Cohabitation public/privé en santé: l'intransigeance d'Ottawa est-elle pertinente?

« J’ai hâte de m’asseoir avec les premiers ministres pour renforcer nos partenariats, trouver des façons d’éliminer les obstacles au commerce entre les provinces et les territoires et créer de bons emplois pour la classe moyenne dans l’ensemble du pays. » - Justin TrudeauLe 7 décembre, le premier ministre tiendra une rencontre des premiers ministres à Montréal. En ces temps difficiles, plusieurs mesures concrètes devraient être prises.Pour réduire les obstacles commerciaux, tous les Canadiens doivent avoir l’assurance de profiter d’avantages médicaux entièrement transférables s’ils visitent une autre région du pays en vacances ou en affaires. M. Trudeau semble être préoccupé par les droits linguistiques des francophones, particulièrement en Ontario. Alors que Doug Ford estime qu’une université francophone coûterait trop cher, Jagmeet Singh et Elizabeth May appuient l’idée. M. Trudeau discutera de cet enjeu lors d’une rencontre le 5 décembre.Leurs priorités ne sont pas à la bonne place. Une telle université attirerait sans doute des francophones du Québec, or M. Trudeau néglige le fait qu’ils seraient privés d’une couverture médicale complète en venant étudier en Ontario. En général, les Québécois souhaitent davantage savoir si leur carte d’assurance maladie serait acceptée en Ontario, au Nouveau-Brunswick et ailleurs. C’est la même chose pour les résidents des autres provinces qui voudraient rendre visite à leurs parents et amis au Québec, surtout durant la période des Fêtes. François Legault pourrait remédier à la situation en acceptant de signer l’Entente de facturation réciproque des services médicaux. Sinon, Ottawa devrait accepter de payer les médecins directement pour soigner les patients qui viennent d’en dehors de la province. C’est le cas pour les détenus, les réfugiés et, il y a quelques années, les membres de la GRC.Manque de cohérenceLa ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a critiqué le Québec qui permet aux patients de payer de leur poche dans leur propre province. En même temps, elle oublie volontairement de mentionner que la situation se répète lorsqu’ils ont besoin de soins médicaux ailleurs au Canada. Elle fait preuve d’un grand manque de cohérence.La santé accapare environ la moitié du budget de chaque province. Toutefois, Ottawa ne fournit que 20 % environ. Au Québec, approximativement 16 % du budget de la santé et des services sociaux provient du financement fédéral.Dans sa mise à jour économique de l’automne, Bill Morneau a annoncé que le déficit pour le présent exercice financier atteindrait 18,1 milliards $, plus du triple de ce qui était promis au départ. En 2023-2024, la dette totale s’élèverait à 765 milliards $. Normalement, quand les temps sont « bons », le gouvernement doit rembourser sa dette. Mais avec la fermeture de General Motors à Oshawa, en Ontario, et la baisse continue du prix du pétrole sans pipeline à l’horizon, ces chiffres seront bien pires.Le Québec a une dette de 187 milliards $. Celle de l’Ontario totalise 347 milliards $, l’Alberta doit 9,1 milliards $ (une forte augmentation est à prévoir) et la Colombie-Britannique est endettée de 43,2 milliards $.Prendre à Pierre pour donner à Paul n’a aucun sens. Toutes les provinces ont besoin de nouvelles sources de revenus pour assurer les soins médicaux, en particulier si leurs médecins et les autres professionnels de la santé doivent être rémunérés équitablement.À cet égard, le tourisme médical est une avenue possible. Lors de la rencontre des premiers ministres, un sujet à l’ordre du jour sera la diversification du commerce international. S’il y a une chose que le Canada peut faire pour moins cher que les États-Unis, c’est bien de fournir des soins de santé. Un remplacement du genou ou de la hanche coûte entre 60 000 et 80 000 USD à Boston ou à New York, mais seulement 20 000 CAD environ dans une clinique privée située près de Montréal.Un récent sondage a révélé que 165 nouveaux médecins résidents et boursiers en orthopédie se cherchaient un emploi à temps plein au Canada, et 73 travaillaient à l’extérieur du pays. Encourager l’expansion des hôpitaux canadiens avec des salles d’opération axées sur la chirurgie élective, comme l’arthroplastie chez des patients américains, chinois et originaires d’autres pays, générerait des revenus indispensables et créerait des emplois pour les chirurgiens orthopédistes et les autres professionnels de la santé, qui resteraient au pays pour servir leurs concitoyens canadiens et réduire les listes d’attente.Intransigeance d'OttawaUne question beaucoup plus controversée est de savoir si la Loi canadienne sur la santé devrait être modifiée de manière à permettre une privatisation limitée aux résidents du Canada, or Ottawa demeure intransigeante sur cet enjeu. Je suggère à chaque association médicale provinciale de sonder ses membres et de demander aux personnes de s’identifier si elles (ou une autre personne de leur entourage) ont déjà été patientes ou ont travaillé en Australie, en Nouvelle-Zélande, à Taïwan, à Singapour, en Israël ou dans la plupart des pays européens, toutes des nations qui possèdent des systèmes de santé mixtes publics/privés. Les professionnels possédant une connaissance directe de ces systèmes seraient invités à participer à des assemblées publiques dans chaque province. Ils répondraient aux questions sur les pour et les contre de la prestation des soins de santé dans chaque pays de façon à éduquer le public, les médias et les politiciens.Selon un sondage réalisé par l’OMS auprès des systèmes de santé, 8 des 10 meilleurs et 19 des 25 meilleurs pays disposaient d’un système mixte public/privé. (Le Canada s’est classé au 30e rang!) Nous devrions garder l’esprit ouvert et être prêts à apprendre d’autres pays qui présentent des systèmes de santé efficaces, des temps d’attente plus courts et des taux élevés de satisfaction des patients et des médecins.Le médecin d’Ottawa, Dr Charles S. Shaver, est natif de Montréal. Il est diplômé de l’Université Princeton et du Johns Hopkins School of Medicine, et il est revenu au Canada en 1970. Il occupe le poste de président de la section de médecine interne générale de l’Association médicale de l’Ontario. Les opinions exprimées dans le présent article sont les siennes.

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