Cancer du sein: les patientes âgées ne reçoivent pas autant de soins que les plus jeunes

Pourtant, l'incidence du cancer du sein augmente avec l'âge et la proportion de patientes plus âgées atteintes du cancer du sein dans la population est en hausse, a déclaré le Dr Peter Lovrics, professeur de chirurgie à l'Université McMaster. Il est le coauteur d'une étude qui compare les schémas de traitement entre les patientes plus jeunes et plus âgées atteintes d'un cancer du sein. Il a fait remarquer que les lignes directrices canadiennes ne recommandent pas actuellement le dépistage après 74 ans, mais il a suggéré que le dépistage général pourrait se poursuivre après cet âge. «À mesure que notre population vieillit, et qu'il y a tant de femmes de plus de 75 ans en bonne santé, il faut envisager sérieusement de repousser l’âge recommandé dans ces directives jusqu’à 80 ans. Il existe de plus en plus de preuves que les femmes âgées présentent des cancers plus avancés et que les résultats sont moins bons», a-t-il déclaré. En même temps, il dit avoir observé de nombreuses variations dans la prise en charge des patientes âgées. L'étude a comparé les caractéristiques cliniques et pathologiques de la maladie, les thérapies proposées et reçues, ainsi que les résultats à long terme entre les patientes plus jeunes et plus âgées atteintes d'un cancer du sein. Les chercheurs ont utilisé une base de données régionale du centre-sud de l'Ontario. L'étude a également examiné les facteurs prédictifs de récidive et de mortalité du cancer du sein. Les résultats ont été publiés dans The American Journal of Surgery. À lire aussi: Vitamine D: Un statut bas serait lié à un risque de CCR chez les femmes noires L'étude rétrospective des dossiers a porté sur toutes les femmes âgées de 60 ans et plus chez qui on avait diagnostiqué un cancer du sein invasif ou un carcinome canalaire in situ et qui avaient subi une intervention chirurgicale entre janvier 2006 et juin 2007. Les données utilisées provenaient de 12 hôpitaux du centre-sud de l'Ontario. Après les exclusions, les données de 774 femmes ont été utilisées, dont 515 dans le groupe le plus jeune (60 à 75 ans) et 259 dans le groupe le plus âgé (plus de 75 ans). Le suivi moyen était de 10 ans. Les caractéristiques tumorales étaient similaires entre les deux groupes, mais les patientes plus âgées étaient susceptibles d'avoir plus de ganglions positifs et de présenter des tumeurs mammaires primaires plus grosses au moment du diagnostic. En outre, les patientes plus âgées étaient plus souvent diagnostiquées avec une maladie symptomatique et présentaient beaucoup plus de comorbidités que les patientes plus jeunes. Les résultats ont également montré que le cancer du sein n'a été diagnostiqué par un dépistage asymptomatique que chez 28% des femmes de plus de 75 ans, contre 60% des patientes plus jeunes. Aussi, 67% des femmes plus âgées ont subi une imagerie parce qu'elles étaient symptomatiques, contre seulement 38% des femmes de moins de 75 ans. L'étude souligne qu’un dépistage régulier chez les femmes de 75 ans ou plus à risque moyen n'est pas recommandé par les lignes directrices canadiennes sur le dépistage du cancer du sein. «Comme de plus en plus de femmes âgées sont identifiées par un bilan symptomatique, elles risquent davantage d'être diagnostiquées avec une maladie plus avancée ou agressive», ont écrit les auteurs. En ce qui concerne les procédures chirurgicales, des différences significatives ont également été observées entre les groupes. Les patientes plus âgées ont subi beaucoup moins de chirurgies mammaires conservatrices (54% chez les plus de 75 ans, contre 70% chez les plus jeunes), de réexcisions de marges positives (70% contre 88%), de chirurgies des ganglions lymphatiques axillaires (45% contre 59%) ou de biopsies des ganglions lymphatiques sentinelles (12% contre 31%). À lire aussi: Cancer: prendre en charge les toxicités cutanées causées par les traitements à base d’ICI Les femmes plus âgées étaient moins susceptibles d'avoir consulté un oncologue ou un radio-oncologue. «Il n'est pas clair si cette différence est due à un biais potentiel, aux perceptions des