Congrès international de soins palliatifs pédiatriques - Les conflits et la détresse des soignants face à la mort d’un jeune patient

Les soins palliatifs pédiatriques ont considérablement évolué depuis leurs débuts, rappelait le président du 5e Congrès international de soins palliatifs pédiatriques, le 4 octobre dernier, à Montréal. « En 1999, à l’hôpital Sainte-Justine, 85 % des soins palliatifs provenaient de l’hémato-oncologie, mentionnait le Dr Nago Humbert, directeur de l’Unité de consultation en soins palliatifs pédiatriques du CHU Sainte-Justine et professeur adjoint à la faculté de médecine de l’Université de Montréal. Actuellement, 50 % des enfants viennent d’autres départements. »Bien que salutaire, ce déploiement a fait croître la nécessité de bien comprendre les enjeux liés à ces traitements, puisque, même si la mort fait partie de la vie, elle ne sera jamais dans l’ordre normal des choses quand il s’agit d’un enfant. Cette mort a des répercussions sur la famille, mais aussi sur le personnel soignant. Le congrès de cette année s’est d’ailleurs penché sur les conflits que certaines décisions en fin de vie peuvent créer entre les soignants ou avec les parents, et sur la détresse des soignants lorsqu’un jeune patient décède.Les conflits qui touchent les soins palliatifs« Les conflits font malheureusement partie de notre réalité médicale. Parfois, la ligne de conduite est évidente, mais ce n’est pas toujours le cas », rappelle la Dre France Gauvin, pédiatre à l’urgence et aux soins palliatifs au CHU Sainte-Justine et professeure agrégée de clinique à la faculté de médecine de l’Université de Montréal. Dans le cadre d’une étude sur les conflits réalisée au CHU Sainte-Justine, un questionnaire distribué à tous les soignants de l’hôpital leur demandait s’ils avaient été témoins de discussions sur les décisions en fin de vie. « Soixante-douze pour cent des soignants ont indiqué qu’ils avaient perçu des conflits lors de ces discussions, mentionne la Dre Gauvin. Cinquante-sept pour cent des conflits étaient intra-équipe et 32 % étaient des conflits entre la famille et l’équipe. De plus, dans 76 % des cas, le personnel se disait insuffisamment ou aucunement préparé à faire face à ces conflits. »Au cours d’une autre étude menée sur les conflits, plusieurs facteurs de risques ont été identifiés. Certains sont liés aux parents, comme les origines culturelles et les croyances religieuses. D’autres sont liés à l’équipe soignante, comme la mauvaise communication, l’absence de consensus ou la durée de séjour. « En ce qui concerne l’aspect religieux, qui est une source majeure de conflit avec les parents, il est important de comprendre les croyances, de les respecter et de ne pas confronter les parents, explique la Dre Gauvin. Par ailleurs, il ne faut pas abandonner les parents dans leur espoir. Souvent, les conflits naissent quand les parents sentent que nous voulons leur enlever tout espoir. Les termes employés sont également très importants, surtout lorsqu’on décide de retirer des traitements. Il faut leur faire sentir que nous nous occupons encore de leur enfant, que nous lui donnons encore des soins, mais que l’objectif est différent. »Afin d’éviter les conflits, plusieurs solutions ont été évoquées, notamment reconnaître les situations à risque, améliorer la communication et organiser des rencontres fréquentes. « Plus la communication est précoce et régulière, plus le risque de conflit est bas, souligne la Dre Gauvin. Par ailleurs, il est essentiel d’informer les parents de la façon la plus complète, exacte et précise, en évitant le jargon médical. » La détresse des soignantsPlusieurs études ont permis d’évaluer la détresse des soignants lorsqu’ils font face à la mort d’un patient. L’une d’entre elles, menée en 2009 par le Dr Claude Cyr, pédiatre au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS), professeur titulaire à la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke et chercheur, a mesuré l’intensité du chagrin des soignants face à la mort d’un patient. Cette étude a permis de constater qu’au moment du décès d’un jeune patient, les médecins ont un niveau de tristesse équivalent à celui d’une mère qui a perdu son enfant quelques années auparavant. « Les inhalothérapeutes démontrent un niveau de chagrin encore plus élevé, ajoute le Dr Cyr. Et l’impact émotif subi par les jeunes professionnels de la santé est supérieur à celui de leurs collègues plus âgés. Par contre, le temps passé auprès du patient ne modifie pas le niveau de tristesse. » L’étude réalisée par le Dr Cyr est d’autant plus importante que l’on sait que la détresse ressentie par les soignants à la suite du décès d’un jeune patient peut mener à la colère, à l’isolement, à la culpabilité, à l’anxiété et même à l’épuisement professionnel. Heureusement, l’étude du Dr Cyr a révélé que 99 % des professionnels questionnés ont parlé de leur peine à leurs collègues et 89 % ont eu du soutien de leur part. « Nous sommes tous vulnérables face à la maladie et à la mort », rappelle le Dr Cyr avant d’expliquer qu’il existe trois types de soignants : le totalement vulnérable, le vulnérable et l’invulnérable. « Ce dernier garde tout en lui mais risque de voir sa détresse exploser à un moment donné », précise-t-il. Le vulnérable est celui que le soignant doit tenter d’être, celui qui a une « juste proximité » avec le patient. « Cette “juste proximité” fait en sorte que le soignant est capable de s’adapter à l’impact de la perte et du deuil et accepte ses forces et ses limites personnelles », explique le Dr Cyr. Pour éviter que ce deuil ne mène à un épuisement professionnel, le Dr Cyr conseille de lire, d’écrire, de garder un espace personnel, de se faire plaisir, de faire de l’exercice, mais aussi de dire au revoir au jeune patient décédé et même de pleurer. « Les parents apprécient de voir les soignants pleurer, dit-il. Mais il y a une limite à ne pas franchir. Il ne faut pas que les parents arrêtent de pleurer pour nous consoler ! Une main sur l’épaule peut très bien remplacer les pleurs, tout comme le silence qui reconnaît les émotions. »

Congrès international de soins palliatifs pédiatriques - Les conflits et la détresse des soignants face à la mort d’un jeune patient

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