le Dr Yves Robert, qui parle de doctor bashing pour décrire la situation actuelle.«L’impression qu’on donne dans les médias, c’est que les médecins sont des enfants gâtés, dit-il. Il y a une dichotomie de la population vis-à-vis du milieu médical: collectivement, on se dit les médecins sont des privilégiés, mais, individuellement, que notre docteur, c’est le meilleur. Dans les faits, je pense que la majorité des médecins travaillent fort et ils font un bon travail, comme démontrent les inspections du Collège.»Le Dr Robert dit observer un sentiment de désarroi des médecins devant ces attaques répétées qu’ils ont de la difficulté à comprendre.«Personnellement, je trouve malheureux ce qui se passe. On gagne quoi à faire cela? On peut s’inquiéter du maintien de ce genre de discours. Tout ce que j’espère, c’est que la saison du doctor bashing tire à sa fin. Je ne vise pas le Dr Barrette en particulier, mais disons que ses propos n’ont pas aidé, particulièrement face aux médecins de famille.»«Ses politiques font en sorte que ça modifie des plans de carrière et l’offre de services dans certains secteurs, croit-il. Si l’on se retrouve dans deux ans à ne plus être capables de couvrir tous les quarts à l’urgence parce qu’il manque de médecins de famille, va-t-on revenir à l’époque de François Legault et de la Loi 114 et recourir à des huissiers pour aller chercher des médecins manu militari pour les envoyer dans des urgences?...la suite en page 2Campagne de salissageLe président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, déplore également cette campagne de salissage en particulier à l’endroit de ses membres.«Si on faisait l’inventaire de tout ce qui s’est dit depuis deux ans sur les médecins de famille et tous les maux qu’on leur a attribués, je ne suis pas certain qu’il y a beaucoup de professionnels qui pourraient passer à travers, observe-t-il. On nous traite de paresseux, de gens qui ne veulent pas travailler le soir et la fin de semaine alors que la majorité des médecins de famille pratiquent en soirée et le week-end et qu’ils sont présents dans les hôpitaux. Là dessus, c’est silence radio.»Rien n’arrête le ministre BarretteLe Dr Godin constate que rien ne semble arrêter le Dr Barrette dans ses commentaires, pas même son chef, le premier ministre Philippe Couillard, lui-même médecin. «On a réussi à ternir suffisamment l’image des médecins», déplore le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin.«Il faut croire que tout le monde trouve cela correct. Certains le surnomment le Donald Trump du Québec. On nous avait annoncé une nouvelle façon de gouverner, par collaboration, par consensus. On s’en reparlera. Le Dr Barrette n’a jamais été un grand amoureux de la médecine de famille. Je ne mets pas en doute ses objectifs pour améliorer le système, mais je ne pense pas qu’il ait raison d’attaquer les omnipraticiens comme il le fait, surtout qu’il le fait injustement. Pourtant, il a besoin des médecins de famille. Il ne pourra pas soigner tout le monde lui-même…»Selon le Dr Godin, ces critiques quasi quotidiennes affectent le moral de ses troupes.«Les médecins de famille réagissent comme tous les humains. On a réussi à ternir suffisamment l’image des médecins et à semer suffisamment de doutes dans la population. Prenez n’importe lequel groupe dans la société et lancez dans les médias une opération bien orchestrée qui repose sur des faussetés ou des vérités tordues, comme on en vit depuis deux ans, c’est sûr que ça finit par vous affecter.»Il admet qu’il y avait des choses à corriger, notamment concernant l’accessibilité. «Mais le système de santé ne s’en portera pas mieux à nous critiquer continuellement comme on le fait», commente-t-il.Il croit toutefois que cette pluie de critiques va finir par prendre fin et se dit optimiste pour l’avenir. «Je suis certain que ça va changer, que la population va se rendre compte que tout ce qui a été véhiculé sur leur médecin de famille n’est probablement pas vrai et qu’on va recommencer à nous apprécier. Les résultats vont parler.»

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