Comment prévenir les erreurs de diagnostic d’une embolie pulmonaire

Provoquée en général par un caillot de sang qui vient obstruer une artère pulmonaire ou l’une de ses branches, l’embolie pulmonaire (EP) concerne environ un patient sur 1000. En moyenne, 30 000 Canadiens en sont victimes chaque année. Bien que 20% d’entre eux trépassent dans les trois mois suivants son occurrence, l’EP n’est que rarement la cause de leur décès, car elle coexiste souvent avec d’autres pathologies - cancer, septicémie, etc. - ou survient après une intervention chirurgicale. Selon la littérature scientifique, le taux de mortalité réel de l’EP avoisinerait plutôt les 5%, en raison principalement d’un défaut de diagnostic. L’enjeu avec l’embolie pulmonaire, c’est qu’elle se manifeste par des symptômes et des signes cliniques qui ne lui sont pas spécifiques, comme la dyspnée, l'hémoptysie, une douleur thoracique ou de la tachycardie. «Beaucoup de problèmes ressemblent à une embolie, ce qui pose un défi diagnostique, même aux médecins les plus chevronnés», observe la directrice du Centre d’excellence en thrombose et anticoagulation de l’Hôpital général juif (HGJ) de Montréal, la Dre Susan Kahn, qui a dernièrement cosigné un article sur l’EP dans la rubrique «Pratique clinique» du New England Journal of Medicine. Le score de Wells pour la thrombose veineuse profonde (TVP) demeure un bon outil pour établir la probabilité d'une EP au regard des antécédents et de la sémiologie du patient. Cependant, en première ligne comme aux urgences ou aux soins intensifs, les médecins ont tendance à recourir systématiquement à un angioscanner pour confirmer leur diagnostic. «Je les comprends, ils sont débordés et confrontés à de gros volumes de patients. C’est plus facile de tous les scanner, mais on peut les exposer inutilement à des radiations», indique la Dre Kahn qui recommande plutôt de recourir à des lignes directrices. «Elles sont très sûres et très efficaces pour déterminer qui doit passer une angiographie pulmonaire, ou pas.» Établir une stratégie Les lignes directrices du Collège américain des chirurgiens thoraciques (ACCP), de la Société américaine d’hématologie (ASH) et de la Société européenne de cardiologie (ESC) se valent, estime la chercheuse spécialiste en thromboembolie veineuse, dont une partie l’article dans le New England Journal of Medicine compare les nuances des trois lignes précitées. En s'y référant, chaque médecin devrait établir des règles de décision clinique - par exemple en utilisant le score de Wells ou celui de Genève - «et les appliquer systématiquement. Sinon, on peut s’égarer en faisant du “cherry picking” alors qu’il vaut mieux agir de façon standardisée pour réduire les risques de mauvais diagnostics», souligne-t-elle. S’agissant du traitement de l’EP, tout dépend des facteurs de risque du patient. Pour les cas les plus risqués (5% des patients environ), la thrombolyse systémique intraveineuse est la procédure recommandée. Pour les patients à risque modéré à faible, l’anticoagulation est le traitement indiqué pour une durée variable de 3 à 6 mois, dépendamment des antécédents et de la sévérité de l’embolie. Lire aussi: Quiz - Anticoagulothérapie pour le traitement et la prévention des TVP La prise en charge de l’EP ne s’arrête pas là. L’article de la Dre Kahn rappelle ainsi qu’un cancer occulte est détecté chez 5,2% des patients dans l'année qui suit le diagnostic d’une embolie non provoquée. Après une embolie pulmonaire aiguë, «les patients doivent être examinés dans les 3 à 6 mois afin d'évaluer la dyspnée ou la limitation fonctionnelle, qui peuvent indiquer le développement d'un syndrome post-pulmonaire-embolique comme l’hypertension pulmonaire post-embolique», mentionne la Dre Kahn dont l’équipe a par ailleurs démontré qu’environ la moitié des patients éprouvent des restrictions fonctionnelles et d’exercice un an après une EP. L’article de la Dre Kahn dans le New England Journal of Medicine, qu’elle a coécrit avec la Dre Kerstin de Wit, donne un aperçu des connaissances cliniques au sujet de l’embolie pulmonaire en matière de diagnostic, de traitement et de suivi des patients. Il présente également les zones d'incertitudes à considérer pour optimiser les soins et la prise en charge des malades. Pour aller plus loin, l'épidémiologiste et interniste de l’HGJ recommande également les sections (en anglais) «Clinical Guides» et «Clinical Tools» du site Internet de Thrombose Canada.

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