Comment éviter que les médicaments soient utilisés à mauvais escient par les enfants?

Une forte majorité de parents, soit 85%, ne placeraient pas leurs médicaments sous clé et hors de portée de leurs enfants sur une base régulière, révèle un nouveau sondage. Le sondage a été mené par Angus-Reid pour le compte de l’Association pour la récupération des produits santé (ARPS), en partenariat avec Jeunesse sans drogue (JSD) Canada, en juin 2023. Il avait pour but de mesurer la connaissance entourant la gestion des médicaments et les actions qui doivent être prises pour prévenir les effets néfastes sur l’environnement. Il s’est basé sur les réponses de 1005 parents d’enfants âgés de 11 à 19 ans dans les provinces du Québec, de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de l’Ontario et de l’Île-du-Prince-Édouard. Parmi les autres statistiques soulevées dans l'étude, 87% des parents disent qu'ils considèrent que l'élimination sécuritaire des médicaments inutilisés est soit essentielle ou importante. Malgré tout, près de la moitié des participants disposent de leurs médicaments de façon inappropriée. De plus, seulement 53% des parents ont discuté avec leurs enfants de la façon de disposer adéquatement des médicaments inutilisés. « La sensibilisation est la première étape, et nous sommes heureux de constater que selon ce sondage les parents canadiens considèrent que de ranger de façon sécuritaire les médicaments à la maison est un enjeu important », déclare Terri Drover, directrice générale de l'ARPS. Prises inappropriées, mais volontaires La directrice médicale du Centre antipoison du Québec, la Dre Maude St-Onge, souligne qu’auprès des adolescents, la prise non appropriée de médicaments peut s’avérer être d’ordre volontaire. « Au cours des dernières années, nous avons été témoins d’une augmentation importante d’intoxications volontaires avec médicaments chez les enfants de 9 à 13 ans », affirme-t-elle dans le communiqué de presse de l'ARPS. Lorsque le terme «intoxication volontaire» est employé, il peut s’agir de médicaments pris de manière soit récréative ou suicidaire. « Il y a un phénomène où des jeunes se ramassent dans un sous-sol de maison et ils amènent tous les médicaments trouvés dans leurs maisons pour les tester entre amis », illustre le président de l’Ordre des pharmaciens du Québec, Jean-François Desgagné. La tentative de soulager une souffrance peut aussi être une autre raison de prendre un médicament de façon inappropriée. « Ils vont parfois même prendre leurs propres médicaments d’ordonnance, contre l’anxiété par exemple, et parfois faire des surdoses pour contrer un mal-être», remarque pour sa part le Dr Bernard Jr Richard, chef adjoint des urgences du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest (CISSSMO). Solutions à suggérer aux patients Les trois spécialistes consultés par ProfessionSanté.ca conseillent d’impliquer un parent dans la gestion des médicaments de l’adolescent, afin de lui donner chaque jour le médicament dont il a besoin en lui remettant, par exemple, de petites doses de sa médication et non le pot de pilules. « Pour aider les adolescents qui ont fait une surdose de leur médicament, que ce soit une tentative de suicide, ou non, une solution serait de prescrire les médicaments pour qu’ils puissent les récupérer à chaque quatre ou sept jours afin de diminuer la quantité qu’ils pourraient avoir en leur possession d’un coup, surtout lorsqu’il s’agit de médicaments lourds et d’un patient avec des antécédents d’intoxication», conseille le Dr Bernard Jr Richard. Il suggère également de prescrire de moins grandes quantités d’antidouleur, médicaments souvent prisés par les consommateurs récréatifs de drogue pour ses effets. «Dans le cas d’une fracture de la cheville, on pourrait prescrire 15mg de morphine au lieu de 40mg. Ça permet de diminuer les chances qu’il reste de la morphine et qu’elle soit utilisée plus tard de la mauvaise façon», croit le Dr Bernard Jr Richard. Pour la pharmacienne au Centre antipoison du Québec, Audrée Elliott, plusieurs erreurs pourraient être évitées si les médicaments restaient dans leur emballage original ou s’ils étaient mis dans des endroits difficiles d’accès. «Il faut faire attention lorsqu’on transvide des médicaments dans un autre contenant puisque ça donne l’occasion à l’enfant de se tromper en ne sachant pas ce qui se trouve réellement dans le contenant. Lorsque le médicament est mis dans une sacoche, par exemple, il devient aussi plus facilement à la portée de l’enfant», estime-t-elle. Jean-François Desgagné conseille aussi aux parents de discuter avec leurs enfants des dangers entourant les médicaments. À lire aussi : La pénurie de médicaments pédiatriques a entraîné des erreurs de dosage en Ontario Faire attention aux plus jeunes aussi Bien qu’il serait tentant de penser que seuls les adolescents peuvent vouloir prendre intentionnellement des médicaments qui ne leur sont pas adressés ou leur propre médication de manière abusive, Audrée Elliott remarque également une augmentation de ce phénomène chez de plus jeunes enfants aussi. «Chez les 6 à 12 ans, les appels reçus par le Centre antipoison du Québec concernant la consommation volontaire d’une dose de médicaments dangereuse pour la santé ont doublé. Parfois la cause est impulsive et à tendance suicidaire», explique-t-elle. Souvent, ce sont des enfants qui ont leurs propres prescriptions à portée de main, ce qui facilite le dérapage. Une solution, selon elle, serait de préparer des dosettes hebdomadaires et de ne pas laisser une grande quantité de médicaments dans le sac d’école. « À l’école, il peut se passer des événements bouleversants pour un enfant qui le pousserait à avoir un comportement impulsif. Il faut également surveiller les défis malsains sur TikTok liés à la consommation de médicaments. Il est préférable que les parents gèrent au fur et à mesure les médicaments de leur enfant », affirme Audrée Elliott. Se débarrasser de ses médicaments de la bonne façon, c’est important Alors que le mois d'août est le Mois national de la récupération de médicaments au Canada, le président de l’OPQ rappelle qu’il est important de bien gérer les médicaments une fois que leur utilisation est terminée. «À chaque fois qu’on change l’heure, on pourrait aussi tous prendre l’occasion pour faire le ménage de notre pharmacie et de ne pas garder ce qu’on utilise plus ou ce qui est périmé». Continuer de sensibiliser et d'encourager les patients à venir ramener les médicaments en pharmacie est un bon réflexe à garder selon les spécialistes avec qui ProfessionSanté.ca a discuté. «Dès que le médicament n’est plus utile, on le ramène en pharmacie et il sera détruit dans les règles de l’art», exprime Jean-François Desgagné. Par ailleurs, le sondage a évalué que 77% des participants se disent au fait de l'impact environnemental qu'engendre une élimination inappropriée.

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