Combien de temps vivra un patient?

Pour les personnes atteintes d'une maladie affectant l'espérance de vie, il est difficile de planifier l'avenir. Les cliniciens, sur la base de leur expérience, peuvent offrir des estimations approximatives de la survie - de quelques jours à quelques semaines, de quelques semaines à quelques mois, ou de quelques mois à quelques années. Cependant, les patients et leurs proches aidants désirent souvent une plus grande précision lorsqu'ils organisent leurs soins ou prennent des décisions à ce sujet. Une prédiction précise de la survie peut permettre des conversations plus précoces sur les préférences et les souhaits en fin de vie, et l'introduction anticipée de soins palliatifs. Cependant, même pour un clinicien expérimenté, l'estimation de l'espérance de vie d'un patient atteint d'une maladie grave est un défi. Cela nécessite une multitude de données ainsi qu’une compréhension de la relation entre l'état de santé initial du patient, la complexité de sa condition et la façon dont il réagit ou progresse avec le traitement. C'est là que les algorithmes prédictifs peuvent être utiles. Un outil pour des conversations et une planification en temps utile RESPECT (Risk Evaluation for Support: Predictions for Elder Life in their Communities Tool) est un outil de communication sur les risques qui repose sur des algorithmes de prédiction permettant d'estimer la survie d'une personne, c'est-à-dire sa durée de vie. Il a été mis au point par l'équipe de recherche du projet Big Life et validé à l'aide de données de santé recueillies sur près d'un million de personnes âgées vivant en Ontario qui ont reçu des soins à domicile et dans la communauté ou des soins en maison de retraite. RESPECT a pour but d'aider les gens à planifier les soins palliatifs et les soins de fin de vie. Cet outil a été conçu en tenant compte des besoins d'information des patients et dans le but de leur donner les moyens d'agir, à eux de même qu’à leurs partenaires de soins. En fournissant aux patients des données sur la survie et les expériences d'autres personnes ayant eu un parcours similaire, RESPECT peut les aider à comprendre la trajectoire de leur propre maladie, à discuter plus tôt de leurs préférences et de leurs souhaits, et à réclamer le soutien dont ils ont besoin. Un outil pour les patients, les partenaires de soins et les cliniciens RESPECT a été lancé publiquement sur ProjectBigLife.ca en juillet 2021. Cette plateforme héberge plusieurs calculateurs de santé conçus par notre équipe de recherche afin de traduire en outils les données et les preuves scientifiques qui peuvent aider les Canadiens à réfléchir à leur santé et à planifier leurs soins. En utilisant les réponses à 17 questions sur leur santé et leur capacité à prendre soin d'eux-mêmes, RESPECT fournit une estimation de la survie d'une personne en se basant sur des informations recueillies sur des individus ayant des caractéristiques similaires. Les personnes âgées, leurs partenaires de soins et les professionnels de la santé qui ont des doutes sur l'espérance de vie d’un malade gravement atteint peuvent utiliser le calculateur pour mieux comprendre leur déclin. Au-delà de l'espérance de vie, RESPECT fournit des mesures du déclin fonctionnel - par exemple, si le patient sera capable de se déplacer dans sa maison et de s'engager dans des activités de la vie quotidienne, comme se laver et cuisiner, sans aucune aide. Un patient peut utiliser ces informations pour discuter de ses besoins avec ses partenaires de soins et ses professionnels de santé. Ces derniers peuvent en outre utiliser cet outil pour discuter avec leur patient de ce à quoi il peut s'attendre lorsqu'il approche de la fin de sa vie et planifier les aides dont il pourrait avoir besoin. RESPECT est également utilisé activement dans les maisons de retraite et les centres de soins infirmiers de l'Ontario. De nombreux résidents de ces établissements ont une espérance de vie de moins de deux ans. Des conversations plus précoces sur les objectifs et les souhaits de la personne âgée pour le reste de sa vie peuvent permettre à l'équipe soignante d'offrir la meilleure qualité de vie et de soins possible aux personnes dont elle s'occupe. Lire aussi: L'espérance de vie diminue pour une deuxième année consécutive au Canada Infrastructure durable L'un des objectifs de RESPECT est de fournir une infrastructure durable pour étudier, apprendre et améliorer la façon dont nous utilisons les algorithmes prédictifs pour les soins de fin de vie. Malgré les avantages qui ressortent des premières utilisations de RESPECT, de nombreuses questions subsistent quant au moment et à la manière dont il peut être utilisé de la façon la plus appropriée. Par exemple, une mauvaise culture numérique - c'est-à-dire la compréhension qu'a une personne des données, des mathématiques et des statistiques - pourrait conduire à une mauvaise interprétation de l'estimation fournie par RESPECT. Bien que les ressources de RESPECT ont été élaborées en collaboration avec les patients et leurs partenaires de soins, des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour limiter ces inconvénients potentiels. Afin de s'assurer que nous optimisons les bénéfices qui peuvent être tirés des algorithmes de prédiction tels que RESPECT, les épidémiologistes cliniques Douglas Manuel et Justin Presseau, ainsi que les coauteurs de cet article, ont créé le RESPECT Learning Health System - un réseau de partenaires de soins, de chercheurs et de professionnels de la santé qui collaborent pour relever ces défis. Nous combinons la recherche et la pratique pour étudier, apprendre et améliorer durablement les soins et l'expérience de fin de vie grâce à des algorithmes prédictifs. L'identification n'est que la première étape Seulement 58% des personnes décédées au Canada reçoivent une prestation de soins palliatifs avant leur mort. Peu d'entre elles (13%) peuvent mourir chez elles avec l'aide de soins palliatifs à domicile. En approfondissant notre compréhension de la fragilité et du déclin, RESPECT peut aider les cliniciens, les patients et leurs partenaires de soins à se préparer à un mauvais pronostic et à élaborer un plan personnalisé pour leurs soins. Cependant, pour améliorer la prestation des soins de fin de vie au Canada et permettre aux Canadiens de mourir dans la dignité, il faut encore investir davantage dans notre système de santé public pour répondre aux besoins des personnes en fin de vie. Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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