Crise des opioïdes: des pharmacies doivent payer 650 M$ à deux comtés américains

Le juge de district américain Dan Polster a déclaré dans sa décision que l'argent sera utilisé pour lutter contre la crise des opioïdes dans les comtés de Lake et Trumbull, près de Cleveland. Les avocats des comtés ont estimé le coût total des dommages causés à 3,3 milliards de dollars. Le juge a admonesté les trois chaînes de pharmacies nationales, déclarant qu'elles avaient «gâché l'opportunité de présenter un plan significatif pour réduire la nuisance» après les procédures du printemps dernier visant à déterminer ce qui était dû aux comtés. Le comté de Lake recevra 306 millions de dollars sur 15 ans. Le comté de Trumbull recevra 344 millions de dollars sur la même période. Dan Polster a ordonné aux entreprises de débourser immédiatement près de 87 millions de dollars pour couvrir les deux premières années de paiements, mais il n'a pas précisé si elles devaient payer cet argent pendant leurs appels. «Aujourd'hui marque le début d'un nouveau jour dans notre lutte pour mettre fin à l'épidémie d'opioïdes», a indiqué le commissaire du comté de Lake, John Hamercheck, dans un communiqué. En novembre, un jury a rendu un verdict en faveur des comtés après un procès de six semaines. Il appartenait alors au juge de décider du montant que les comtés devaient recevoir. Il a entendu des témoignages en mai pour déterminer les dommages et intérêts. Les comtés ont convaincu le jury que les pharmacies ont joué un rôle démesuré dans la création d'une nuisance publique par la manière dont elles dispensaient les analgésiques. C'était la première fois que des sociétés pharmaceutiques se défendaient dans un procès mené à terme dans le contexte de la crise des médicaments qui a tué un demi-million d'Américains depuis 1999. La décision relative aux dommages-intérêts est intervenue le jour même où les procureurs généraux de nombreux États ont annoncé qu'ils avaient conclu un accord avec le fabricant d'opioïdes Endo International prévoyant le versement de 450 millions de dollars sur dix ans. Ces paiements mettent fin aux allégations selon lesquelles la société a eu recours à des pratiques commerciales trompeuses «qui minimisaient le risque de dépendance et exagéraient les avantages» des opioïdes. Réactions des chaînes Les avocats des chaînes de pharmacies ont insisté sur le fait qu'elles avaient mis en place des politiques visant à endiguer le flux de pilules lorsque les pharmaciens exprimaient des inquiétudes et qu'elles informaient les autorités des commandes suspectes des médecins. Ils ont également affirmé que ce sont les médecins qui contrôlent la quantité de pilules prescrites pour des besoins médicaux légitimes, et non les pharmacies. Walmart a publié une déclaration mercredi disant que les comtés l’«ont poursuivi, car elle est une entreprise des plus lucratives et que ce jugement fait suite à un procès criblé d'erreurs juridiques et factuelles remarquables qui a été conçu pour favoriser les avocats des plaignants». Le porte-parole de Walgreens, Fraser Engerman, a déclaré: «Les faits et la loi n'ont pas soutenu le verdict du jury l'automne dernier, et ils ne soutiennent pas la décision du tribunal maintenant.» Il a ajouté que le tribunal «a commis des erreurs juridiques importantes en permettant que l'affaire soit soumise à un jury sur la base d'une théorie juridique défectueuse qui n'est pas conforme à la loi de l'Ohio et a aggravé ces erreurs en rendant sa décision concernant les dommages-intérêts.» Le porte-parole de CVS, Michael DeAngelis, a indiqué que la société était en profond désaccord avec la décision du tribunal concernant les dommages et intérêts ainsi qu'avec le verdict sous-jacent. CVS est basé dans le Rhode Island, Walgreens dans l'Illinois et Walmart dans l'Arkansas. Deux chaînes, soit Rite Aid et Giant Eagle, ont quant à elles réglé les poursuites avec les comtés avant le procès. Les montants qu'elles ont payés n'ont pas été divulgués publiquement. Un problème d’envergure Mark Lanier, un avocat des comtés, a déclaré lors du procès que les pharmacies tentaient de blâmer tout le monde sauf elles-mêmes. La crise des opioïdes a submergé les tribunaux, les agences de services sociaux et les forces de l'ordre dans le coin ouvrier de l'Ohio à l'est de Cleveland, laissant derrière elle des familles au cœur brisé et des bébés nés de mères toxicomanes, a dit Mark Lanier aux jurés. Environ 80 millions d'analgésiques sur ordonnance ont été distribués dans le seul comté de Trumbull entre 2012 et 2016, ce qui équivaut à 400 pour chaque résident. Dans le comté de Lake, quelque 61 millions de pilules ont été distribuées au cours de cette période. Les ordonnances d'analgésiques tels que l'oxycodone et l'hydrocodone ont augmenté lorsque les associations médicales ont commencé à reconnaître que les patients ont le droit d'être traités contre la douleur, a commenté Kaspar Stoffelmayr, avocat de Walgreens, à l'ouverture du procès. Le problème, a-t-il ajouté, est que «les fabricants de produits pharmaceutiques ont incité les médecins à prescrire beaucoup trop de pilules». Les comtés ont déclaré que les pharmacies devraient être la dernière ligne de défense pour empêcher les pilules de tomber entre de mauvaises mains. Ce procès n'est qu'un seul des quelques 3000 procès fédéraux relatifs aux opioïdes, consolidés sous la supervision de M. Polster. D'autres affaires sont en cours auprès des tribunaux d'État. Kevin Roy, responsable des politiques publiques chez Shatterproof, une organisation qui milite pour des solutions à la dépendance, a déclaré en novembre que le verdict pourrait inciter les pharmacies à suivre la voie des grandes sociétés de distribution et de certains fabricants de médicaments, qui ont conclu des ententes de règlements à l'échelle nationale dans des affaires d'opioïdes pour des milliards de dollars. Jusqu'à présent, aucune pharmacie n'a conclu d’entente de règlement à l'échelle nationale. L’exemple d’Endo L'accord conclu avec la compagnie irlandaise Endo prévoit que les 450 millions de dollars seront répartis entre les États et les communautés participants. Il prévoit également qu'Endo mette en ligne les documents relatifs aux opioïdes afin que le public puisse les consulter et qu'elle paie 2,75 millions de dollars pour l'archivage public de ces documents. Endo ne pourra plus jamais commercialiser d'opioïdes, selon l'accord. La société s'est placée mardi sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites. La société, dont le siège social américain est situé à Malvern, en Pennsylvanie, n'a pas répondu mercredi aux demandes de commentaires par téléphone et par courriel concernant cet accord. Endo produit des opioïdes génériques et des marques commerciales telles que PercocetMD et EndocetMD. L'opioïde Opana ERMD de la société a été retiré du marché en 2017. Les procureurs généraux affirment qu'Endo a «faussement promu les avantages» de la «formulation dite dissuasive d'abus» d'Opana ERMD. Les procureurs généraux soutiennent que la formulation n'a pas empêché l'abus du médicament et a conduit à des épidémies mortelles d'hépatite et de VIH résultant de l'injection du médicament.

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