Déprescription: comment faire passer la pilule au patient?

Nombreux sont les pharmaciens à avoir abordé la question de l'arrêt d'un médicament et à s’être heurtés à la réticence du patient. Celui-ci peut en effet redouter les effets négatifs liés à l'arrêt du traitement ou s'inquiéter de se priver des bénéfices qu’il pense retirer du traitement1. Cela est souvent légitime car l'éventualité de revenir en arrière n'est pas forcément abordée lors de l'instauration d'un traitement. Lorsqu'il s'agit d'impliquer les patients dans la déprescription, ce que nous disons et la manière dont nous le disons sont donc importants. Voici comment impliquer vos patients dans cette décision et dans la planification de la déprescription. Entamez une conversation L'une des premières choses auxquelles il faut penser est la manière dont nous présentons et encadrons le concept de «déprescription». Nous n'utilisons que rarement, voire jamais, le terme «déprescription» lorsque nous parlons à un patient. Si vous avez identifié une occasion de déprescrire un médicament, vous pouvez simplement introduire l'idée de déprescription comme une «conversation sur les options»2: l’une des options consistant à continuer la prise du médicament, tandis que l’autre étant de la cesser. L'objectif est d'explorer les différents aspects de la décision (par exemple, le pour et le contre d'arrêter ou de diminuer la dose, le coût/la commodité), de s’enquérir des préférences du patient et de trouver le meilleur choix pour celui-ci3. Expliquez pourquoi l'arrêt ou la réduction d'un médicament est une option Les patients doivent comprendre les raisons de la déprescription1. Si vous évoquez la possibilité d'arrêter ou de réduire un médicament, expliquez pourquoi cette option est envisagée1. Les raisons spécifiques dépendent du patient, du médicament et du contexte. Par exemple, dans le cas d'une benzodiazépine, la considération centrale peut être la crainte d'un préjudice réel ou d'un risque de préjudice futur. En revanche, dans le cas d'un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) potentiellement inutile à long terme, la raison principale de l'arrêt serait que le médicament n'est plus nécessaire. Les chercheurs et les cliniciens ont identifié des phrases et des termes utiles pour entamer ou mener une conversation (voir tableau ci-dessous)4-6. Les ressources destinées aux patients sur le site https://deprescribing.org/fr et le Réseau canadien pour l’usage approprié des médicaments et la déprescription peuvent aider à entamer une conversation avec les patients. Impliquez les patients dans la décision Donnez aux patients la possibilité de poser des questions sur les différentes options et de faire part de leurs préférences et de leurs priorités5,6. Pour de nombreuses décisions de déprescription, le meilleur choix pour un individu dépend de ce qui est important pour lui7. Par exemple, un patient prenant de la gabapentine pour une neuropathie diabétique peut être gêné par les vertiges et la somnolence provoqués par ce médicament, même s'il soulage sa douleur. Dans cette situation, le patient peut être plus préoccupé par les effets secondaires que par le soulagement de la douleur, et l'arrêt du traitement ou la réduction de la dose peut s’avérer le meilleur choix. Les patients peuvent avoir besoin de temps pour réfléchir à leurs options. La déprescription est un processus; une décision peut être revue plus tard si les patients ont besoin de plus de temps. Impliquez les patients dans le plan de déprescription Collaborez avec les patients pour élaborer des plans de déprescription qui leur conviennent. Cela inclut la méthode de déprescription, le suivi et la fréquence du suivi1. Discutez des méthodes de déprescription disponibles, telles que la réduction graduelle de la dose (en précisant le rythme et le taux de réduction) ou la cessation immédiate. Le meilleur plan dépendra du médicament et de la personne concernée. Par exemple, un patient qui prend de la trazodone 100 mg qhs pour l'insomnie depuis 10 ans peut préférer une diminution lente sur plusieurs mois, alors qu'un patient qui a pris de la trazodone 50 mg qhs pendant un mois peut souhaiter une diminution plus rapide. Expliquez aux patients qu'un médicament peut toujours être repris ou augmenté à sa dose initiale si des symptômes de sevrage apparaissent ou si la maladie sous-jacente réapparaît1. On suggère notamment de présenter la déprescription comme une «pause sous surveillance», et de rappeler aux patients que la cessation du médicament ou la réduction de la dose est un essai, et qu'ils seront suivis attentivement tout au long du processus2. À lire aussi: Emily McDonald: La déprescription comme norme de soins Discutez de ce à quoi le patient doit s'attendre lors de l'arrêt ou de la réduction du traitement (par exemple, les symptômes à surveiller) et prévoyez un plan d'action en cas de réapparition des symptômes. Par exemple, si une réduction de la dose d'un IPP est envisagée, expliquez que des symptômes de rebond des voies digestives supérieures peuvent survenir, mais qu'ils ne sont généralement pas graves et disparaissent après quelques jours ou semaines8. Si les symptômes réapparaissent, prévoyez un plan de traitement, comme la prise d'un antiacide au besoin8. Il peut également être utile de convenir d'un seuil pour la reprise du traitement (par exemple, pour un IPP, si les symptômes sont si graves qu'ils interfèrent avec le sommeil ou les activités habituelles)8. Demandez aux patients la fréquence et la méthode de suivi qu'ils préfèrent. Les patients apprécient de savoir qu'ils seront soutenus et suivis tout au long du processus1. La fréquence et la méthode de suivi dépendent du médicament et des préférences du patient. Enfin, faites part de votre conversation et de votre plan aux autres membres de l'équipe soignante concernés. Les pharmaciens sont bien placés pour discuter des options médicamenteuses et pour assurer le suivi et la surveillance9-11.

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