Ces mythes que nous, médecins, nous racontons à nous-mêmes

J’ai déjà écrit au sujet de mes dix vérités médicales les plus évidentes, alors que dire des cinq principaux mythes dont les médecins ne semblent pas pouvoir se défaire? En tant que cliniciens, nous pensons être une profession à part et, à bien des égards, c’est le cas. Mais à quel point sommes-nous spéciaux? Certaines de nos idées sur nos rôles traditionnels en tant que médecins sont-elles erronées? Décalées? Pardonnez-moi si je froisse quelques plumes avec ces questions. Voici ma liste de croyances dont nous ne pouvons pas nous défaire. Nous rendons nos patients heureux et en bonne santéNous faisons beaucoup d’efforts, mais j’oserais dire que nous ne réussissons pas à atteindre ces deux objectifs de façon constante. Je peux affirmer sans me tromper que nous soignons certaines maladies. Nous passons probablement beaucoup plus de temps à atténuer les complications des maladies chroniques. Nous glorifions ces efforts sous l’appellation «gestion des maladies chroniques», une activité médicale non curative, le plus souvent fastidieuse et éreintante. Le fléau de notre existence. En général, nos efforts héroïques se traduisent par des gains minimes, qui sont facilement anéantis par le temps ou par une exacerbation de la maladie. Les patients sont-ils en meilleure santé grâce à nos efforts? Sont-ils plus heureux grâce à nos soins?Moins malade n’équivaut PAS à être en bonne santé. Et le fait d’être en quelque sorte en meilleure santé ne se transforme pas en bonheur. Nous pouvons éduquer, soutenir, encadrer et encourager nos patients à choisir de meilleurs modes de vie qui favorisent la santé et le bonheur. Mais, en fin de compte, ce sont les efforts des patients, et non les nôtres, qui les aident à être en bonne santé. Et encore plus heureux. Un patient peut choisir de faire ce qu’il faut pour être heureux, mais nous en sommes rarement responsables.Nous prodiguons des soins centrés sur le patientNous avons beau essayer d’adhérer à ce concept et de gérer nos cabinets selon ce principe, mais en réalité, nous sommes rarement centrés sur le patient. C’est une expression à la mode. Même si nous essayons d’impliquer nos patients dans la prise de décision et de leur fournir toutes les ressources possibles, nos systèmes restent pour la plupart centrés sur le médecin, la clinique ou l’hôpital. Nous définissons entièrement le système: les heures d’ouverture, l’accès, la communication. Nous fixons les limites et les «règles». Bien sûr, certaines cliniques et certains cabinets sont nettement meilleurs que d’autres et se rapprochent beaucoup plus de ce principe, mais je dirais qu’ils sont peu nombreux. Les patients ne sont pas autorisés à participer à la plupart des décisions concernant les services médicaux dans leur communauté, leur ville ou leur province. Ils ne sont pas assis à la table des négociations. Dès lors, comment pouvons-nous affirmer que nous fournissons des soins centrés sur le patient?L’exercice de la médecine est une vocation dévoranteÊtre médecin est un choix de carrière qui dure toute une vie. C’est une vocation éminente. L’exercice de la médecine doit définir notre vie et nous consumer si nous voulons être sérieux, engagés et dévoués; tout cela fait partie du mythe.En réalité, en tant que médecins, nous allons travailler et rentrons chez nous comme n’importe quel autre travailleur. Il s’agit d’un métier hautement qualifié et bien rémunéré (même si ce n’est pas si bien payé que cela, comme le disent de nombreux médecins de nos jours!). Mais en fin de compte, c’est un travail. Un travail formidable pour beaucoup d’entre nous qui l’aimons vraiment. Je ne crois pas que cette notion affaiblisse la moindre de nos actions.Lire aussi: Retrouver l'humanité: le cœur perdu de la médecineMais nous devons cesser de romancer ce que nous faisons à notre détriment. «Elle a tout donné pour ses patients et s’est détruite à la fin — quelle remarquable médecin!» Il n’est pas nécessaire d’anéantir ses relations personnelles et son bien-être social pour être un grand médecin. Nous pouvons être des soignants empathiques, efficaces et formidables, tout en ayant une vie qui vaut la peine d’être vécue en dehors des cliniques et des hôpitaux où nous passons tant de temps.La compassion est une solution pour éviter le burnoutUne restriction ou un manque d’empathie et de compassion est en soi une source d’épuisement professionnel! Il est certain que le fait de ne pas avoir de limites ou de se préoccuper excessivement de situations auxquelles nous ne pouvons rien changer ou sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle n’est pas sain et peut s’avérer destructeur.L’idée que nous devons rester stoïques et sans émotion pour survivre à notre carrière médicale est erronée. Elle nie notre humanité. Se préoccuper, être gentil et attentionné et prendre soin de nos patients nous permet de rester engagés et c’est salutaire. Il y a des limites, et les excès malsains peuvent être problématiques.Lire aussi: «Aimez vos patients comme vous aimez vos parents»Ce n’est pas tout ou rien — c’est relatif. Il faut parfois toute une vie de pratique pour trouver l’équilibre parfait, qui est bénéfique à la fois pour nous et pour nos patients.Il faut un diplôme en médecine pour soignerDe nombreux médecins sont des thérapeutes compétents, mais certains des soignants les plus efficaces ne sont pas des professionnels de la santé. Je le regrette.Le fait d’avoir un diplôme en médecine nous donne certainement les outils, les connaissances et l’approche scientifique qui peuvent grandement aider les patients à guérir, mais ce n’est pas tout. Certains médecins sont étonnamment peu doués pour la guérison, en dépit de leur intelligence et de leur expérience.Ce n’est pas le diplôme qui est en cause. C’est le dévouement et l’engagement à comprendre le processus de guérison et, si j’ose dire, la science et l’art de savoir comment le provoquer chez un patient.Ce sont là mes réflexions, et je suis ouvert aux commentaires et aux critiques. Je ne m’accroche pas au mythe selon lequel tout le monde sera d’accord ou même que l’une de ces idées est vraie. À vous de me le dire…

Ces mythes que nous, médecins, nous racontons à nous-mêmes

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