5 conseils pour déprescrire les inhibiteurs de la pompe à protons

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont l’une des classes de médicaments les plus fréquemment utilisées, représentant un tiers des dépenses des programmes publics de médicaments en 20171. Les IPP sont les plus couramment prescrits pour le reflux gastro-œsophagien (RGO) et l’ulcère gastro-duodénal ; cependant, environ 40 % de ceux qui prennent des IPP n’ont pas d’indication documentée2. Un certain nombre d’études rétrospectives d’observation ont trouvé des résultats contradictoires concernant les associations d’IPP avec des effets indésirables, tels que l’hypomagnésémie, la carence en vitamine B12, la prolifération bactérienne de l’intestin grêle, les fractures osseuses, l’infection à Clostridium difficile, la maladie rénale chronique et la démence3-6. Comme ces études suggèrent des associations et non un lien de causalité, la controverse perdure, avec un essai prospectif récent sur l’utilisation des IPP pendant trois ans ne trouvant qu’une association avec un risque accru des infections entériques7. Une discussion détaillée de ces effets indésirables potentiels dépasse le cadre de cet article ; voir les études citées pour plus d’informations.À lire aussi: Étude: La prise d'IPP augmenterait les risques de contracter la COVID-19Bien que généralement considérée comme sûre et efficace, l’utilisation généralisée des IPP sans indication documentée et sans réévaluation régulière a conduit à une surutilisation potentielle de ces agents2,8. La surutilisation est reconnue par Choisir avec soin Canada, qui préconise d’utiliser les IPP avec prudence lors du traitement du RGO et de réévaluer l’utilisation des IPP au moins une fois par an9,10.De plus, les critères de l’outil STOPP (Screening Tool of Older Persons Prescriptions) précisent que les doses thérapeutiques complètes d’IPP utilisées pendant plus de huit semaines pour l’ulcère gastro-duodénal sont significativement associées à des événements indésirables ; par conséquent, l’arrêt de ces agents doit être envisagé11.La déprescription est le processus planifié et supervisé de réduction de dose ou d’arrêt d’un médicament susceptible de causer des dommages ou de ne plus procurer de bienfaits12. L’objectif est de réduire la charge et les dommages liés aux médicaments tout en maintenant ou en améliorant la qualité de vie. Vous trouverez ci-dessous une liste des lignes directrices, des outils et des ressources disponibles pour la déprescription9,10,13,14. Un certain nombre d’études publiées ont démontré le rôle des pharmaciens dans la déprescription15,16 et les cinq conseils suivants peuvent également les aider à le faire pour les IPP.Outils et ressources pour la déprescriptionClinical Practice GuidelineDéprescrire les inhibiteurs de la pompe à protons Le médecin de famille canadien, 2017Recommandations de Choisir avec soinGastroentérologieBrûlures d’estomac et RGOOutils canadiens de déprescription des IPPAlgorithmeAide à la décisionDépliants d'information sur la déprescriptionOpinion pharmaceutique1. Rechercher des opportunités de déprescrire les IPPL’utilisation généralisée des IPP offre aux pharmaciens de nombreuses occasions d’identifier des candidats potentiels à la déprescription des IPP. L’utilisation des IPP doit être évaluée lors du renouvellement des ordonnances, de l’initiation de nouveaux médicaments ou de médicaments en vente libre et lors des revues de médicaments.Documenter l’indication, les objectifs et la durée prévue du traitement lorsqu’un IPP est initialement prescrit ou lorsqu’un patient subit un dépistage de déprescription ; cela améliorera l’efficacité et les discussions pour la réévaluation de l’utilisation des IPP à l’avenir17. Communiquer clairement la durée prévue du traitement par IPP dès le début ; cela peut aider les patients à comprendre que le traitement peut ne pas être nécessaire à long terme18.2. Identifiez l’indication de l’IPP avant de déprescrireLes directives de pratique clinique identifient les patients pour lesquels la déprescription des IPP doit être envisagée (voir plus bas). Cependant, comme un manque de documentation sur l’indication des IPP a été démontré, un suivi avec le patient, la famille, le soignant ou le prescripteur peut être nécessaire pour confirmer l’indication ou les antécédents médicaux afin d’aider à déterminer si le patient est un candidat à la déprescription.L’utilisation continue d’IPP peut être justifiée chez les patients ayant des antécédents de :• Œsophage de Barrett• Antécédents documentés d’ulcère gastro-intestinal hémorragique• Utilisation chronique d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) avec risque de saignement• Œsophagite de grade C ou D• RGO sévère (symptômes