Conseils cliniques pour l'évaluation et la prise en charge de la dépression chez les enfants et les adolescents

Si la dépression est fréquente chez les adultes, elle reste rarement diagnostiquée lorsqu'elle se déclare, c'est-à-dire pendant l'adolescence. Une revue de la littérature scientifique publiée dans le Canadian Medical Association Journal (CMAJ) indique cependant que la dépression est fréquente chez les ados, que sa prévalence augmente avec l'âge et que sa prise en charge nécessite une approche multimodale. Il est important de la détecter rapidement, car une dépression précoce est associée à une gravité accrue de la maladie à l'âge adulte. L'analyse de huit pages, conduite par des chercheurs de l'Université de Colombie-Britannique et de l'Université de Toronto, comprend un examen des données probantes issues d'études systématiques et narratives, d'essais contrôlés randomisés et d'études de cohorte, ainsi que des points clés des lignes directrices internationales concernant les individus âgés de 18 ans ou moins. Les chercheurs notent qu'avant la pandémie de COVID-19, la prévalence du trouble dépressif majeur (TDM) chez les adolescents était de l'ordre de 13 à 15%, mais que certaines études suggèrent que pendant la pandémie, jusqu'à un jeune sur quatre a présenté des symptômes dépressifs cliniquement significatifs. Les personnes plus âgées et les femmes ont été les plus durement touchées. En général, les facteurs de développement de la dépression comprennent un ensemble complexe de paramètres génétiques et environnementaux, et peuvent inclure des facteurs tels que les antécédents familiaux (qui représentent un risque de dépression trois à cinq fois plus élevé), les expériences négatives vécues pendant l'enfance, les conflits familiaux, l'intimidation et les problèmes liés aux diverses identités de genre. Souvent, la dépression ne se manifeste pas de la même manière chez les enfants et les adolescents que chez les adultes et «il est plus probable qu'ils présentent une irritabilité et une humeur instable, plutôt qu'une humeur maussade, des préoccupations somatiques et un retrait social», précise l'article du CMAJ. L'hypersomnie et l'augmentation de l'appétit peuvent également être des indicateurs. «L'évaluation du risque est un élément essentiel de la détection de la dépression», précise l'article. Cela comprend l'examen des idées suicidaires, du désespoir, de la lourdeur perçue et de l'impulsivité, de l'automutilation et des facteurs de stress, ainsi que l'examen des soutiens disponibles. Les médecins doivent-ils systématiquement dépister la dépression? Cette question fait encore l'objet d'un débat. L'United States Preventive Services Task Force (USPSTF) et la plupart des guides de pratique clinique recommandent un dépistage en soins primaires pour les personnes âgées de 12 à 18 ans. Mais le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs a recommandé de ne pas procéder à un dépistage systématique. Lire aussi: Comment aider un jeune qui s'automutile? Le document note toutefois que «le dépistage dans ce groupe d'âge peut être une approche raisonnable [...] lorsqu'il est mis en œuvre avec des méthodes adéquates qui garantissent un diagnostic précis et un suivi approprié». En outre, les questions relatives à la confidentialité et aux limitations qui s'y rapportent doivent être abordées. Divers facteurs peuvent contribuer à la dépression, notamment la consommation de substances, la présence d'autres troubles physiques ou mentaux, les réactions à des facteurs de stress situationnels, la présence d'un trouble bipolaire, etc. «Plus de 60% des adolescents souffrant de TDM présentent au moins un diagnostic de santé mentale concomitant, le plus souvent des troubles anxieux, un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH), un trouble oppositionnel avec provocation, un trouble des conduites et des troubles liés à l'utilisation de substances psychoactives; les autres comprennent des troubles de l'alimentation, des troubles de l'apprentissage et des troubles somatiques», indique l'article. La prise en charge doit être multimodale et commencer par une psycho-éducation. Elle peut également comprendre la gestion du mode de vie, la psychothérapie et la médication, ainsi que la prise en compte de tous les facteurs contributifs. Les interventions sur le mode de vie peuvent inclure des stratégies concernant l'activité physique, les habitudes alimentaires, la nutrition et le sommeil. La luminothérapie pourrait aider les personnes souffrant de dépression saisonnière. Les auteurs affirment que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est la plus efficace dans le traitement de la dépression chez de nombreux adolescents, mais qu'elle n'est pas aussi efficace chez ceux qui présentent des symptômes dépressifs plus graves, de faibles capacités d'adaptation et des actes d'automutilation non suicidaires. Lire aussi: La SCP publie un document de principes sur les jeunes transgenres et de diverses identités de genre Prise en charge pharmacologique Les antidépresseurs constituent une option à considérer et sont souvent recommandés pour les jeunes patients présentant des tableaux cliniques plus graves, ou pour ceux chez qui la thérapie psychologique n'est pas efficace ou n'est pas possible. «Les risques d'une thérapie pharmacologique doivent être mis en balance avec ceux d'un traitement inadéquat de la dépression dans cette population vulnérable», précisent les chercheurs. Les médecines alternatives et parallèles ne sont pas recommandées. «Si les patients souffrant de dépression majeure ne répondent pas de manière adéquate au traitement, il est conseillé de revoir le diagnostic différentiel et d'envisager une référence en spécialité. Le soutien d'un spécialiste est nécessaire pour les adolescents présentant des problèmes aigus de sécurité, pour les présentations complexes comprenant des symptômes compatibles avec un trouble bipolaire et pour les patients qui ne répondent pas au traitement de première intention». En général, les médecins de famille et les pédiatres sont bien placés pour assurer la prise en charge de première intention de la dépression chez ces patients, écrivent les auteurs. Un autre article publié en 2021 par le Cochrane Common Mental Disorders Group présente une vue d'ensemble et une méta-analyse des antidépresseurs de nouvelle génération pour les enfants et les adolescents. Cet article conclut que «la plupart des nouveaux antidépresseurs peuvent réduire les symptômes de la dépression d'une manière limitée et sans importance par rapport au placebo. En outre, il est probable qu'il existe des différences minimes et peu significatives dans la réduction des symptômes de la dépression entre la majorité des antidépresseurs. Cependant, nos résultats reflètent les effets moyens des antidépresseurs et, étant donné que la dépression est un état hétérogène, certains individus peuvent présenter une réponse plus marquée».

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