Coucher les enfants à l'heure peut les protéger contre la psychose à l'âge adulte

Les enfants qui manquent régulièrement de sommeil présentent un risque accru de psychose à l'âge adulte.Selon une étude publiée dans le JAMA Psychiatry, ce risque est associé à des niveaux plus élevés de certains marqueurs inflammatoires observés chez les enfants dont la durée de sommeil tend à ne pas correspondre à de saines habitudes.L'étude indique qu'un «manque de sommeil persistant dans l'enfance est associé à la psychose à 24 ans, et suggère que la chronicité de la perte de sommeil est plus importante que le manque de sommeil à un moment précis».La durée de sommeil nocturne saine d'un enfant varie en fonction de son âge et de son stade de développement, souligne la docteure en psychologie Isabel Morales-Munoz. Elle est professeur adjointe de psychologie à l'université de Birmingham.Elle a déclaré en entrevue que les durées de sommeil saines sont d'environ 14 heures pour les enfants âgés de 4 à 12 mois, de 12,5 heures pour les enfants âgés d'un à deux ans, de 11,5 heures pour les enfants âgés de trois à cinq ans, de 10,6 heures pour les enfants âgés de six à 12 ans et de neuf heures pour les adolescents âgés de 13 à 18 ans.Bien qu'il puisse y avoir des variations individuelles, l'étude s'est penchée sur les niveaux de groupe en général. «En moyenne, il existe des modèles normatifs pour la durée du sommeil et, dans la plupart des cas, une durée de sommeil plus courte par rapport aux valeurs normatives indiquerait des problèmes de sommeil», a-t-écrit dans un courriel. L'article note que plusieurs autres études ont montré que la perte de sommeil peut entraîner une augmentation des symptômes psychotiques chez les adultes en bonne santé. «Toutefois, ces études n’ont pu explorer que les associations à court terme entre la perte de sommeil et la psychose, et non les associations à long terme. De grandes études épidémiologiques antérieures ont également montré une corrélation entre les problèmes de sommeil et les troubles psychotiques.»En utilisant les données de l'étude longitudinale Avon des parents et des enfants (ALSPAC), les chercheurs ont suivi les résultats à long terme d'enfants nés au début des années 1990. L'ALSPAC est une étude longitudinale multigénérationnelle basée au Royaume-Uni qui a recruté plus de 14 000 femmes enceintes entre le début de l'année 1991 jusqu’à la fin de 1992.Diverses informations sur la santé ont été recueillies au fil des ans, notamment des données sur le sommeil et la nutrition, des échantillons de sang, des données sur la santé mentale, des données sociodémographiques, médicales, sur l'IMC, sur les troubles du développement neurologique, des informations raciales, etc.Pour l'étude, les chercheurs ont recueilli des informations sur le sommeil rapportées par les parents à 6, 18 et 30 mois, ainsi qu'à 3,5, 4 à 5, 5 à 6 et 6 à 7 ans. La durée du sommeil des enfants a été déterminée à partir de questions portant sur l'heure à laquelle les enfants se couchent normalement le soir et l'heure à laquelle ils se réveillent le matin.Les expériences psychotiques (EP) ont été identifiées à l'aide du Psychosis-like Symptom Interview (PLIKSi). Les patients qui présentaient un trouble psychotique (TP) à l'âge de 24 ans ont également été identifiés. À lire aussi: L'apnée du sommeil pourrait entraîner des problèmes de mémoire ou de raisonnementUne cohorte totalisant 12 394 enfants a été répartie en quatre groupes. Le premier groupe comprenait 301 enfants dont la durée du sommeil nocturne était constamment plus courte; le deuxième comprenait 2743 (21,7%) enfants dont la durée du sommeil était constamment intermédiaire ou plus courte; le troisième comprenait 1684 (13,6%) enfants dont la durée du sommeil était plus longue; et le quatrième comprenait 7666 (61,9%) enfants dont la durée du sommeil était intermédiaire ou plus longue.Des échantillons de sang ont été prélevés sur des participants non à jeun à l'âge de 9 ans, puis à 15 ans. La protéine C-réactive (PCR) a été mesurée à 9 et 15 ans, et l'interleukine 6 (IL-6) à 9 ans.Des données étaient disponibles pour 3962 jeunes adultes (2429 femmes, 1533 hommes) et comprenaient des informations sur les résultats psychotiques à l'âge de 24 ans. Les problèmes de sommeil de ces participants ont également été déterminés.Dans l'ensemble, 47 des participants souffraient de troubles psychotiques et 120 avaient vécu des expériences psychotiques. Ceux qui souffraient de troubles psychotiques ont également été inclus dans le groupe des EP, car «l'une des conditions des troubles psychotiques est d'avoir des expériences psychotiques», a précisé la Dre Morales-Munoz. Les analyses ont montré que les participants qui avaient des durées de sommeil plus courtes depuis la petite enfance étaient significativement plus susceptibles d'avoir un diagnostic de psychose à l'âge de 24 ans. En outre, l'élévation de l'interleukine 6 (IL-6), calculée à partir des mesures effectuées dans l'enfance, a partiellement contribué à ces associations, mais pas la PCR.Bien que l'étude soit préliminaire et non concluante, elle suggère qu'une durée de sommeil chronique inférieure aux normes de santé dans l'enfance «peut être considérée comme un risque de développement de la psychose à l'âge adulte» et que «l'inflammation telle que mesurée par le niveau d'IL-6 pourrait être l'une des voies mécanistiques potentielles», d’après l'article.À lire aussi: Dormir moins de six heures par nuit diminue la réponse immunitaire induite par la vaccination«Nous ne prétendons pas que tous ceux qui ont une durée de sommeil plus courte pendant l'enfance développeront une psychose à l'âge adulte, car ce n'est absolument pas le cas, prévient la Dre Morales-Munoz. Ce que nous suggérons ici, c'est que ces enfants sont potentiellement plus à risque, mais il y a bien sûr d'autres facteurs qui interagissent avec le sommeil dans l'enfance et qui peuvent ensuite conduire à la psychose.»Elle ajoute que les aspects génétiques, environnementaux, biologiques et développementaux jouent également un rôle important, mais qu'ils n'ont pas été pris en compte dans cette étude. Le sommeil joue un rôle dans la régulation du système immunitaire et un manque de sommeil peut entraîner une augmentation anormale des réponses inflammatoires. Quant à savoir pourquoi les enfants ne dormaient pas suffisamment, une deuxième étude publiée dans The Journal of Child Psychology and Psychiatry – réalisée par les mêmes auteurs à partir de la même cohorte – a révélé que les enfants dont la durée de sommeil était plus courte présentaient des facteurs de stress psychologiques familiaux plus importants, un tempérament plus difficile, et que leurs mères étaient plus âgées et de statut socio-économique moins élevé.Il est de plus en plus reconnu qu'un sommeil suffisant pendant l'enfance, y compris des siestes jusqu'à l'âge de 5 ans, est important pour le bon développement du cerveau, informe une étude publiée dans Developmental Cognitive Neuroscience. Cet article révèle que le sommeil a un impact non seulement sur l'apprentissage et la mémoire, mais aussi sur le développement neurologique. L'une des études examinées suggère que les troubles du sommeil à partir de l'âge de deux ans sont associés à des volumes de matière grise moindres et à un cortex préfrontal dorsolatéral plus fin.

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