CRDS: où en sont les divers chantiers d’amélioration?

Dans un récent billet de blogue, le Dr Roger Ladouceur a décerné «le prix citron des innovations technologiques médicales au… CRDS». Cette récompense peu glorieuse n’existe évidemment pas. En revanche, les bogues du Centre de répartition des demandes de service sont bien réels, comme en témoignent les frustrations du Dr Ladouceur et les commentaires laissés par ses pairs au bas de son texte, publié par Profession Santé.Du côté des omnipraticiens, les changements intempestifs de priorité clinique qui prolongent les délais, la gestion erratique des examens prérequis à une demande de consultation en spécialité et l’absence de traçabilité des requêtes figurent parmi les principaux irritants. Chez les médecins spécialistes, les écueils concernent essentiellement les demandes incomplètes (prérequis absents ou périmés), non pertinentes ou obsolètes.Ces enjeux sont connus et partagés de longue date entre la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), celle des médecins spécialistes (FMSQ) et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Ils le sont aussi par Santé Québec qui, depuis son entrée en service il y a six mois, s’est vu confier la responsabilité du projet CRDS 2.0, vocable qui regroupe les différents chantiers de modernisation et d’amélioration des 14 guichets régionaux des CRDS. À la FMOQ, on observe que ce dossier semble plus ou moins à l’arrêt. «Des rencontres ont été reportées récemment. Il n’y a donc rien de nouveau à ce sujet», nous indique-t-on. À la FMSQ, même son de cloche, mais pour une raison différente: «Le développement des chantiers du CRDS est étroitement lié aux négociations actuelles avec le gouvernement (sur l’entente-cadre des médecins spécialistes). Comme celles-ci sont en cours, la Fédération ne peut pas s’avancer sur l’état des travaux.»Pour sa part, Santé Québec affirme que plusieurs travaux se poursuivent afin d’optimiser les CRDS. Voici lesquels, ainsi que leurs états d’avancement.Gestion des examens prérequis La société d’État dit «travailler sur une solution numérique intégrée pour automatiser la vérification des examens prérequis. L’objectif est de réduire les retours, en prenant en compte les délais d’attente». Sans préciser lesquelles, l’équipe des relations médias de Santé Québec indique que «des procédures sont actuellement en place avec les CRDS afin d’éviter de pénaliser le patient».À plus haut niveau, un effort d’harmonisation a été entrepris afin que les différents guichets régionaux des CRDS adoptent les mêmes approches et appliquent les mêmes règles de gestion. «Le but est de mettre fin aux interprétations divergentes d’un CRDS à l’autre sur les prérequis.»Lire aussi: Et le prix citron des innovations technologiques médicales est remis au... CRDSTraçabilité des demandes de consultationUn premier projet pilote a été mené en 2023-2024 à Montréal, à Laval, dans les Laurentides, dans Lanaudière et en Montérégie dans le cadre du programme de révision des listes d’attente en spécialités. Celui-ci visait à informer les prescripteurs, via leur DMÉ, du statut d’une demande de consultation après sa vérification. Après le succès de ce projet pilote, une solution a été développée l’été dernier pour permettre aux omnipraticiens et aux IPS de première ligne de connaître le statut de leurs références et de recevoir des informations concernant le rendez-vous directement dans leur DMÉ. Cette solution a été déployée cet hiver en Montérégie et le calendrier de déploiement dans les autres régions doit encore être confirmé, mentionne Santé Québec.S’agissant de l’épuration des listes d’attente, le «chantier est presque entièrement complété», précise la société d’État qui rapporte «des dizaines de milliers de demandes désuètes ou de doublons éliminés». «La priorité pour nous est de s’assurer qu’à terme, les consultations se fassent toujours dans les délais prescrits. Nous ciblons initialement que 51% des rendez-vous soient obtenus dans les délais d’ici la fin juin. Des cibles ultérieures seront définies par la suite.» Changements de priorité cliniqueLes changements de priorité des demandes de consultation formulées par les omnipraticiens ont tendance à exaspérer ces derniers. «Nos médecins de famille passent par le Conseil numérique pour valider la pertinence d’une demande de consultation. Le spécialiste leur répond par exemple que la demande à une priorité de niveau C ou D, mais le CRDS la change en niveau E. Il faut se battre continuellement. C’est frustrant et fatigant», témoignait ainsi la présidente de l’Association des médecins omnipraticiens des Laurentides-Lanaudière, la Dre Lyne Couture.