Congrès de l’APES: «Sans nous, l’hôpital ne peut pas fonctionner»

En contexte de pénurie de personnel dans les services publics, pas étonnant que l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) concentre l’attention de son Congrès 2024 sur le «capital humain» et la valorisation de la profession. «Nous manquons de pharmaciens, et les gens sont fatigués, observe Julie Racicot, présidente de l’APES. Il faut absolument prendre soin des humains pour rendre nos services plus efficients face à une population de plus en plus en demande. Mais aussi assurer la relève.» La pénurie de personnel en pharmacie d’établissement était l’un, sinon le sujet phare de ce congrès. «Sans nous, l’hôpital ne peut pas fonctionner», lance, catégorique, Julie Racicot. Outre la validation des ordonnances dans la pharmacie centrale et la supervision du circuit du médicament, les soins pharmaceutiques offerts aux patients sont un pilier de la pratique sur une base de collaboration interdisciplinaire. «C’est quand le pharmacien est auprès du patient et intégré dans l’équipe de soins qu’il est le plus rentable et qu’il montre vraiment sa valeur ajoutée, explique Linda Vaillant. Si nous ne pouvons offrir que des services de base, le patient ne recevra que des soins de base. Il faut comprendre que le pharmacien est le seul expert en médicament, grâce à ses six années d’études.» Une plus-value et une expertise qui pourraient aboutir à la réduction des durées et du nombre d’hospitalisations. L'association toujours «préoccupée» par la future agence Santé QuébecCette réalité se retrouve dans tous les hôpitaux du Québec, en plus des postes non comblés, comme les postes en CHSLD indique la directrice générale de l’APES Linda Vaillant: «sur 200 postes ouverts par le gouvernement pendant la Covid, seuls 50 pharmaciens ont intégré le réseau à ce jour. Les étudiants ne savent pas si les postes vacants vont être maintenus, ce qui les rend automatiquement moins attrayants», estime Linda Vaillant. Et les membres de l’APES attendaient leur employeur au tournant sur les questions de valorisation de la profession, du recrutement et de la spécialisation. «Nous avons offert notre collaboration à l’implantation de la nouvelle loi, et nous avons été bien reçus, reconnaît Linda Vaillant. Mais nous restons préoccupés sur la manière dont les soins et les services pharmaceutiques vont s’instaurer à l’intérieur de Santé Québec. Nous avons un immense besoin de coordination car le Québec présente beaucoup de disparités en termes d’accès aux soins, mais aussi de revalorisation car les salaires sont aujourd’hui plus élevés dans le privé.» À lire aussi: Transformation du système de santé: «le gouvernement doit inclure les pharmaciens d’établissement»«Il faut assurer au patient l’accès à différents pharmaciens au cours de son parcours de soin, alors que la plupart des pharmaciens oeuvrent aujourd’hui dans le privé», plaide de son côté Julie Racicot. La bourse de maîtrise revalorisée à 55 000$Des inquiétudes auxquelles le ministre a tenté de répondre lors de sa rapide allocution, centrée autour de l’importance de la prévention et de la sensibilisation du public au continuum des soins pour désengorger le système hospitalier; mais aussi de la nécessaire limitation et optimisation des coûts. «Nous avons la chance d’avoir le budget le plus important, et c’est fondamental que l’accès à la santé reste universel. Mais cet accès est encore trop inégalitaire. [...] L’argent n’est pas utilisé de manière optimale, car on ne voit pas l’amélioration de cet accès à la santé», a dénoncé Christian Dubé.Concernant la future agence Santé Québec d’abord, le ministre s’est félicité que «90% des indicateurs [soient] au vert» dans la mise en place de ce «grand changement de fond qui nous motive tous», qui est toutefois loin d’être achevée. Selon lui, bâtir un réseau «à notre goût» devrait prendre 10 ans. Pour l'instant, le choix du futur PDG de Santé Québec n'a pas été arrêté, et son nom devrait être annoncé en avril. Toutefois, était-ce une maladresse ou une confidence volontaire, le ministre de la Santé a glissé être en discussion avec le futur directeur des opérations…À lire aussi: Les motivations de la relève en pharmacieCôté relève, Christian Dubé a cette fois annoncé une revalorisation financière des bourses de maîtrise, qui passeront à 55 000$, «mais je ne suis pas certain que cela soit suffisant car ça prendra une foule de mesures», a-t-il concédé. «Je suis à l’écoute des trois, quatre actions qui pourraient faire une différence pour vous, tout comme je l’ai fait avec les infirmières, par exemple. Dès qu’on met le patient en avant, l’argent devient moins important», a-t-il ajouté. Une bonne nouvelle, alors que la présidente de l’APES Julie Racicot déplore le fait que, sur 114 bourses proposées, «on ne compte que 53 candidats». L'une des huit professions qui seront décloisonnéesEnfin, interpellé sur la limitation du droit de prescription et les champs de pratique des pharmaciens, le ministre de la Santé a assuré que la profession avait été sélectionnée, avec sept autres «professions d’accès», pour être incluse dans le plan de décloisonnement des professions porté par la ministre responsable de l’Administration gouvernementale Sonia LeBel. «Notre objectif est de livrer quelque chose dans la prochaine année», a précisé Christian Dubé. Une intervention brève, mais bienvenue, alors que les discussions sur la spécialisation des pharmaciens issus de la maîtrise en pharmacothérapie avancée sont d'ailleurs au coeur des négociations actuelles pour renouveler l’entente professionnelle au sein de l’Association, assure Linda Vaillant.«Il faut valoriser le programme de maîtrise et le travail dans le réseau de la santé, valoriser la job de pharmacien d’établissement. Pendant la pandémie, le Ministère a martelé le besoin de préposés aux bénéficiaires, et ça a marché! Ça prendrait ce type de promotion pour renforcer nos rangs aujourd’hui», conclut la directrice générale de l’APES.

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