Cancer: votre patient a-t-il une peur panique à l'idée d'une récidive?

Après avoir surmonté un cancer, il est normal de craindre une récidive. Toutefois, il y a une différence entre s’en préoccuper et être habité par cette peur, au point qu’elle devienne envahissante et même paralysante.Un docteur en psychologie spécialisé en oncologie, chercheur et clinicien à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Sébastien Simard, a consacré sa thèse de doctorat à ce phénomène. Il a mis au point, avec la psychologue Josée Savard de l’Hôtel-Dieu-de-Québec, un questionnaire pour détecter les individus qui éprouvent cette crainte de façon démesurée.Ce formulaire est tiré d’un questionnaire plus large, créé par les deux mêmes psychologues en oncologie de la Capitale et qui a été traduit à ce jour en 13 langues, dont le coréen et le mandarin. La version plus courte comporte neuf questions. Actuellement, elle est principalement utilisée à des fins de recherche, mais elle peut être fournie par Sébastien Simard à des milieux de soins qui voudraient l’utiliser dès maintenant à des fins cliniques.Intérêt pour la récidive du cancerSébastien Simard avait fait sa thèse de maîtrise sur les troubles paniques. Lors d’un emploi de coordonnateur de recherche à l’Hôtel-Dieu de Québec, il a été mis en contact avec des équipes de psycho-oncologie et a observé chez des patients atteints de cancer des similitudes entre la peur de la récidive et certains troubles anxieux.«Les gens qui ont des troubles panique deviennent hyper-vigilants à l’égard des sensations physiques et, quand ils en ont, ils les interprètent de façon catastrophique, explique-t-il. Les patients qui ont une peur de la récidive du cancer sont aussi hyper-vigilants aux sensations physiques car, à leurs yeux, c’est peut-être un indice que la maladie est de retour et progresse. Et plus on est hyper-vigilants vis-à-vis de symptômes, plus on en trouve.»Il estime que 99% des gens qui ont été atteints d’un cancer vont éprouver une peur de récidive.«En soi, c’est normal d’avoir peur et d’être préoccupé et se dire que ça pourrait revenir, dit Sébastien Simard. Mais quand cette peur devient envahissante, perturbe le fonctionnement et crée de la détresse, elle devient cliniquement significative et mériterait d’être traitée.» Le plus souvent, elle est nettement exagérée.«La crainte et l’intensité sont démesurées par rapport au risque réel ou à l’intensité des symptômes, comparativement aux mêmes patients dans la même situation», explique le psychologue.Selon lui, ce ne sont pas chez les patients atteints des cancers les plus graves que les peurs de récidive sont les plus élevées. Des gens victimes de cancers sévères éprouvent des craintes modérées, alors que des patients qui ont un très bon pronostic et vivent sans récidive depuis cinq ans ou plus sont paralysés par la peur. Ce n’est pas la maladie elle-même ni sa sévérité qui seraient en cause, mais la façon dont le patient gère et interprète son état et ses symptômes physiques.Effets et manifestationsChez les gens qui ressentent une peur anormalement forte de récidive, les effets s’expriment de plusieurs façons sur les plans physique et émotionnel. Ils ressentent des tensions, leur cœur bat plus vite, ils pensent à plusieurs scénarios, se voient souffrants, en traitement, s’imaginent ce qui va se passer quand la maladie va progresser, se voient mourir. Pendant ce temps, ils sont déconnectés de leur existence, parce ce qu’ils vivent dans leurs sombres pensées. «La peur de la récidive du cancer pourrit leur qualité de vie», affirme Sébastien Simard.La crainte entraîne des comportements de réassurance. Ils se palpent, s’examinent, appellent leur médecin de famille, leur oncologue, l’infirmière, se rendent à l’hôpital, demandent un examen supplémentaire pour s’assurer que la maladie ne progresse pas, ce qui ajoute de la pression sur le système de santé et les soins en oncologie.Ces patients sont les premiers à vouloir surmonter leur peur. Auparavant, il existait peu d’outils et peu de ressources pour les aider. Le petit questionnaire de dépistage (à ne pas confondre avec le questionnaire sur la détresse de plus en plus répandu en oncologie) permet de détecter très rapidement les individus à risque. Ceux obtenant un score de 13 et plus devraient être rencontrés, ceux ayant 16 et plus devraient être traités pour cette peur.La thérapie cognitivo-comportementale, que pratique Sébastien Simard, est relativement courte. Il croit qu’entre huit et 15 séances, parfois moins, il est possible d’outiller ces gens afin que leur peur soit moins dérangeante et invalidante.

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