chirurgiens référents, ou aux patients qui refusent d'être référés», indique l'étude. Radiothérapie et chimiothérapie moins souvent proposées Pour les femmes plus âgées qui ont eu une consultation en oncologie, la radiothérapie et la chimiothérapie adjuvantes ont été proposées moins souvent. Cependant, la thérapie endocrinienne était recommandée à un taux similaire dans les deux groupes d'âge. Les femmes plus âgées tirent probablement autant de bénéfices des mêmes traitements que les femmes plus jeunes. «Le problème est sans doute que les femmes plus âgées ne reçoivent pas les traitements bénéfiques aussi souvent, pour de multiples raisons», a déclaré le Dr Lovrics. Dans certains cas, les femmes plus âgées ont refusé certaines interventions, mais il n'y avait pas assez de données pour en indiquer les raisons. Chez les femmes de plus de 75 ans présentant des récepteurs d'œstrogènes positifs, 39% ont refusé une endocrinothérapie et 53%, une radiothérapie adjuvante lorsqu'elle leur était proposée. À lire aussi: La duplication du génome: facteur de résistance aux traitements des cancers En ce qui concerne la chirurgie, les femmes de plus de 75 ans ont subi des mastectomies plus souvent que le groupe plus jeune, 46% et 30% respectivement. Il a également été constaté que les femmes plus âgées étaient moins susceptibles de subir une réexcision des marges positives après une chirurgie du cancer du sein et moins susceptibles de subir une stadification axillaire. Les raisons expliquant ces taux plus élevés de mastectomie ne sont pas claires et pourraient refléter les recommandations des médecins: les patients choisissant d'éviter la radiothérapie, la toxicité du traitement ou les obstacles aux visites quotidiennes de traitement, ou ayant des tumeurs plus importantes nécessitant une mastectomie. «Dans notre cohorte, un moins grand nombre de patientes âgées ont eu une consultation avec un oncologue; une chimiothérapie a été moins souvent proposée et reçue par les patientes âgées présentant une maladie à haut risque... et une radiothérapie post-chirurgie a également été proposée et reçue moins souvent», indique l'étude. Selon le Dr Lovrics, «il est important que les prestataires ne soient pas influencés par l'âge des patientes, et nous devons éviter les idées fausses selon lesquelles le cancer chez les personnes âgées "n'est pas aussi grave". Les patientes âgées doivent être orientées vers des oncologues et des radio-oncologues comme les patientes plus jeunes. Nous devons également encourager les patientes à envisager ces thérapies, car elles peuvent aussi avoir des préjugés ou des idées erronées sur l'impact de leur âge.» À lire aussi: Cancer: les espoirs immenses soulevés par les anticorps thérapeutiques Les chercheurs ont conclu que: «Notre étude démontre que l'âge est un facteur important qui affecte le diagnostic et le traitement du cancer du sein, ainsi que les résultats.» Le sujet est pertinent car «il existe des disparités connues dans le traitement du cancer du sein, l'accès et les résultats, en lien avec l'origine ethnique, l'âge, le statut socio-économique et le lieu de résidence», a déclaré le Dr Shahid Ahmed, professeur d'oncologie médicale à l'Université de la Saskatchewan. Il n'a pas participé à l'étude. Mais les disparités dans les soins du cancer liées à l'âge ne sont pas spécifiques au cancer du sein ni à aucun pays ou région. «Il existe des preuves de disparité liée à l'âge dans le traitement de divers cancers, notamment une chirurgie sous-optimale ou l'absence de chirurgie pour les maladies à un stade précoce ou l'absence de thérapie systémique ou de radiothérapie adjuvante pour réduire le risque de récidive», a-t-il souligné. Chez les femmes âgées atteintes d'un cancer du sein, on s'efforce d'éviter le surtraitement, mais cela peut souvent entraîner un sous-traitement. «Je pense qu'il est important de ne pas se concentrer uniquement sur l'âge chronologique, mais de prendre en compte l'âge biologique, la fragilité, les maladies concomitantes et les souhaits du patient lors de la prise d'une décision thérapeutique partagée», a-t-il déclaré.

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