Désengorger le système de santé: L’OPQ fait 3 suggestions pour accroître l’accessibilité

Dans le cadre de la Semaine de sensibilisation à la pharmacie, au début du mois de mars,l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a présenté trois suggestions afin d’accroître la contribution des pharmaciens au sein du système de santé. Bien qu’elles soient destinées au ministre de la Santé et à la population, ces recommandations dérangent les médecins.1- L’OPQ propose, dans un premier temps, de permettre aux pharmaciens de prolonger l’ordonnance d’un patient lorsque sa situation clinique est stable et qu’il éprouve des difficultés à obtenir un rendez-vous chez le médecin.2- La deuxième suggestion de l’OPQ consiste à mettre plus étroitement les pharmaciens à contribution dans l’ajustement de la thérapie médicamenteuse, car l’Ordre estime que les pharmaciens disposent de toutes les connaissances nécessaires pour faire l’évaluation pharmacologique des patients.3- L’OPQ propose finalement de faire en sorte que les pharmaciens puissent amorcer un traitement de cessation tabagique afin d’éviter qu’un patient se déplace chez le médecin simplement pour obtenir une ordonnance qui lui permettra de se faire rembourser le prix des médicaments par son assureur.« Ce sont trois suggestions qui sont simples et réalistes, indique la présidente de l’OPQ, Diane Lamarre. Nous croyons que c’est important de mettre davantage à contribution les pharmaciens, car un Québécois sur quatre n’a pas de médecin de famille. »« Je tiens à rassurer nos membres, poursuit Diane Lamarre. L’objectif du prolongement des ordonnances n’est pas d’accroître leur travail, mais de l’alléger.Quant à l’ajustement de la thérapie médicamenteuse, l’OPQ les épaulera, comme il l’a fait avec la contraception orale d’urgence et l’anticoagulothérapie. »Réponse du Collège des médecinsDès le lendemain de la publication des trois propositions de l’OPQ, le président du Collège des médecins, le Dr Yves Lamontagne, a participé à de nombreuses tribunes médiatiques afin de les rejeter, les qualifiant de « faux problèmes ».Cette réaction de la part des médecins a surpris Diane Lamarre. « Nos propositions s’inscrivent dans le mandat de l’Ordre de protéger le public, explique-t-elle. Je manquerais à mon devoir de présidente de l’Ordre des pharmaciens en ne soumettant pas des solutions concrètes afin d’accroître l’accessibilité aux soins pour le public. »Yves Lamontagne soutient notamment que le prolongement de l’ordonnance par les pharmaciens est inutile car les médecins peuvent prescrire une ordonnance pour 18 ou 24 mois depuis 2004. « Il est tout à fait normal pour un patient souffrant d’une maladie chronique, même légère, de faire un suivi médical à tous les deux ans, indique-t-il. La pénurie ne doit pas servir d’excuse pour offrir un mauvais service clinique aux Québécois. »Bien que la rédaction d’ordonnances de 18 à 24 mois soit autorisée, Diane Lamarre souligne que la plupart des médecins n’en font pas usage. « C’est un message qui n’a pas passé », répond-elle.Les conséquences nuisent à l’accessibilité, déplore-t-elle. « Il n’y pas une journée qui passe sans qu’un patient se présente à la pharmacie pour se rendre compte que son ordonnance n’est pas renouvelable et qu’il est dans l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous rapidement avec son médecin. On ne peut pas nier cette réalité. »La présidente de l’OPQ ajoute que les pharmaciens qui prolongeraient une ordonnance pourraient faire le suivi de la pharmacothérapie d’un patient et transférer les renseignements à son médecin, notamment en ce qui a trait à son adhésion au traitement et aux effets secondaires qu’il ressent.Le litige de l’ajustementQuant à la deuxième suggestion de l’OPQ, qui réclame que les pharmaciens jouent un plus grand rôle dans l’ajustement de la thérapie médicamenteuse, Yves Lamontagne s’est montré particulièrement tranchant à l’égard des pharmaciens. « Aux dernières nouvelles, il y a une loi [NDLR : loi 90] que l’on se doit de respecter. L’OPQ a pris part aux consultations, était d’accord avec la loi, mais veut maintenant la changer. C’est fâchant. »« Ce que les pharmaciens ne disent pas, c’est qu’ils ont le droit d’ajuster la thérapie médicamenteuse, mais ils ne digèrent pas que les infirmières praticiennes spécialisées aient aussi le droit de le faire, poursuit le président du Collège. Or, l’évaluation clinique est un domaine qui fait partie de l’expertise des médecins et des infirmières, mais pas des pharmaciens. »Diane Lamarre répond qu’il est faux de prétendre que les infirmières praticiennes spécialisées sont au cœur du litige entourant l’ajustement. « Au contraire, nous sommes en faveur qu’elles puissent prescrire. Là où nous sommes en désaccord, c’est sur le fait de permettre aux infirmières ayant un diplôme d’études collégiales de le faire sans balises supplémentaires. Or, notre recommandation ne fait même pas mention des infirmières. »Elle ajoute qu’il n’est pas question pour les pharmaciens de poser un diagnostic, mais qu’ils peuvent, comme experts de la pharmacothérapie, évaluer la pertinence d’un médicament et de sa dose. « Dans l’ajustement des doses, l’évaluation dépend de données biologiques, physiologiques ou pharmacothérapeutiques, comme les valeurs de glycémie ou la tension artérielle, poursuit-elle. Le pharmacien a la formation nécessaire pour trouver la bonne dose. »La cessation tabagiqueQuant à la recommandation de l’OPQ sur les traitements de cessation tabagique, la position du Collège des médecins peut prêter à confusion. Le Dr Yves Lamontagne répond qu’il rejette la proposition, mais ajoute du même souffle que ce problème concerne la Régie de l’assurance maladie du Québec et non pas les médecins.Le président du Collège soutient même qu’il serait prêt à analyser la proposition de l’OPQ si on la lui fait parvenir. « Certains insinuent que nous empêchons les pharmaciens d’amorcer les traitements antitabac, c’est complètement faux. Nous serions ouverts à ce qu’ils le fassent. La preuve, c’est que nous leur laissons le droit de prescrire la pilule du lendemain. »Alors, en quoi la suggestion de l’OPQ n’est-elle pas valable du point de vue des médecins ? C’est l’intention présumée des pharmaciens qui dérange Yves Lamontagne. « Certains présidents de l’OPQ m’ont déjà dit : «Nous sommes les experts des médicaments. Faites-nous simplement parvenir une ordonnance où il est écrit "Asthme" et on s’occupe du reste.» Ce n’est pas un élément que les médecins et les infirmières vont accepter sans rien dire. »Ces propos désolent Diane Lamarre. « C’est une vieille résistance au partage de l’information, mais cela n’a rien à voir avec notre recommandation sur la cessation tabagique. L’enjeu, c’est que des patients n’ont pas les moyens d’acheter des timbres ou de la gomme antitabac et qu’ils doivent voir un médecin pour être remboursés par leur assureur. Les pharmaciens connaissent bien ces produits et ils sont les professionnels les plus accessibles. Selon nous, c’est une activité de première ligne qui leur convient tout à fait. »

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