Deux pharmaciens épinglés pour sollicitation excessive et errements dans la gestion des SDCSC

Une bouteille de vin est à l’origine de l’enquête ouverte par le syndic de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) à l’encontre de Luka Hodhod et Atef Abd El-Messih Abdou, copropriétaires d’une pharmacie sous la bannière Uniprix à Vaudreuil-Dorion. De fil en aiguille, l’enquêteur a découvert de sérieuses négligences des deux professionnels dans la gestion de leur inventaire des stupéfiants, des drogues contrôlées et des substances ciblées (SDCSC), de même qu’un défaut de conservation des médicaments. Des infractions «objectivement graves» pour le Conseil de discipline de l’OPQ, qui se sont soldées par des amendes d’un montant total de 15 000$ pour Luka Hodod et de 12 500$ pour Atef Abd El-Messih Abdou qui ont comparu ensemble, mais font l’objet de décisions distinctes.Le 25 avril 2022, Luka Hodod se présente à l’improviste au domicile des parents d’une patiente de la pharmacie, une bouteille de vin à la main. Un cadeau qu’il veut leur offrir pour s’excuser d’une erreur de livraison des médicaments de leur fille qui les a amenés à demander le transfert de son dossier dans une autre officine. Surpris et dérangé par la démarche du pharmacien, le couple dépose une demande d’enquête auprès du Bureau du syndic de l’Ordre le 4 mai 2022.Le 9 mai 2022, le père informe ce dernier que l’associé de Luka Hodod, Atef Abd El-Messih Abdou, l’avait auparavant appelé au sujet de la demande de transfert du dossier de sa fille. Ce même jour, le Bureau du syndic reçoit plusieurs demandes d’enquête, certaines anonymes, visant les deux professionnels pour des faits d’une tout autre gravité.À lire aussi: Ententes frauduleuses et transactions de stupéfiants: un pharmacien condamné à 45 000$ d'amendesLes demandes rapportent que, depuis plusieurs mois, les pharmaciens n’ont pas fait «d’inventaire des stupéfiants, drogues contrôlées et substances ciblées (narcotique). Par ailleurs, la clé de l’armoire des narcotiques est laissée sur la porte jour et nuit (en tout temps), ce qui permet à n’importe qui et à n’importe quel moment d’accéder facilement aux drogues contrôlées», peut-on lire dans les décisions. Des manquements qui ont entraîné des répercussions gravissimes dans le contexte de la crise des opioïdes.L’enquête révèle que leur pharmacie ne disposait pas de registre de contrôle des SDCSC. Elle établit par ailleurs que sur une période de sept mois, 895 comprimés de Dilaudid (2 mg) et 2001 comprimés de Dilaudid (4 mg) y ont été dérobés par une employée. Des vols dont les deux associés ne s’étaient pas aperçus. Informés des conclusions de l’enquêteur, ils licencient la voleuse, portent plainte contre elle à la police et remplissent un formulaire de déclaration de vol auprès de Santé Canada, qui confirme les quantités de Dilaudid dérobées.De plus, lors de sa visite à la pharmacie le 11 juillet 2022, l’enquêteur du syndic constate que «des médicaments sont conservés dans un contenant autre que leur contenant d’origine, sans que ce contenant soit étiqueté conformément aux exigences de l’article 10 du Règlement sur la tenue des pharmacies». Une infraction reprochée à Luka Hodod seulement, puisqu’il était le pharmacien de service ce jour-là.Amende honorableÀ l’audience, les deux propriétaires ont plaidé coupables sur toute la ligne en exprimant des regrets: Luka Hodod, pour s’être présenté au domicile des parents, sans y avoir été invité, afin de leur offrir une bouteille de vin, et Atef Abd El-Messih Abdou, pour les avoir appelés au sujet du transfert du dossier de leur fille.S’agissant de leur gestion erratique des SDCSC, les deux déclarent avoir pris plusieurs mesures pour corriger leur pratique. Ils ont notamment mis en place des mesures de sécurité pour mieux encadrer les commandes et le contrôle des narcotiques, des drogues contrôlées et des substances ciblées. Ils affirment procéder à un inventaire complet des médicaments, tous les six mois, mais également à d’autres inventaires de façon aléatoire.Enfin, Luka Hodod déclare que les contenants des médicaments sont maintenant étiquetés conformément aux exigences réglementaires de l’Ordre.À lire aussi: Dénoncée par un concurrent, une pharmacienne propriétaire est blanchie sur toute la ligneDans le cadre de l’analyse de la recommandation conjointe sur sanction présentée par les deux pharmaciens et le syndic de l’Ordre, le Conseil de discipline a estimé que «les gestes reprochés [aux deux professionnels] se situent au cœur de l’exercice de la profession. En effet, au moment des infractions, ils n’assurent pas l’intégrité de (leurs) inventaires de médicaments», une obligation que tout pharmacien doit respecter, insistent les décisions. «De même, ils n’ont pas une conduite irréprochable auprès du père de leur patiente.»À l'époque des faits, Luka Hodhod et Atef Abd El-Messih Abdou comptaient tous deux plus de 10 années d’expérience sans aucun antécédent disciplinaire ni administratif. Le syndic signale qu’ils ont collaboré à son enquête, en reconnaissant spontanément leurs erreurs, et selon lui, leur risque de récidive est «faible». Considérant ces différents éléments et les dispositions prises depuis par les deux professionnels, leurs pairs sont d’avis que les sanctions proposées «sont adéquates et tiennent compte des circonstances propres au dossier. De même qu’elles ont le mérite d’atteindre les objectifs de dissuasion pour les deux pharmaciens, d’exemplarité pour les membres de la profession et de la protection du public».Pour son cadeau alcoolisé en guise d’excuse, Luka Hodod se voit ainsi imposer une amende de 5000$, tandis que l’appel inopportun d'Atef Abd El-Messih Abdou au père de sa patiente lui en coûtera 4000$. Tous deux devront s’acquitter de 8500$ pour leurs manquements relatifs à la gestion des SDCSC dans leur officine. Luka Hodod devra en outre verser 2500$ pour ses défauts d’étiquetage.

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