COVID longue: le virus de la mono ou les cellules graisseuses pourraient-ils jouer un rôle?

Une historienne britannique, une archéologue italienne et une institutrice américaine d’école maternelle ne se sont jamais rencontrées en personne, mais elles partagent un lien important avec la pandémie. Atteintes de symptômes étrangement similaires, les trois femmes ont décrit, nommé et contribué à faire connaître la COVID longue au public au début de 2020. Rachel Pope, de Liverpool, s’est exprimée sur Twitter à la fin du mois de mars 2020 pour décrire ses symptômes, alors sans nom, après une infection à coronavirus. Elisa Perego, en Italie, a été la première à utiliser le terme «COVID longue» dans un tweet du mois de mai de la même année. Amy Watson, de Portland (Oregon), s’est inspirée de la casquette de camionneur qu’elle portait pour nommer son groupe de soutien sur Facebook, et le terme «long routier» (long hauler, en anglais) est rapidement entré dans le lexique de la pandémie. Près de trois ans après le début de la pandémie, les scientifiques essaient toujours de comprendre pourquoi certaines personnes contractent la COVID longue et pourquoi une petite partie d'entre elles - y compris les trois femmes - présente des symptômes qui perdurent. Des millions de personnes dans le monde qui ont eu la COVID longue signalent divers symptômes, notamment la fatigue, des problèmes pulmonaires, un brouillard cérébral et d’autres symptômes neurologiques. Il semble que la plupart d'entre elles se rétablissent en grande partie en l'espace d'un an, mais des données récentes montrent qu'il a contribué à plus de 3500 décès aux États-Unis. Voici quelques-unes des dernières preuves: Les femmes sont-elles plus à risque? De nombreuses études et preuves anecdotiques suggèrent que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de développer une COVID longue. Il pourrait y avoir des raisons biologiques. Le système immunitaire des femmes développe généralement des réactions plus fortes aux virus, bactéries, parasites et autres germes, a noté Sabra Klein, microbiologiste et professeure à Johns Hopkins. Les femmes sont également beaucoup plus susceptibles que les hommes de souffrir de maladies auto-immunes, où le corps attaque par erreur ses propres cellules saines. Certains scientifiques pensent que la COVID longue pourrait résulter d’une réponse auto-immune déclenchée par le virus. Le corps des femmes a également tendance à contenir davantage de tissu adipeux, et de nouvelles recherches suggèrent que le coronavirus pourrait se cacher dans la graisse après l’infection. Les scientifiques étudient également si les fluctuations des niveaux d'hormones des femmes peuvent accroître les risques. Un autre facteur possible: les femmes sont plus enclines que les hommes à se faire soigner et sont souvent plus attentives aux changements dans leur corps, a noté Sabra Klein. «Je ne pense pas que nous devions ignorer cela. La biologie et le comportement sont probablement tous deux en jeu», selon la microbiologiste. Ce n’est donc peut-être pas une coïncidence si ce sont trois femmes qui ont contribué à mettre en lumière la COVID longue. Rachel Pope, 46 ans, a commencé à rédiger ce qu’elle vivait en mars 2020: des symptômes de grippe, puis ses poumons, son cœur et ses articulations ont été touchés. Après un mois, elle a commencé à avoir quelques jours «OK», mais les symptômes persistaient. Avec des collègues atteints de la même maladie, elle est entrée en contact avec Elisa Perego sur Twitter. «Nous avons commencé à nous réunir en quelque sorte parce que c’était littéralement le seul endroit où nous pouvions le faire. En 2020, nous plaisantions en disant que nous allions nous réunir pour Noël et célébrer, a partagé Rachel Pope. Puis évidemment, ça a continué, et je pense que nous avons arrêté de plaisanter.» En avril de la même année, Amy Watson a créé son groupe virtuel de «long routier». Les autres ont vite appris ce surnom et l’ont adopté. Virus de la mono Plusieurs études suggèrent que le virus ubiquitaire d’Epstein-Barr pourrait jouer un rôle dans certains cas de COVID longue. L’inflammation provoquée par l’infection à coronavirus peut activer les virus de l'herpès, qui restent dans l’organisme après avoir provoqué une infection aiguë, a expliqué le Dr Timothy Henrich, spécialiste des virus à l’Université de Californie, à San Francisco. Le virus d’Epstein-Barr est l’un des plus courants de ces virus. On estime que 90% de la population américaine a été infectée. Le virus peut provoquer une mononucléose ou des symptômes que l’on pourrait confondre avec un rhume. Le Dr Henrich fait partie des chercheurs qui ont trouvé des marqueurs immunitaires signalant une réactivation d’Epstein-Barr dans le sang des patients