Changements climatiques et santé - L’INSPQ élabore une formation clinique à l’intention des médecins

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) travaille à l’élaboration d’une formation sur les changements climatiques et la santé à l’intention des médecins. Les impacts de ces transformations sur la santé des populations sont déjà perceptibles et ils risquent de s’accroître avec le temps, d’où l’intérêt d’une telle formation, a indiqué le responsable de ce dossier à l’INSPQ, le Dr Pierre Gosselin, lors d’une entrevue avec L’actualité médicale. L’entretien s’est déroulé en marge du congrès « Santé et changements climatiques », qui s’est tenu à Québec. Quelles sont les plus récentes connaissances en matière de santé et de changements climatiques ?Au Québec, nous sommes à la fine pointe des études au niveau mondial sur les relations entre la santé et les conditions climatiques. Le premier effet ressenti dans la province est celui de la chaleur. La canicule de 2010 aurait causé 330 décès de plus que ce à quoi on s’attendait durant les cinq jours de cet épisode de chaleur. C’est un bilan très lourd.Une canicule au cœur de l’été, ce n’était ni la première ni la dernière à survenir au Québec...Oui, mais le phénomène semble s’accélérer et les épisodes de chaleur sont plus rapprochés qu’avant. Il y en a eu un en 1987, puis un autre en 1994 et en 2010. Par la suite, ils se sont succédés en 2011, 2012 et 2013, même s’ils ont été moins longs et moins étendus dans l’espace. En 2013, la température maximale durant le jour était de 35 0C et de 25 0C la nuit. À l’intérieur de certaines maisons ou logements, il faisait jusqu’à 43 0C !Le réchauffement climatique est-il uniforme sur tout le territoire québécois ?Ce qui est particulier est que ces phénomènes se produisent beaucoup plus vite et beaucoup plus au nord qu’on ne le pensait. Ainsi, il y a eu des périodes très chaudes en Abitibi et en Outaouais. La région de Trois-Rivières-Bécancour a aussi été plus touchée que prévu. On peut dire que si les régions touchées sont plus pauvres, les habitants en moins bonne santé et les logements de moins bonne qualité, il pourra y avoir des effets sur le taux de mortalité.Quels sont les autres problèmes attribuables aux changements climatiques au Québec ?Les maladies infectieuses vectorielles, comme la maladie de Lyme qui a atteint la Montérégie et est en augmentation. Il semble y avoir une transmission locale dans le sud de la Montérégie jusqu’à l’île de Montréal, mais le phénomène ne dépasse pas la métropole pour l’instant. La tique est partie du Connecticut il y a environ 25 ans et remonte jusque dans nos contrées, car l’habitat y est plus favorable à la tique elle-même et à son vecteur. On peut maintenant dire que la tique est devenue indigène au Québec.Est-il trop tard pour stopper cette progression ?Il ne semble pas possible de l’enrayer. On peut toutefois la surveiller, détecter les manifestations de la maladie plus tôt et bien soigner les gens en conséquence. On peut traiter rapidement et très efficacement la bactérie qui passe dans le sang par l’intermédiaire de la tique. C’est quand on ne la traite pas que les choses se compliquent pour le patient et les médecins, car la maladie entraîne une kyrielle de symptômes bizarres.Qu’en est-il du virus du Nil (VNO) ?Il semble bien installé au Québec. En raison du réchauffement climatique, son cycle de récurrence a changé. En 2003, on croyait qu’il revenait tous les 30 à 40 ans. Mais après une dizaine d’années, on s’est aperçu qu’il était déjà de retour. Cette année, nous avons recensé plus d’une quarantaine de cas de VNO. On pense que la maladie va être plus présente et revenir plus régulièrement au Québec. Elle est d’ailleurs en progression. Elle est apparue en Montérégie en 2003 et quelques cas ont été signalés sur l’île de Montréal. Maintenant, elle est installée au nord de Montréal. Nous pensons que le territoire de contamination va s’étendre et qu’avec le réchauffement les oiseaux, qui transmettent le virus, vont rester plus longtemps au Québec.Le VNO est-il le seul risque du genre que court le Québec ?On s’attend à ce que d’autres encéphalites que le virus du Nil occidental fassent leur apparition, comme le virus de l’encéphalite équine de l’Est (VEEE), qui affecte principalement les chevaux, mais qui se transmet aux humains. Montréal a déjà connu une épidémie de l’encéphalite de Saint-Louis il y a une quarantaine d’années et il est fort probable qu’elle revienne. Les moustiques, mais aussi les inondations peuvent jouer un rôle dans l’apparition de ces maladies.Précisément, les phénomènes climatiques naturels ont-ils des répercussions sur la santé ?L’érosion côtière et les inondations peuvent avoir des effets indirects : on peut se blesser en réparant les dégâts et des moisissures, sources d’infections, peuvent apparaître dans un sous-sol contaminé. Perdre sa maison peut être une cause de dépression ou d’infarctus. Ces effets n’ont pas été mesurés, mais on sait qu’ils existent et qu’ils ne feront qu’augmenter, car les changements climatiques vont provoquer plus de pluies torrentielles, de refoulements des eaux dans les villes et de pluies verglaçantes. Les plus récentes études montrent enfin que les feux de forêt devraient augmenter sensiblement au Québec, et avec eux, le smog.Le réseau de la santé aura-t-il la capacité de répondre à ces changements ? Le cardiologue François Reeves a déjà dit qu’une canicule aussi forte que celle qui a touché la France en 2003 pourrait avoir un impact majeur sur notre système de santé, qui est déjà engorgé. Mais le réseau de la santé n’est pas tout. Nous vivons dans une société riche. Nous sommes aptes à aider les gens à la suite d’une catastrophe naturelle, à compenser pour les dégâts et à dédommager par la suite. Mais une cascade de catastrophes à répétition, comme il y en a dans les Caraïbes, est l’une de nos plus grandes menaces. Des infrastructures, ça peut coûter des milliards, mais si elles sont détruites sur la moitié du territoire du Québec et que tout est à refaire dans deux ou trois ans, on ne sera plus capable d’y faire face.De quels outils dispose le corps médical québécois pour faire face à ce qui se prépare sur le plan météorologique ?L’INSPQ compte donner aux médecins de la formation sur les impacts des changements climatiques sur la santé et sur ce dont il faudra tenir compte dans la pratique clinique de tous les jours. Dans un premier temps, nous voulons offrir des cours en ligne, puis des conférences. Ce programme devrait débuter l’an prochain.À lire aussi : L’arbre, l’allié de la santé cardiovasculaire

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