Clowns en milieu hospitalier: un rôle au-delà des rires

«Je suis un clown, quel est ton superpouvoir?» C’est ce qu’a demandé Michel Houde, artiste clown et professeur de théâtre au Collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, lors de l’ouverture de l'événement qui s’est tenu au Centre Saint-Pierre, à Montréal. Bien qu’aucun nez rouge n'était visible, la salle était remplie de couleurs et de rires – les clowns étaient bien présents. «Traditionnellement, les clowns sont associés au divertissement, mais ils sont aussi des agents de changement social, a continué Michel Houde. À travers l’humour, ils peuvent rendre des sujets inconfortables approchables.» Ces sujets inconfortables varient énormément, car les clowns sont présents un peu partout: dans des prisons, à des funérailles ou même dans des zones de guerre, a témoigné Pedro Fabião, artiste clown portugais et formateur. «Les clowns commencent à se propager là où les choses vont mal, où les gens ont besoin d’une connexion et d’une certaine vérité dans leurs vies, a-t-il ajouté. Nous sommes habitués à être dans des espaces où il y a beaucoup de tension.»Il va sans dire que les hôpitaux sont des endroits où se déroulent de nombreuses conversations difficiles. «Ce n’est pas que pour les patients, car leur entourage en entier a besoin d’une certaine légèreté dans leur journée», a expliqué Melissa Holland, cofondatrice et codirectrice de la Fondation Dr Clown. Il arrive même que les parents d’enfants hospitalisés aient davantage besoin d'interagir avec les clowns que les enfants eux-mêmes, souvent trop épuisés pour s'amuser.L’art clownesque consiste d'ailleurs à trouver la juste balance entre la gravité de la situation du patient et l’apparente légèreté de leur rôle, a poursuivi Meredith Gordon, une clown thérapeutique originaire d’Atlanta, aux États-Unis.En tant que clown thérapeutique, la plus grosse difficulté [à laquelle nous faisons face] est que nous ne savons pas vraiment à quelle situation nous ferons face, a enchaîné la clown thérapeutique Mélanie Raymond. En effet, les clowns ne sont pas nécessairement au courant de l'état de santé du patient avant de le rencontrer. Ils doivent donc être préparés en conséquence.Pour ce faire, la Fondation Dr Clown offre un programme d’ateliers pratiques appelé «Les clés de la bienveillance». Ce programme s'adresse évidemment aux clowns thérapeutiques, mais aussi à tous ceux qui travaillent auprès de personnes vulnérables.«On ne vous apprend pas à devenir des clowns [dans ce programme], a d'ailleurs expliqué la cofondatrice de la Fondation Dr Clown Melissa Holland, mais plutôt à mieux comprendre les compétences douces propres aux clowns permettant de mieux lire et comprendre les signaux non-verbaux [du patient].» Ces compétences requièrent une ouverture et une présence d’esprit qui permettent aussi d’agir plus librement face à l’humeur changeante du patient.Le but principal de l’atelier, c’est d’assurer que la connexion entre le soignant (incluant le clown), le patient et ses proches soit basée sur l’honnêteté, la confiance et l’authenticité. Sous la pression et la charge de travail, on peut finir par oublier l'humanité d'un patient alité, rappelle Melissa Holland.La présence des clowns peut d'ailleurs être bénéfique pour le patient, mais aussi nuisible s'ils sont présents à un temps inopportun, a-t-elle averti. Il revient donc au clown de bien prendre le pouls de la situation et de bien communiquer avec l'équipe de soins afin de trouver la juste balance. Amrita Kaur Dhaliwal, clown médical et formatrice à la University of Southern California, croit justement que l’art clownesque est un outil pour aider à naviguer les situations qui semblent autrement trop sombres pour les aborder avec une certaine légèreté. Autrement dit, faire le clown demande un éternel optimisme, même dans les situations les plus tristes. Malgré la gaieté des clowns, leur image reste fragile. Des histoires fictives comme celle du roman d'horreur Ça de Stephen King, ou réelles comme des attaques de clowns en 2016, portent parfois ombrage à leur travail. Un moindre changement à leur image, autrement innocente et joviale, peut les rendre sinistres.Or, le film Patch Adams, sorti en 1998, a au contraire «ouvert les yeux des gens quant aux possibilités et aux bénéfices potentiels [des clowns en milieux hospitalier]», a commenté Melissa Holland. Lorsque la Fondation Dr Clown a ouvert ses portes en 2002, les patients accueillaient les clowns en les appelant Dr Patch Adams, a-t-elle relaté. Aujourd'hui, les clowns font partie du quotidien de leurs patients et du personnel hospitalier.

Clowns en milieu hospitalier: un rôle au-delà des rires

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes