CRDS: le point sur les chantiers en cours

Tout vient à point à qui sait attendre, dit le proverbe. En l’occurrence, omnipraticiens et médecins spécialistes doivent néanmoins s’armer de patience. La modernisation des Centres de répartition des demandes de service (CRDS) avance sûrement, mais très lentement. Les deux fédérations médicales affirment faire leur part du travail et que leur collaboration sur ce dossier est harmonieuse. Mais pour le reste, notamment le volet numérisation des procédures, «on reste tributaires du MSSS [ministère de la Santé et des Services sociaux]», signale la directrice de la planification et du développement organisationnel à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), la Dre Anne-Louise Boucher. Actuellement, «la composante informatisation du réseau de la santé, c’est le talon d’Achille», du projet CRDS 2.0, observe pour sa part le Dr Rafik Ghali, directeur des affaires professionnelles de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). L’enjeu est connu: selon l’établissement où ils pratiquent, les médecins spécialistes ont accès, ou pas, à un dossier clinique informatisé (DCI); et quand ils disposent d’un DCI, celui-ci diffère d’un établissement à l’autre. «Certains spécialistes possèdent déjà un module permettant l’échange électronique avec le CRDS», indique ainsi le MSSS, alors que d’autres cliniciens en sont dépourvus.Idem pour les 14 guichets régionaux des CRDS. Certains sont passés à l’ère numérique, d’autres fonctionnent encore avec des formulaires papier transmis par fax. Dans ce méli-mélo informatique, «des tables de concertations sont en cours avec chacun des établissements et leur équipe informatique. Celles-ci visent à optimiser les logiciels en place et diminuer les tâches sans valeurs ajoutées», explique une porte-parole du MSSS dans un courriel transmis à ProfessionSanté.ca. «En parallèle, les projets pilotes de la traçabilité et de l’offre médicale, qui sont en cours, viendront améliorer l’échange électronique entre les médecins référents, les CRDS et les médecins spécialistes», ajoute-t-elle en réponse à nos questions.Pour les 3600 spécialistes qui exercent en cabinet, dont près de 40% n’utilisent pas de dossier médical électronique (DMÉ), le MSSS a lancé en janvier dernier le PQADMÉS (programme québécois d’adhésion aux dossiers médicaux électroniques en spécialité). Similaire à celui destiné aux médecins de famille, qui avait été mis en place en 2014, ce programme prévoit pour chaque clinicien qui saute le pas une subvention de 2600$ pour la gestion de changement liée à l’implantation d’un DMÉ ainsi que le remboursement des frais licence du DMÉ pendant cinq ans (jusqu’à 2200$ par année).Finies les demandes de consultation par faxS’agissant à proprement parler du projet CRDS 2.0, «une phase d’analyse de besoins a été complétée (et) des projets pilotes sont en cours de planification», mentionne le MSSS. En attendant, sa porte-parole indique que les quelques omnipraticiens qui n’ont pas de DMÉ peuvent utiliser la plateforme internet SAFIR Web, sur laquelle un module est déployé depuis l’automne dernier pour qu’ils puissent acheminer aux CRDS leurs formulaires de demandes de consultation en spécialité. Quant aux médecins de famille qui sont équipés, «l’accès aux formulaires se fait via leurs dossiers médicaux électroniques» et ils sont encouragés à envoyer leurs demandes via leur DMÉ. «L’arrêt des envois de demandes par fax est prévu au 31 mars 2024», souligne la porte-parole du MSSS.Enfin, il était question que le ministère déploie une plateforme numérique commune aux omnipraticiens et aux spécialistes, intégrée aux DMÉ et aux DCI, afin de faciliter les échanges entre eux et de permettre un suivi des requêtes. Là encore, «le projet est actuellement en phase d’évaluation. Les hypothèses seront testées dans le cadre d’un projet pilote en cours de planification (et celui-ci) prévoit l’échange des informations pertinentes aux demandes - statuts des demandes et notifications - via SAFIR Web», signifie la porte-parole.Des formulaires intelligents pour les demandes de consultation«On est encore un peu beaucoup à la merci du DSN [dossier santé numérique]», constate la Dre Anne-Louise Boucher. Sur le papier, ce nouvel outil, qui remplacera à terme le dossier santé Québec (DSQ), colligera et rendra disponibles toutes les informations du patient. Il sera arrimé aux DMÉ et aux DCI des médecins, et facilitera le partage des données et des requêtes. En cours de développement, les premiers déploiements du DSN sont prévus en 2026-2027. «Le DSN va solutionner beaucoup de choses à moyen et long terme, mais il faut vivre jusque-là et pas que survivre», considère la directrice de la FMOQ.Dans l’immédiat, les deux fédérations médicales collaborent depuis plusieurs mois à la création de formulaires de demandes de consultation en spécialité qui sont couplés à des guides d’aide à la décision clinique. Le premier d’entre eux, destiné à la neurologie, a été présenté fin janvier lors d’un webinaire organisé conjointement par la FMOQ et la FMSQ. Webinaire qui peut être consulté sur la plateforme Caducée de la FMOQ ou sur la plateforme Méduse de la FMSQ. «En quelques clics, le médecin de famille peut juger de la pertinence de faire une requête de consultation ou s’il a juste besoin de poser une question clinique via le Conseil numérique», explique le Dr Rafik Ghali qui voit ces formulaires comme un «excellent outil pour le patient à la bonne place, au bon moment. Ils permettent d’affiner la nécessité de consultation. Si le médecin de famille passe finalement par le Conseil numérique, ça libère une place au CRDS».Lire aussi: Les télécopieurs empêchent le système de santé québécois d'adopter pleinement l'IAIntégrés aux DMÉ des omnipraticiens, ces formulaires dits intelligents sont composés de menus déroulants avec des cases à cocher au fur et à mesure. «C’est plus simple et plus rapide à remplir. Ils comportent les premières étapes de l’évaluation et du traitement avant de déposer une demande de consultation. Certains prérequis ont été introduits pour éviter que les requêtes soient retournées», signale la Dre Boucher. Une fois le formulaire complété, le médecin n’a plus qu’à l’envoyer par courriel au CRDS si une consultation est requise.Les deux fédérations travaillent sur ce projet une spécialité à la fois. D’ici la fin du printemps, deux nouveaux formulaires seront ainsi disponibles, l’un pour la néphrologie, l’autre pour l’hémato-oncologie.Ménage dans les listes d’attenteDe son côté, la FMSQ suit de près le chantier de l’épuration des listes d’attente en spécialité entrepris par le MSSS. «Ça fait partie de l’ensemble de l’œuvre», souligne le Dr Ghali en estimant que parmi les 833 000 patients en attente d’une consultation (selon le tableau bord du ministère, en date du 27 janvier), «30% sont désuètes ou des doublons». De son côté, la porte-parole du MSSS informe que «l’exercice de mise à jour des listes d’attente a surtout permis de réduire la hausse des listes d’attente». Selon elle, «environ 85% de la démarche de mise à jour a été réalisée. Près de 107 000 demandes ont pu être retirées des listes d’attente parce que le patient avait déjà reçu le service, qu’il n’avait plus besoin de la consultation ou parce qu’il ne pouvait être joint à la suite de trois tentatives d’appels et une correspondance écrite». Elle mentionne toutefois que «le médecin référent pourra en tout temps réactiver les demandes fermées dans le contexte de la mise à jour des listes d’attente, et que la date de la demande initiale sera considérée».

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