Détresse psychologique chez les aînés: le rôle de la contagion émotionnelle

Être particulièrement sensible aux émotions des autres, imiter sans le vouloir leurs gestes ou leurs expressions faciales, être soi-même affecté par une émotion dont on est témoin… Si vous vous reconnaissez dans ces comportements, vous êtes peut-être vulnérable à la contagion émotionnelle. Mais celle-ci est à double tranchant. Si elle est essentielle dans une société, car à la base de l’empathie, elle peut aussi nuire à certaines personnes. Les aînés souffrant de détresse psychologique y seraient les plus vulnérables.C’est ce qui ressort d’une étude menée par Marie-Josée Richer, psychoéducatrice à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal et chargée de cours à l’Université de Montréal (UdeM), codirigée par son collègue Pierrich Plusquellec et le professeur de psychologie Sébastien Grenier, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue scientifique PLOS Mental Health.Deux participants sur trois souffraient d'anxiété ou de dépressionLes chercheurs ont travaillé auprès d’un groupe de 170 adultes âgés de 56 à 96 ans, vivant dans une résidence pour retraités ou bénéficiant de services d’organismes communautaires, et confrontés à divers types d'adversité. L’adversité désigne les événements stressants auxquels un individu peut faire face, comme un deuil, un conflit avec un proche (adversité explicite) ou encore une vulnérabilité à la contagion émotionnelle (adversité implicite), précise les auteurs. «Dans cette étude, nous faisons spécifiquement référence à l'expression de l'anxiété et de la dépression lorsque nous discutons de la détresse psychologique», ajoutent-ils. Les données ont été recueillies entre septembre 2018 et septembre 2019. Selon l'échelle d'anxiété et de dépression hospitalière (HADS), 65,9% des personnes de l'échantillon présentaient un niveau clinique ou un sous-seuil d'anxiété et de dépression. À lire aussi: Que dit la science à propos de l'«hypersensibilité»?Les sujets de l'étude ont été classés en trois groupes selon leur niveau de détresse psychologique. Près de 45% faisaient partie du profil anxieux, montrant des symptômes cliniques et sous-cliniques d’anxiété uniquement – on qualifie de «clinique» et de «sous-clinique» des symptômes d’intensité variable pouvant être suffisamment importants pour perturber le quotidien d’une personne âgée, précise le Pr Sébastien Grenier. Environ 20% appartenaient au profil de dépression anxieuse, avec des symptômes cliniques et sous-cliniques à la fois d'anxiété et de dépression. Le dernier groupe comprenait les individus qui ne présentaient pas de symptômes significatifs d'anxiété ou de dépression, correspondant à un profil sans détresse clinique.«La vulnérabilité à la contagion émotionnelle, la satisfaction à l'égard du réseau social et les styles d'adaptation sont apparus comme des facteurs pesant sur la probabilité d'appartenir à l'un ou l'autre des groupes de détresse psychologique par rapport aux personnes sans détresse», indiquent les auteurs de l’étude. Développer des stratégies de gestion de la contagion émotionnelleLes résultats montrent que les personnes aînées les plus vulnérables à la contagion émotionnelle avaient de 8,5 à 10 fois plus de risques de présenter des symptômes anxieux ou anxio-dépressifs par rapport à celles qui étaient moins vulnérables. «Après contrôle de l'adversité et du traitement psychotrope, la vulnérabilité à la contagion émotionnelle avait la plus forte relation avec les deux profils de détresse psychologique», précisent les chercheurs, ajoutant que «les personnes qui ont déclaré être plus susceptibles de capter inconsciemment les émotions des autres étaient plus susceptibles d’appartenir au groupe de l’anxiété ou de la dépression anxieuse».À lire aussi: Génétique et dépression: ce que nous avons découvert pourrait vous surprendreL'étude n’a pas pu établir de lien de cause à effet entre la vulnérabilité à la contagion émotionnelle et la détresse psychologique. Cependant, elle souligne l'importance de prendre en compte à la fois l’adversité explicite et l’adversité implicite pour cibler les personnes aînées à risque de détresse psychologique. Les auteurs rappellent qu’il est nécessaire d’examiner l'efficacité des interventions psychologiques visant à enseigner des stratégies de gestion de la contagion émotionnelle et des programmes améliorant la satisfaction envers son réseau social pour prévenir la détresse psychologique chez les personnes âgées.Cette étude s’inscrit dans les travaux sur la résilience psychologique des gens âgés menées par la psychoéducatrice Marie-Josée Richer, visant à évaluer les effets d’un programme sur la gestion du stress et de sa contagion. La détresse psychologique peut selon elle avoir des effets très nocifs sur la santé globale des aînés, comme des risques accrus de maladies cardiovasculaires, de déclin cognitif et de mortalité prématurée.Référence: Richer MJ, Grenier S, Plusquellec P (2024) La contribution de la vulnérabilité à la contagion émotionnelle à l'expression de la détresse psychologique chez les personnes âgées. PLOS Ment Health 1(5): e0000098. https://doi.org/10.1371/journal.pmen.0000098

Détresse psychologique chez les aînés: le rôle de la contagion émotionnelle

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes