Entrevue avec le président François Paradis - «C'est sur la mobilisation que repose une association comme la nôtre»

François Paradis a récemment complété sa première année à la présidence de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.). Tout en désirant poursuivre le travail amorcé par son prédécesseur, Charles Fortier, les derniers mois lui ont permis d’identifier de nouvelles priorités sur lesquelles il compte faire porter son mandat. Même si elles ont moins fait les manchettes qu’en 2012, les ruptures d’approvisionnement en médicaments constituent toujours un casse-tête pour les pharmaciens, en particulier ceux qui exercent dans les établissements de santé.François Paradis ne cache pas que ce dossier représente un sujet majeur de préoccupation pour lui, autant à titre de président de l’A.P.E.S. qu’à titre de chef de département de pharmacie du CSSS de Rimouski-Neigette.Le principal défi auquel sont confrontées l’A.P.E.S. et les autres instances représentant les professionnels de la santé consiste à convaincre le gouvernement fédéral et l’État québécois d’agir rapidement afin de mettre en place un ensemble de mesures pour prévenir une autre crise comme celle survenue à la fermeture partielle des installations de Sandoz en 2012.L’annonce de compressions à venir dans le réseau de la santé est un autre sujet qui préoccupe François Paradis. Or, si le gouvernement mettait pleinement à profit l’expertise des pharmaciens d’établissement, il pourrait parvenir à son objectif de réduire ses dépenses en médicaments tout en optimisant le traitement des patients, affirme le président de l’A.P.E.S..L’actualité pharmaceutique a rencontré François Paradis le 1er mai dernier, dans les locaux de l’A.P.E.S. à Montréal.VOUS ÊTES À LA PRÉSIDENCE DE L’ASSOCIATION DEPUIS UN PEU PLUS D’UN AN. À VOTRE AVIS, QUEL EST LE PRINCIPAL HÉRITAGE DE VOTRE PRÉDÉCESSEUR, CHARLES FORTIER ?Charles a joué un rôle fondamental dans la révision du fonctionnement de la gouvernance de l’A.P.E.S. pour en faire une association plus solide. Il a également piloté notre plus récente entente de travail, qui comble en grande partie l’écart salarial entre les pharmaciens d’établissements et les pharmaciens communautaires. Ce sont deux accomplissements majeurs.C’est sans compter évidemment d’autres dossiers pour lesquels Charles a travaillé très fort et que nous entendons poursuivre. Je pense notamment à la reconnaissance de la spécialisation des pharmaciens d’établissements.DURANT VOTRE MANDAT, Y A-T-IL D’AUTRES DOSSIERS SUR LESQUELS VOUS VOULEZ VOUS CONCENTRER ?La relève en pharmacie hospitalière est un enjeu qui me préoccupe particulièrement, ainsi que celui des ruptures d’approvisionnement. Pour les enjeux de cette nature, nous devons tisser des liens plus serrés avec nos différents partenaires du réseau de la santé. C’est ainsi que nous pouvons faire évoluer les choses.Au sein de notre association, je compte également travailler sur la mobilisation des membres. De nos jours, la mobilisation est un défi pour bien des organisations. Or, c’est sur la mobilisation que repose la force d’une association comme la nôtre.J’ajouterais deux autres éléments. Les pharmaciens sont habitués de travailler à la gestion des risques pour garantir la sécurité de leurs patients. La gestion du risque est quelque chose que nous voulons transposer à l’association. Quels sont nos risques financiers ? Nos risques d’image ? Quels sont nos moyens d’actions si un incident survient ?Finalement, l’éthique est un enjeu qui m’interpelle énormément. Les pharmaciens d’établissements ont acquis une grande crédibilité. Même une apparence de conflit d’intérêts peut aujourd’hui avoir des effets aussi graves qu’un conflit d’intérêts réel. C’est donc un sujet qui nécessite une réflexion.LORS DES DERNIÈRES ÉLECTIONS, IL A PEU ÉTÉ QUESTION DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET ENCORE MOINS DES QUESTIONS LIÉS À LA PHARMACIE HOSPITALIÈRE. QUELS ENJEUX AURAIENT MÉRITÉ D’ÊTRE ABORDÉS À VOTRE AVIS ?Durant les élections, nous avons interpellé les différentes formations politiques afin qu’elles se prononcent sur les ruptures d’approvisionnement, qui ont un impact non seulement sur le fonctionnement de nos départements de pharmacie, mais de plus en plus auprès des patients.COMMENT COMPTEZ-VOUS RELANCER CE SUJET AUPRÈS DES INSTANCES GOUVERNEMENTALES ?En 2012, nous avons participé, dans le cadre d’une démarche mise en oeuvre par l’Ordre des pharmaciens du Québec, à l’élaboration d’une série de recommandations s’adressant notamment au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial. Force est d’admettre qu’elles n’ont pas été prises en compte.Or, depuis ce temps, la situation ne s’est pas améliorée. Bien que cela affecte le travail des pharmaciens, qui perdent un temps fou à gérer ces ruptures, nous commençons à voir un impact sur les patients, avec des reports de chirurgies ou des ruptures de médicaments essentiels.Nous sommes parfaitement conscients que certaines causes des ruptures sont mondiales, mais nous pouvons néanmoins agir sur certains éléments, notamment en élargissant nos partenariats pour inclure un nombre plus grand d’organisations.LES COMPRESSIONS ANNONCÉES DANS LE RÉSEAU DE LA SANTÉ VOUS INQUIÈTENT-ELLES ?C’est inquiétant en effet, car nous ne savons pas encore en quoi consisteront les efforts demandés. Mais il y a toujours de la place pour optimiser l’utilisation des médicaments, ce qui peut concorder avec le désir du gouvernement Couillard de mieux contrôler les dépenses qui découlent des médicaments.Cela fait d’ailleurs partie de l’expertise des pharmaciens et c’est un rôle très important, car la mauvaise utilisation des médicaments peut générer des effets indésirables et même se traduire par la prolongation d’une hospitalisation.Le défi est considérable puisque les dépenses en médicaments prennent chaque année des proportions plus importantes, notamment à cause du vieillissement de la population.QUELLES COMPRESSIONS POURRAIENT S’AVÉRER NÉFASTES À VOTRE AVIS ?La pression est déjà très forte sur le réseau. Il faut éviter ces coupes où l’on impose un même pourcentage à tout le monde, sans distinction. Il faut également éviter de regarder séparément les différents départements de l’hôpital, mais plutôt les voir comme pouvant avoir une influence l’un sur l’autre. C’est pour ces raisons qu’une évaluation rigoureuse doit être effectuée par le gouvernement.L’A.P.E.S. SE TROUVE PRÉSENTEMENT À MI-CHEMIN ENTRE DEUX CONVENTIONS COLLECTIVES. AVEZ-VOUS IDENTIFIÉ LES ÉLÉMENTS QUI FERONT PARTIE DE VOS PROCHAINES NÉGOCIATIONS AVEC LE GOUVERNEMENT ?Notre entente actuelle se terminera le 31 mars 2015. Les pourparlers avec le ministère de la Santé et des Services sociaux vont s’entamer progressivement.Pour nous, l’important est de nous assurer que l’écart salarial avec le secteur privé ne se creuse pas à nouveau, car la pénurie de maind’oeuvre ne s’est toujours pas résorbée malgré l’excellente entente que nous avons signée. C’est quelque chose sur lequel il faut travailler sans relâche.L’ATTRACTION DES JEUNES POUR LA PRATIQUE HOSPITALIÈRE S’AMÉLIORE-T-ELLE ?Bien que nous soyons loin du compte en ce qui concerne les admissions à la maîtrise, il y a davantage d’étudiants qui décident de poursuivre au deuxième cycle. C’est un autre dossier sur lequel il faut travailler constamment. À titre d’exemple, nous organisons maintenant un colloque annuel pour présenter la pharmacie hospitalière aux étudiants des deux facultés.Nous aimerions également que le Ministère s’implique davantage pour souligner l’importance de notre profession aux jeunes, ce qui aurait certainement un impact positif sur l’attraction vers la pratique hospitalière.LE DOSSIER DE LA RECONNAISSANCE DE LA SPÉCIALITÉ DES PHARMACIENS D’ÉTABLISSEMENTS NE SEMBLE PAS AVOIR PROGRESSÉ. QU’EST-CE QUI EXPLIQUE CE STATU QUO ?C’est difficile de cerner les éléments qui font en sorte que ce dossier n’évolue pas rapidement. Le Ministère a entrepris une démarche de réflexion sur le sujet, mais elle semble pour le moment sur la glace.C’est néanmoins un enjeu qui reste prioritaire pour nous afin qu’il y ait une reconnaissance des études supplémentaires que font les pharmaciens d’établissements. Nos différents partenaires nous appuient d’ailleurs toujours à ce chapitre.AVEC L’ACCENT PORTÉ RÉCEMMENT AUX SOINS DE PREMIÈRE LIGNE ET À DOMICILE, OÙ VOYEZ-VOUS LE PHARMACIEN D’ÉTABLISSEMENT DANS QUELQUES ANNÉES ?Il faut qu’il y ait des pharmaciens dans les GMF et les unités de médecine familiale. C’est une idée qu’il faut faire avancer, car c’est là que nous pouvons intercepter les problèmes qui peuvent survenir dans la pharmacothérapie. Le modèle reste cependant à définir. À titre d’exemple, voulons-nous que le pharmacien soit rattaché à un CSSS ou non ?De façon plus large, j’ajouterais que nous avons un autre défi à relever : améliorer la fluidité de la circulation de l’information entre les pharmaciens, qu’ils soient en milieu communautaire ou en établissement. C’est ainsi que nous allons pouvoir nous assurer que l’épisode hospitalier s’inscrive dans une continuité de soins pour les patients. C’est à mon avis primordial.Lire la suite du dossier sur l’A.P.E.S.

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