Dépistage du cancer du sein: l’INESSS ouvre la porte aux 45-49 ans, la SCC vise plus bas

La publication lundi dernier de l’avis de l’INESSS sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes de 40 à 49 ans a ravivé un débat houleux. Après un an d’analyses, l’Institut recommande d’inclure graduellement les 45-49 ans au Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS), tout en maintenant l’accès aux mammographies sur demande médicale pour les 40-44 ans. Cet avis «ne remet pas en question les recommandations des groupes en faveur d’un dépistage dès 40 ans», estime le porte-parole scientifique et médical de la Société canadienne du cancer (SCC), le Dr Denis Soulières, mais il reste en deçà de ce que la science justifie.Depuis 1998, l’incidence du cancer du sein a augmenté de 18% chez les 45-49 ans au Québec, pour atteindre 207 cas par 100 000 femmes. Selon l’hémato-oncologue, «la proportion de cas diagnostiqués avant 50 ans a presque doublé en 30 ans, et les projections jusqu’en 2050 montrent que la tendance va s’accentuer ». Face à ce constat, la SCC maintient fermement que l’âge d’entrée du PQDCS devrait être fixé à 40 ans. Au-delà de la dimension épidémiologique, l’argument économique pèse lourd. «Un cancer métastatique traité, ce sont des centaines de milliers de dollars. Investir en amont dans le dépistage est socialement et médicalement rentable», insiste le Dr Soulières.Un programme solide, mais perfectibleL’INESSS souligne que le PQDCS bénéficie d’une bonne spécificité et d’une sensibilité adéquate. Mais le taux de rappel, plus élevé au Québec qu’ailleurs au pays, inquiète. Environ 22% des femmes doivent subir un examen complémentaire après une première mammographie, ce qui entraîne anxiété, découragement et pression sur les ressources. À titre comparatif, ce taux se situe autour de 10 à 12% dans certaines autres provinces canadiennes. «Il faut améliorer la sensibilité sans nuire à la spécificité. Quand un examen est négatif, il doit vraiment l’être», souligne le porte-parole de la SCC.À lire aussi: On pourrait dépister le cancer du sein avec une simple prise de sangPour y parvenir, il plaide pour une refonte des mécanismes d’assurance qualité, davantage de formation continue et une exploitation systématique des données accumulées depuis 25 ans. L’intelligence artificielle pourrait aussi jouer un rôle, «non pas pour remplacer les radiologistes, mais pour suggérer des ajustements qui réduiraient les examens inutiles».Relancer l’adhésion des femmesSi le programme atteint actuellement un taux de participation oscillant entre 65 et 70% - le plus élevé au pays -, la SCC juge qu’il y a place à amélioration. Denis Soulières insiste sur l’importance de la communication autour du cancer du sein dans l’espace public. «Il y a 30 ans, l’information et la publicité étaient beaucoup plus fortes. Aujourd’hui, une génération entière arrive à 50 ans sans en avoir beaucoup entendu parler», constate le médecin. La sensibilisation reste, selon lui, un levier essentiel pour renforcer l’adhésion et garantir que l’élargissement du programme produira les bénéfices attendus.Le débat autour du dépistage ne saurait éluder la question du surdiagnostic et des faux positifs. Pour la Dre Guylène Thériault, présidente du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP), l’élargissement reste discutable. «Le dépistage dès 40 ans évite un décès pour 1000 femmes dépistées, mais entraîne deux surdiagnostics», rappelait récemment la clinicienne. Denis Soulières nuance cette crainte: «Détecter des lésions précancéreuses n’est pas inutile si cela permet une intervention préventive.»À lire: L’INESSS préconise le dépistage systématisé du cancer du sein chez les Québécoises de 45 à 49 ansUn pas dans la bonne direction, mais…L’INESSS a insisté sur la portée limitée de son mandat qui consistait à analyser la faisabilité et non la pertinence scientifique d’élargir le PQDCS aux quadragénaires. Dans cette zone grise, le dernier mot reviendra au ministre de la Santé Christian Dubé, qui a déjà exprimé son ouverture à un élargissement. Pour Denis Soulières, la distinction est claire. «Si le ministre décide de ne pas élargir pour des raisons budgétaires, ce sera une décision politique, pas scientifique. Il devra l’assumer», prévient le porte-parole de la SCC.À consulter: Cancer du sein: le risque de rechute est faible, dit une étudeEn ouvrant le programme aux 45-49 ans, le Québec rejoindrait la tendance canadienne. L’Alberta et la Saskatchewan ont opté elles aussi pour 45 ans, mais la majorité des autres provinces se sont déjà alignées sur 40 ans, accentuant la pression sur les autorités de santé. Pour la SCC, l’avis de l’INESSS constitue ainsi un pas dans la bonne direction. Mais le message demeure inchangé. «Toute femme de plus de 40 ans devrait avoir accès au dépistage», repète le Dr Soulières.Preuve que le débat médico-scientifique autour du dépistage du cancer du sein est bien vivant, deux études récentes viennent bousculer les certitudes: l’une met en lumière l’importance cruciale de la première mammographie, l’autre s’interroge sur la pertinence de prolonger le dépistage au-delà de 80 ans.

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