CHUM: économiser des millions avec l'IA sans nuire aux patients

Permettre à un hôpital de faire des dizaines de millions de dollars d’économies sans couper dans les salaires ni sacrifier les soins aux patients? Cela paraît trop beau pour être vrai, et pourtant. C’est ce qu’est parvenue à faire une équipe du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) grâce à l’intelligence artificielle.L’idée du Dr Moishe Liberman, chirurgien thoracique et directeur du Centre d’évaluation de chirurgie trachéo-bronchique et œsophagienne du CHUM: analyser en temps réel l’utilisation des fournitures lors des opérations chirurgicales pour estimer leur taux de gaspillage pour, in fine, réduire les coûts des interventions ainsi que l'empreinte carbone des interventions. Un enjeu majeur, puisque plus de 50 000 chirurgies sont réalisées au CHUM chaque année. À consulter: ChatGPT peut-il améliorer la prise de décision médicale sans induire de biais?«Certains outils chirurgicaux ne sont pas toujours utilisés, comme par exemple les valves cardiaques. Ça coûte 25 000$ par unité. Disons que l’hôpital en commande 100 par mois, mais qu'on n'en utilise que 80. Qu’arrive-t-il à celles qui n’ont pas été utilisées? Combien devrait-on en commander le mois prochain? On n’en a aucune idée. Comment peut-on faire un budget dans ce cas? On sait combien coûte la main-d’œuvre, mais pas les fournitures, qui sont pourtant le deuxième poste de dépenses», observe-t-il. Entouré de trois programmeurs, il a donc créé AssistIQ, un logiciel basé sur l’intelligence artificielle capable de fournir en temps réel le coût exact d’une intervention.Entre 4,5 et 8,4 millions de dollars d'économies à l'échelle du CHUMAprès deux ans d’utilisation dans plusieurs spécialités chirurgicales – thoracique, endoscopie, gynécologie, gastro-entérologie, chirurgie plastique et cardiaque –, le logiciel a permis de réduire les coûts opérationnels de 24,5% en moyenne. D’après l’étude1 dirigée par le Dr Liberman et menée sur 1063 chirurgies, les interventions où ont été réalisées les plus grosses économies étaient la lobectomie par VATS (-793,61$), suivie par les résections colorectales par laparoscopie (-520,93$), la reconstruction mammaire par lambeau DIEP (-198$) et les hystérectomies totales par laparoscopie (-87,11$) pour les tailles d'échantillon ajustées. Le matériel analysé incluait des sutures, des aiguilles, des lames, des écarteurs de plaies, des dispositifs et instruments chirurgicaux à usage unique, des drains, ou encore des cathéters.À l’échelle de tout le bloc opératoire du CHUM, les économies pourraient atteindre entre 4,5 M$ et 8,4 M$ par an. «Le tout, sans rien faire de différent pour le patient, juste parce que les professionnels étaient plus conscients de l’enjeu», souligne le médecin. Ces derniers recevaient en effet, en plus des indications en temps réel dans la salle d'opération, un bilan du coût global post-intervention et des déchets émis, comparés aux opérations similaires réalisés par leurs confrères et consœurs. «Nous voulions intégrer un peu de compétition, sourit le Dr Liberman. Et nous n'avons pas observé de résistance au changement chez les professionnels, qui sont déjà sensibilisés à l'enjeu des coûts et de l'empreinte carbone.» Au-delà des professionnels de santé, le clinicien voulait surtout sensibiliser les gestionnaires et logisticiens de l'hôpital. Car le logiciel sert surtout à maîtriser et optimiser les coûts et les ressources. «Dans un gros hôpital comme le CHUM, avec beaucoup de différents services et de spécialités, le budget pourrait être réduit de plusieurs dizaines de millions de dollars», d’autant plus en cette période de restrictions budgétaires, s’enthousiasme le chirurgien. Le logiciel est d’ailleurs en train d’être progressivement installé dans tous les services de l’hôpital depuis cette semaine. À consulter: L'intelligence artificielle pourrait raffiner le diagnostic de l'autismeCette optimisation des ressources a aussi un impact considérable sur l’empreinte carbone de l’établissement, ainsi que sur la sécurité du patient, poursuit le Dr Liberman. «On est capable de tracer les instruments et les outils utilisés en temps réel. S’il y a une infection sur une mèche, on va pouvoir sortir tous les patients chez qui on les a utilisées», explique-t-il. «Il est temps d’amener le système médical en 2025.» D’après lui, plusieurs hôpitaux, dont l’IUCPQ de Québec et des établissements américains, utilisent déjà cette technologie. «Je ne comprends pas comment certains hôpitaux peuvent encore s’en passer», reconnaît le chirurgien.Référence: Poder TG, Harris P, Têtu M, Mondoloni P, Vernelus C, Mignault A, Liberman M. Real-Time Cost Awareness in Surgical Disposables: A Multispecialty Pre-Post Trial. Journ of Med Syst. (2025) 49:25. DOI: doi.org/10.1007/s10916-025-02160-9

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