CRDS: les cibles de délais de consultations ratées dans la plupart des spécialités

Le Centre de répartition des demandes de service (CRDS), ce guichet créé en 2016 pour permettre aux omnipraticiens en première ligne de référer leurs patients pour une première consultation dans un service spécialisé, est incapable de répondre à la demande. En effet, les délais fixés par le ministère de la Santé pour être vus par un médecin spécialiste ces deux dernières années n’ont pas été respectés dans la plupart des spécialités, même si la situation s’est quelque peu améliorée de 2020-2021 à 2021-2022, mais surtout dans les deux catégories les moins pressantes, D et E. Des tableaux obtenus par ProfessionSanté.ca auprès du MSSS (en PDF au bas de l'article) montrent que le pourcentage de consultations réalisées dans les temps visés ces deux années a été inférieur aux cibles fixées et ce, même dans une catégorie aussi prioritaire que B. Les cas de priorités A, qui nécessitent une consultation en trois jours, ne figurent plus dans ces listes. Lors de la création des CRDS il y a six ans, le ministère prévoyait qu’une fois pleinement actif, ce système de courtage – qui devait réduire le favoritisme et les passe-droits, en plus de mettre un terme aux démarches des patients pour se trouver eux-mêmes un médecin spécialiste – permettrait de traiter un million de demandes de référence par an. Des cibles qui passent de 81 à 85% Les échéances pour être vus en médecine spécialisée sont de plus ou moins 10 jours pour la priorité B, 28 jours pour la priorité C, 3 mois pour les priorités D et 12 mois pour la priorité E. Le Plan stratégique 2019-2023 du MSSS, qui vise une amélioration constante et progressive de l’accès aux spécialistes, avait fixé à 81% la cible de consultations médicales réalisées à l’intérieur des délais pour l’année 2020-2021, à 82% pour 2021-2022 et à 85% en 2022-2023. Or, même la cible de 81% en 2020-2021 n’a pas été atteinte dans la catégorie B dans presque toutes les spécialités, sauf en orthopédie (87%). Celles qui s’en sont approchées le plus sont l’ophtalmologie (77%) et la pédiatrie (77%). Toujours dans la catégorie B, les pires résultats ont été obtenus en gériatrie (20%), neurochirurgie (37%), psychiatrie (48%) et néphrologie (49%). Par contre, le 81% a été atteint ou dépassé dans la catégorie E en chirurgie générale (85%), gériatrie (87%), gynécologie (85%), immunologie (86%), microbiologie (96%), oncologie (88%), pédiatrie (92%) et psychiatrie (97%). Il s’agit probablement de cas de patients dont les temps d’attente d’un an arrivaient à échéancier. En 2021-2022, dans la catégorie B, seules la physiatrie a dépassé la cible de 82% avec une note parfaite de 100%, suivie par l’orthopédie (87%). À l’inverse, la psychiatrie a fait encore moins bien que l’année précédente avec 43%, ce qui est aussi le cas de la neurochirurgie (35%). En immunologie, le pourcentage de patients vus en dix jours environ a chuté à 36%, soit une baisse de 14% par rapport à 2020-2021. En oncologie, le pourcentage de consultations réalisées dans le délai souhaité dans la colonne B, soit 10 jours ou moins, s’est situé à peine à 42%, une baisse de 8% par rapport à l’année précédente. Mais en gériatrie, le chiffre a bondi en un an de 39% (20 à 59%). Dans la catégorie E en 2021-2022, l’objectif de 82% a été franchi en chirurgie générale (88%), gériatrie (87%), gynécologie (87%), microbiologie (89%), oncologie (88%), ORL (84%), pédiatrie (90%) et psychiatrie (94%). Encore là, ce sont des cas de patients qui ont dû attendre jusqu’à un an pour rencontrer un spécialiste. Ce n’est pas une statistique et un résultat dont peut s’honorer le système de santé. Des écarts selon les régions et les spécialités Le MSSS précise que les délais pour être vus en médecine spécialisée en première consultation par l’entremise du CRDS varient en fonction de plusieurs facteurs, dont la fluctuation de la demande, le manque de disponibilité de médecins spécialistes – ou par manque d’effectifs dans certains territoires – et le manque d’offre aux CRDS de la part de médecins spécialistes dans certains domaines. Résultat: des écarts importants à noter au niveau de l’offre de services selon les régions et les disciplines, et de fortes inégalités dans les soins. Les médecins de famille savent d’expérience que la situation est particulièrement problématique dans certaines spécialités et que les attentes pour être vus dans quelques disciplines peuvent être très longues. La COVID ne peut expliquer à elle seule ces délais. «La pandémie a eu un certain impact sur l’accès à la consultation spécialisée – les cliniques externes des hôpitaux ont été fermées en tout ou en partie pendant un certain temps. Toutefois, les médecins spécialistes ont ajusté leur offre de service dans les cabinets de médecine spécialisée de même que par la télésanté», souligne-t-on à Québec. Les spécialités les plus problématiques Les spécialités où il était le plus difficile pour un patient référé par le CRDS d’être vu dans les délais prévus en 2021-2022 sont principalement: B C D E Immunologie 36% 54% 52% 52% Néphrologie 49% 49% 22% 40% Neurochirurgie 35% 41% 57% 80% Psychiatrie 43% 45% 66% 94% Hémato-oncologie 51% 62% 56% 61% Urologie 52% 56% 52% 69% Gastroentérologie 54% 40% 31% 50% Les spécialités qui ont le mieux fait au regard des pourcentages visés par le ministère ont été: ORL 76% 82% 83% 84% Cardiologie 75% 72% 68% 78% L’utilisation du conseil numérique, où un médecin de famille peut obtenir un conseil ou un avis d’un médecin spécialiste en sept jours ou moins, pourrait réduire le recours au CRDS au bénéfice des patients. Or, dans une déclaration récente du Médecin du Québec, le président de l’Association des médecins omnipraticiens de Laval, le Dr Jean Rivest, a déploré le fait que trop peu d’omnipraticiens l’utilisent.

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