fréquents, intenses ou prolongés qui ont un effet significatif sur les activités quotidiennes ; utilisez la dose efficace la plus faible)13,19.3. Utiliser une approche de prise de décision partagée avec le patient pour discuter de la déprescription des IPPLa participation des patients et la prise de décision partagée sont nécessaires au processus de déprescription20. La discussion initiale devrait susciter les préférences des patients et leur intérêt à participer à la prise de décision20. Les patients sont plus à l’aise avec la déprescription des IPP s’ils reçoivent une explication sur les raisons pour lesquelles cette option est envisagée, savoir à quoi s’attendre et savoir qu’ils peuvent redémarrer leur IPP ou revenir à la dose précédente si nécessaire18. Des données préliminaires suggèrent que les outils permettant d’impliquer les patients dans le processus décisionnel de déprescription des IPP peuvent améliorer les connaissances des patients et fournir des attentes réalistes et augmenter leur confiance dans la décision17.4. Suggérer des stratégies pratiques pour la déprescription des IPP.L’approche de déprescription des IPP dépend de l’indication, de la dose et de la durée d’utilisation. Pour une approche étape par étape, voir le lien du site Web de l’algorithme partagé plus haut14. Certaines stratégies de déprescription et commentaires suggérés sont énumérés ci-dessous13,14 :• Arrêter l’IPP — peut entraîner le retour des symptômes.• Réduction de la dose dans le but d’arrêter (stratégie de réduction progressive) — peut passer à la posologie un jour sur deux si une dose plus faible n’est pas disponible. La stratégie de réduction s’est révélée plus efficace que l’arrêt brutal21.• Réduction de la dose dans le but d’atteindre la dose d’entretien efficace la plus faible — les données probantes suggèrent qu’il n’y a pas de risque accru de retour des symptômes.• Arrêtez l’IPP et utilisez l’IPP « à la demande » jusqu’à ce que les symptômes disparaissent — les données probantes suggèrent qu’environ 10 % des patients pourraient avoir un retour des symptômes.Discuter des options avec les patients et leur permettre de choisir l’approche qui, selon eux, fonctionnera le mieux favorisera l’autonomie des patients. En plus des stratégies ci-dessus, conseillez les approches non pharmacologiques habituelles (par exemple, éviter les repas 2 à 3 heures avant le coucher, éviter les déclencheurs alimentaires). Les symptômes occasionnels peuvent être pris en charge avec des médicaments en vente libre (p. ex., Antiacides, antagonistes des récepteurs de l’histamine-2, IPP). Un avis pharmaceutique (voir plus haut) peut être envoyé aux prescripteurs pour faciliter le processus de déprescription13.5. Soyez conscient que les symptômes peuvent réapparaître et assurez une surveillance et une prise en charge continues.Une surveillance continue des patients est essentielle pour s’assurer que les IPP ne sont pas recommencés de manière inappropriée. La surveillance doit avoir lieu après quatre et 12 semaines, bien que des vérifications plus tôt puissent être appropriées lors des changements de posologie. Si l’IPP est arrêté ou si la posologie est réduite, et que les symptômes réapparaissent et persistent pendant trois à sept jours et interfèrent avec l’activité normale, un test Helicobacter pylori et/ou un retour à la dose précédente d’IPP peuvent être nécessaires13,14. Les approches non pharmacologiques et la gestion occasionnelle des symptômes utilisant des IPP sans ordonnance ou « au besoin » peuvent être renforcées comme options appropriées pour la gestion à long terme.Envisagez de déprescrire l’IPP si :• Œsophagite légère à modérée (grade A ou B) ou reflux gastro-œsophagien traité pendant 4 à 8 semaines et œsophagite guérie et/ou symptômes contrôlés• Ulcère gastro-duodénal traité avec succès pendant 2 à 12 semaines (par des anti-inflammatoires non stéroïdiens, une infection à Helicobacter pylori)• Symptômes gastro-intestinaux à la partie supérieure sans endoscopie si asymptomatiques pendant 3 jours consécutifs• Infection à H. pylori non compliquée traitée avec succès pendant 2 semaines et maintenant asymptomatique• Une prophylaxie pour ulcère lié au stress reçue en unité de soins intensifs (USI) après congé de l’USIRésuméLors de la prescription d’IPP, la meilleure stratégie consiste à utiliser la dose efficace la plus faible à court terme lorsque cela est indiqué de manière appropriée afin que les avantages potentiels l’emportent sur les effets indésirables potentiels. Les pharmaciens sont dans une position idéale pour identifier les candidats à la déprescription des IPP grâce à des interactions de routine avec les patients. Les données probantes démontrent l’importance d’impliquer