Dépistage de la dépression chez les femmes enceintes: le questionnaire standardisé n’est plus recommandé

Selon ces experts, peu de données probantes indiquent que le dépistage universel de la dépression par un questionnaire standardisé (par exemple, le Questionnaire sur la santé du patient ou l’Échelle de dépression postnatale d’Édimbourg) améliore les résultats à long terme de cette population. «Dans la littérature, il y a une seule étude randomisée contrôlée et elle ne démontre pas de bénéfice. Nous nous sommes alors demandés pourquoi nous devons utiliser un questionnaire pour détecter la dépression», explique en entrevue à ProfessionSanté.ca la Dre Guylène Thériault, membre du groupe de travail et médecin de famille en Outaouais qui fait partie du Département de médecine de famille de l'Université McGill. Cette étude a été effectuée avec des femmes après la grossesse. Le groupe de travail n’a trouvé aucune étude sur le dépistage pendant la grossesse. Selon la médecin de famille, le score du questionnaire universel pourrait même inquiéter les personnes qui vont bien. En effet, le dépistage pourrait entraîner une augmentation du nombre de faux positifs, de faux négatifs, de références et d’évaluations diagnostiques inutiles et de diagnostics excessifs pour certaines personnes. Par exemple, un faux positif sera référé pour une évaluation psychiatrique supplémentaire qui conclura qu’elle ne satisfait pas vraiment aux critères diagnostiques de la dépression. «Compte tenu des défis importants liés à l’accès aux services de santé mentale au Canada, le fait de consacrer, sans bénéfice clair, des ressources qui profiteraient davantage aux personnes réellement atteintes de troubles de santé mentale pourrait constituer un préjudice non intentionnel de ce genre de dépistage», poursuit le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs. Rester vigilant Les experts recommandent plutôt aux médecins de poser des questions sur le bien-être des femmes dans le cadre de soins usuels, de porter attention aux signes de dépression et d’utiliser leur jugement clinique pour décider des prochaines étapes. «Par exemple, un clinicien qui veut aborder le sujet de la santé mentale pourrait s’inspirer du questionnaire pour poser ses questions, mais sans utiliser le score rattaché aux questionnaires, car nous n’avons pas de preuve que cela peut aider nos patientes», explique la Dre Thériault. Par cette approche davantage flexible et personnalisée, le médecin utilise son jugement plutôt que de se laisser guider par un outil diagnostique. Pour un médecin, il est donc crucial d’être à l’écoute de ses patientes et de s'intéresser à leur santé mentale pour bien dépister la dépression, qui peut notamment perturber le lien affectif entre la mère et son enfant, note la Dre Thériault. De plus, pour le nourrisson, la dépression post-partum peut entraîner un retard de développement physique et intellectuel, en plus d'occasionner des problèmes de santé globaux. Selon une étude américaine réalisée en 2008, les taux de dépression sont de 8% durant la grossesse et de 9% en période postnatale, contre 8% chez les personnes non enceintes. Changer les habitudes Cette nouvelle ligne directrice, qui remplace celle publiée en 2013, changera les pratiques de plusieurs médecins. «Ceux qui ont pris l’habitude d’utiliser systématiquement le questionnaire vont peut-être trouver que cela change leur routine. Et l’on sait que changer une pratique pour un médecin, ce n’est pas facile! Ils pourront toutefois continuer à se servir des questions du questionnaire», souligne la Dre Guylène Thériault. Notons que cette nouvelle ligne directrice, publiée lundi dans le Canadian Medical Association Journal (CMAJ), ne s’applique pas aux personnes enceintes ou en période postnatale ayant des antécédents de dépression ou qui sont évaluées ou traitées pour d’autres troubles mentaux.

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