atteints de COVID depuis longtemps, en particulier ceux qui souffrent de fatigue. Tous les patients atteints de COVID longue n’ont pas ces marqueurs. Mais il est possible qu'Epstein-Barr soit à l'origine des symptômes chez ceux qui les présentent, bien que les scientifiques affirment que des études supplémentaires sont nécessaires. Certains scientifiques pensent également qu’Epstein-Barr déclenche le syndrome de fatigue chronique, une condition qui présente de nombreuses similitudes avec la COVID longue, mais qui n’est pas non plus prouvée. Obésité L’obésité est un facteur de risque d’infections graves au COVID-19 et les scientifiques tentent de comprendre pourquoi. Des chercheurs de l’Université de Stanford font partie de ceux qui ont trouvé des évidences que le coronavirus peut infecter les cellules graisseuses. Dans une étude récente, ils ont trouvé le virus et des signes d’inflammation dans les tissus adipeux prélevés sur des personnes décédées de la COVID-19. Des tests en laboratoire ont montré que le virus peut se reproduire dans les tissus adipeux. Cela soulève la possibilité que le tissu adipeux puisse servir de «réservoir», alimentant potentiellement une COVID longue. L'ablation du tissu adipeux pourrait-elle traiter ou prévenir certains cas de COVID longue? C’est une question intéressante, mais les recherches sont préliminaires, a indiqué la Dre Catherine Blish, professeure de maladies infectieuses à Stanford et auteure principale de l’étude. Des scientifiques de l’University of Texas Southwestern Medical Center étudient la leptine, une hormone produite par les cellules graisseuses qui peut influencer la réponse immunitaire de l’organisme et favoriser l’inflammation. Ils prévoient étudier si les injections d’un anticorps fabriqué pourraient réduire les niveaux de leptine et par ricochet l'inflammation due aux infections à coronavirus ou la COVID longue. «Nous disposons d’une bonne base scientifique et de quelques données préliminaires qui nous permettent de penser que nous sommes peut-être sur la bonne voie», croit Philipp Scherer, professeur au Département de médecine interne et chercheur à l’University of Texas Southwestern Medical Center. Durée de la COVID longue D'après les données recueillies au début de la pandémie, on estime qu'environ 30% des personnes infectées par le coronavirus développeront une COVID longue. La plupart des personnes qui présentent des symptômes persistants, récurrents ou nouveaux après une infection se rétablissent après environ trois mois. Parmi celles qui présentent des symptômes au bout de trois mois, environ 15% continueront à en avoir pendant au moins neuf mois supplémentaires, selon une étude récente publiée dans le Journal of the American Medical Association. Déterminer qui est à risque de présenter des symptômes pendant des années «est une question très compliquée», a confié le Dr Lawrence Purpura, expert en maladies infectieuses à l’Université de Columbia. Les personnes atteintes d’infections sévères semblent être plus à risque de souffrir d’une COVID longue, bien que cette maladie puisse également toucher les personnes atteintes d'infections bénignes. Les personnes dont les infections provoquent des lésions pulmonaires graves, y compris des cicatrices, peuvent souffrir d’essoufflement, de toux ou de fatigue pendant plus d’un an. Un groupe plus restreint de patients présentant des infections initiales légères à la COVID-19 peut développer des symptômes neurologiques pendant plus d’un an, notamment une fatigue chronique et un brouillard cérébral, a indiqué le Dr Purpura. «La majorité des patients finiront par se rétablir, a-t-il ajouté. C’est important que les gens le sachent.» C’est une maigre consolation pour les trois femmes qui ont aidé le monde à reconnaître la COVID longue. Elisa Perego, 44 ans, a développé des problèmes cardiaques, pulmonaires et neurologiques et reste gravement malade. Elle sait que les scientifiques ont beaucoup appris en peu de temps, mais elle dit «qu’il y a un fossé» entre la recherche sur la COVID longue et les soins médicaux. «Nous devons traduire les connaissances scientifiques en meilleurs traitements et politiques», a-t-elle déclaré. Amy Watson, approchant la cinquantaine, dit qu’elle ne s’est jamais rétablie. Elle a eu de graves migraines, ainsi que des problèmes digestifs, nerveux et des pieds. Récemment, elle a développé une anémie sévère. Elle souhaite que la communauté médicale ait une approche plus organisée pour traiter la COVID longue. Les médecins affirment toutefois que ne pas connaître la ou les causes sous-jacentes rend cela difficile. «Je veux juste retrouver ma vie, a-t-elle indiqué, et il ne semble pas que ce soit possible.»

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