activement les patients dans le processus de prise de décision concernant la déprescription. La diminution progressive peut être une option efficace, tandis que le fait de proposer aux patients des options de prise en charge épisodique (non pharmacologiques et sans ordonnance) peut diminuer une reprise inappropriée des IPP.Natalie Kennie-Kaulbach (nkennie@dal.ca) est boursière en enseignement universitaire au College of Pharmacy de l’Université Dalhousie et consultante en pharmacie et chargée de cours aux cliniques Dalhousie Family Medicine Mumford and Spryfield.Jennifer E. Isenor (jennifer.isenor@dal.ca) est professeure agrégée au Collège of Pharmacy et à la faculté de médecine de l’Université Dalhousie, chercheuse au Centre canadien de vaccinologie, scientifique au IWK Health Centre et chercheuse associée au Maritime SPOR Support Unit.Les deux auteures dirigent l’équipe de recherche sur la déprescription Optimizing Therapy Through Collaboration (OPTx) en Nouvelle-Écosse, qui se concentre sur la compréhension des pratiques locales afin d’éclairer les futures stratégies de déprescription.Références1. Canadian Institute for Health Information. Prescribed drug spending in Canada, 2018: a focus on public drug programs. Ottawa, ON: CIHI; 2018.2. Heidelbaugh JJ, Kim AH, Chang R, et coll. Overutilization of proton pump inhibitors: what the clinician needs to know. Therap Adv Gastroenterol 2012;5:219-32.3. Benmassoud A, McDonald EG, Lee TC. Potential harms of proton pump inhibitors therapy; rare adverse effects of commonly used drugs. CMAJ 2016;188:657-62.4. Nehra AK, Alexander JA, Loftus CG, et coll. Proton pump inhibitors: review of emerging concerns. Mayo Clin Proc 2018;93:240-6.5. Maes M, Fixen DR, Linnebur SA. Adverse effects of proton-pump inhibitor use in older adults: a review of the evidence. Ther Adv Drug Saf 2017;8:273-97.6. Lanas-Gimeno A, Hijos G, Lanas Á. Proton pump inhibitors, adverse events and increased risk of mortality. Expert Opin Drug Saf 2019;18:1043-53.7. Moayyedi P, Eikelboom JW, Bosch J, et coll. Safety of proton pump inhibitors based on a large multiyear randomized trial of patients receiving rivaroxaban or aspirin. Gastroenterology 2019;157:682-91.8. Heidelbaugh JJ, Goldberg KL, Inadomi JM. Magnitude and economic effect of overuse of antisecretory therapy in the ambulatory care setting. Am J Manag Care 2010;16(9):e228-34.9. Canadian Association of Gastroenterology. Five things physicians and patients should question. Choosing Wisely Canada; Juin 2019. https://choosingwiselycanada.org/gastroenterology (consulté le 20 décembre 2019).10. Choosing Wisely Canada. Treating heartburn and gastro-esophageal reflux (GERD): using proton- pump inhibitors (PPI) carefully. https://choosingwiselycanada.org/heartburn-gerd-ppi (consulté le 20 décembre 2019).11. O’Mahony, D, O’Sullivan D, Byrne S, et coll. STOPP/STARTT criteria for potentially inappropriate prescribing in older people: version 2. Age Ageing 2015;44:213-8.12. Thompson W, Farrell B. Deprescribing: what is it and what does the evidence tell us? Can J Hosp Pharm 2013;66:201-2.13. Farrell B, Pottie K, Thompson W, et coll. Deprescribing proton pump inhibitors: evidence- based clinical practice guideline. Can Fam Physician 2017;63:354-64.14. Deprescribing.org. Deprescribing guidelines and algorithms. Ottawa, ON: Bruyere; 2019 https://deprescribing.org/resources/deprescribing-guidelines-algorithms (consulté le 20 décembre 2019.15. Wilsdon TD, Hendrix I, Thynne TRJ, et coll. Effectiveness of interventions to deprescribing inappropriate proton pump inhibitors in older adults. Drugs Aging 2017:34:265-87.16. Tandun R, Bubbar C, Tejani AM. Who has the guts to deprescribe proton pump inhibitors? A pharmacist led intervention in a long-term care facility setting. Aging Medicine 2019;2:112-7.17. Thompson W, Farrell B, Welch V, et coll. Continuation or deprescribing of proton pump inhibitors: a consult patient decision aid. Can Pharm J 2019;152(1):18-22.18. Thompson W, Black C, Welsch V, et coll. Patient values and preferences surrounding proton pump inhibitor use: a scoping review. Patient 2018;11:17-28.19. Armstrong D, Marshall JK, Chiba N, et coll. Canadian consensus conference on the management of gastroesophageal reflux disease in adults: update 2014. Can J Gastroenterol 2005;19(1):15-35.20. Jansen J, Naganathan V, Carter SM, et coll. Too much medicine in older people? Deprescribing through shared decision making. BMJ 2016;353:i2893.21. Haastrup P, Paulsen MS, Begtrup LM, et coll. Strategies for discontinuation of proton pump inhibitors: a systematic review. Fam Pract 2014;31:625-30.

5 conseils pour déprescrire les inhibiteurs de la pompe à protons

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes