Dirigisme en pharmacie: l'APhC appelle à réglementer

L'Association des pharmaciens du Canada (APhC) se prononce fermement contre «les soins dirigés par les payeurs» et réclame plusieurs mesures réglementaires qui, selon elle, devraient être adoptées par les gouvernements du Canada. L'APhC se dit convaincue que «les soins de qualité fournis par les pharmaciennes et les pharmaciens sont essentiels à la bonne santé de l’ensemble de la population canadienne. Nous pensons également que des soins dirigés par les payeurs interfèrent avec la relation stable et de confiance que les pharmaciens entretiennent avec leurs patients, ce qui sape le principe des soins centrés sur les patients», peut-on lire dans l’énoncé de position publié lundi. La déclaration souligne que les assureurs privés et les gestionnaires de régimes d’assurance-médicaments pratiquent de plus en plus le dirigisme au Canada, «dans le but de diriger les patients vers des pharmacies qui leur appartiennent ou vers des réseaux de fournisseurs préférentiels» (RFP).Après un tollé général, Manulife a récemment annulé son projet de faire délivrer certains médicaments spécialisés uniquement par des pharmacies appartenant à Loblaw.À lire aussi: Rôle des pharmaciens: quand on se compare, on s’inspireL'APhC note que ces réseaux de fournisseurs privilégiés peuvent avoir plusieurs effets néfastes sur les soins prodigués aux patients. «Les patients qui n’utilisent pas les pharmacies ainsi désignées doivent parfois payer de leur poche des sommes plus élevées, parce que leurs médicaments d’ordonnance ne sont pas entièrement couverts, voire pas du tout. Dans certains cas, si un patient n’a pas, près de chez lui, une pharmacie faisant partie d’un réseau de fournisseurs préférentiels, il doit se déplacer très loin pour en trouver une ou commander ses médicaments auprès d’une pharmacie postale, sans avoir la possibilité de consulter un pharmacien en personne.»En outre, les RFP peuvent placer les autres pharmacies dans une situation de «désavantage concurrentiel», en détournant un nombre potentiellement important d'ordonnances, «ce qui multiplie leurs difficultés financières. Cette situation peut avoir des conséquences plus vastes sur l’accès aux soins de santé dans les régions rurales et éloignées, où les pharmacies sont parfois le seul point d’accès aux soins primaires. Ce sont les petites pharmacies, ou les pharmacies indépendantes, qui risquent le plus d’être tenues à l’écart de ces réseaux de fournisseurs préférentiels, en raison de leur faible pouvoir de négociation», souligne L’APhC.Aux gouvernements d’agirL’association demande aux gouvernements canadiens de réglementer «le dirigisme des patients» ainsi que les pratiques des régimes d’assurance-médicaments, afin de s'assurer que le patient est vraiment en mesure de choisir librement la pharmacie qu'il souhaite. «Les gestionnaires de régimes d’assurance-médicaments ne devraient pas pouvoir imposer à un patient le lieu où celui-ci pourra se procurer ses médicaments», soutient l’APhC.Elle souhaite que des limites soient définies concernant les RFP afin de «veiller à ce que les gestionnaires de régimes d’assurance-médicaments ne puissent pas discriminer une pharmacie ou un groupe de pharmacies, afin de permettre une concurrence loyale».À lire aussi: «Le pharmacien d’abord»: un flux de travail repensé et amélioréLe cadre réglementaire devrait également inclure des règles sur les conflits d'intérêts, «en particulier, ceux qui surviennent quand les gestionnaires de régimes d’assurance-médicaments appartiennent à des assureurs ou à des entreprises pharmaceutiques, ou sont affiliés à ceux-ci». Ce cadre devrait également comporter des pratiques d'audit transparentes, définissant «des lignes directrices claires, équitables et normalisées concernant les audits des gestionnaires de régimes d’assurance-médicaments. Ces lignes directrices empêcheront les pratiques qui pénalisent injustement les pharmacies pour de petites erreurs techniques et veilleront à ce que les audits soient menés avec un préavis et selon des critères raisonnables». D’autres règles sur les conflits d'intérêts devraient également être mises en place pour éviter que les gestionnaires ne tirent profit de leurs propres audits, ainsi que des garanties pour les pharmacies afin d’empêcher les recouvrements liés aux audits qui peuvent avoir des «effets financiers dévastateurs». «Il est alarmant de constater que les assureurs privés et les gestionnaires de régimes d’assurance-médicaments cherchent de plus en plus à diriger le choix des patients. Or, ce choix doit rester le leur pour qu’ils aient accès à leurs médicaments dans toute pharmacie, sans influence de la part des payeurs», a déclaré le président du conseil d’administration de l’APhC, Shawn Bugden, dans un communiqué de presse. «Nous demandons instamment à tous les gouvernements canadiens de prendre sans tarder des mesures pour protéger les droits des patients et garantir la viabilité de soins pharmaceutiques de qualité dans tout le pays.»

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