À la question «des barrières vont-elles être posées pour limiter ces changements?», Santé Québec ne répond pas vraiment: «L’ensemble des raisons de consultations dans les formulaires des 26 spécialités ont leurs priorités distinctes. Seulement les priorités “autre” sont assujetties à une révision par le médecin répondant du CRDS.»Lire aussi: Le CRDS, toujours un irritant majeur pour les médecins de famille Corridors de services interrégionauxDans les régions où certaines spécialités sont absentes, des corridors de service doivent être mis en place par les CRDS. Des cliniciens rapportent qu’ils se font attendre. Ce que Santé Québec relativise. «Certains corridors sont déjà en place et fonctionnels. Par exemple, (celui) en dermatologie regroupant les Laurentides, Lanaudière et Laval a permis de rediriger plus de 4000 rendez-vous depuis janvier vers Montréal. Un autre corridor similaire existe pour les services en gynécologie de la Montérégie vers l’Estrie», détaille la société d’État qui prévoit d’ouvrir d’autres corridors formalisés au cours des prochains mois. Déploiement du CRDS-imagerieAu printemps 2024, le CRDS-Imagerie médicale (ou CRDS-i) a été lancé sous forme d’un projet pilote dans les régions des Laurentides et de Lanaudière. Ce nouvel outil vise à «optimiser la prescription judicieuse des examens d’imagerie et à éviter aux patients qu’ils aient à se chercher eux-mêmes un rendez-vous», résume la Dre Couture. Le CRDS-i s’adresse aux médecins de famille et aux infirmières praticiennes spécialisées en première ligne (IPSPL) qui doivent utiliser des formulaires standardisés pour leurs requêtes de résonance magnétique, de tomodensitométrie, d’échographie et de mammographie. Ces formulaires sont ensuite acheminés, via la plateforme SAFIR web, à un guichet unique de réception et de traitement des demandes.Lire aussi: 8 choses que vous ignorez sans doute sur le DSNDepuis, le CRDS-i a été déployé en Outaouais à l’automne et en Abitibi cet hiver. S’«il est encore tôt pour dégager des constats précis à ce sujet, nous constatons toutefois une amélioration de la pertinence des examens prescrits», signale Santé Québec en précisant que le calendrier de déploiement dans les autres régions est en cours d’adoption.Pour l’instant, seuls les omnipraticiens et les IPSPL sont obligés d’utiliser le CRDS-i dans les régions concernées. S’agissant des médecins spécialistes, «Santé Québec est en réflexion à ce sujet», nous indique-t-on.D’autres formulaires intelligents en développementUn formulaire dit intelligent (car couplé à des algorithmes d’aide à la décision clinique) a été déployé en mars 2024 pour les demandes de consultation en neurologie. Selon le président de l’Association des neurologues du Québec, le Dr Guillaume Lafortune, ce nouveau formulaire «aide beaucoup. On voit une différence. Il améliore significativement la pertinence des demandes qu’on reçoit, car les critères de consultation sont plus précis.»Un formulaire similaire a été mis en œuvre pour la néphrologie cet hiver. Les prochaines spécialités ciblées sont l’hémato-oncologie, la gastro-entérologie, l’otorhinolaryngologie et la chirurgie plastique, informe Santé Québec sans donner plus de détails quant aux échéances prévues.Lire aussi: CRDS: le point sur les chantiers en cours (en mars 2024)Parcours des usagers dans certaines spécialitésEn parallèle, Santé Québec entend simplifier le parcours des usagers dans plusieurs spécialités: musculo-squelettique, ophtalmologie, rhumatologie, etc. «L’idée est de regrouper les services autour de trajectoires de soins claires et coordonnées (grâce à la) mise en place de “guichets d’accès centralisés” pour orienter rapidement les usagers vers le bon professionnel, au bon moment.» Ce professionnel n’étant pas nécessairement un médecin, mais éventuellement un physiothérapeute ou un optométriste, par exemple.La société d’État espère ainsi que les spécialistes recevront des demandes plus pertinentes et mieux priorisées, «ce qui optimise leur temps clinique». Pour autant, «ces changements impliquent une adaptation des pratiques, notamment en termes de collaboration et de communication», prévient-elle.

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