Cancer du sein: le dépistage à partir de 50 ans désavantage les femmes racisées

Il est urgent de réévaluer les lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein pour y inclure les disparités raciales et ethniques, alerte une récente étude1 de l’Université d’Ottawa publiée dans The Oncologist. En effet, les femmes canadiennes qui ne s'identifient pas comme blanches présentent, selon les chercheurs, un âge maximal de diagnostic du cancer du sein plus précoce et une proportion plus élevée de cas diagnostiqués avant l'âge de 50 ans. Elles présentent également un pic de mortalité plus précoce, décédant en moyenne sept ans plus tôt que les femmes blanches. De plus, les femmes noires sont plus susceptibles de développer un cancer du sein triple négatif agressif.Comme le Canada ne documente présentement ni les particularités, ni l’issue du cancer du sein en fonction de la race et de l'appartenance ethnique, les chercheurs ont recoupé les données des Cohortes santé et environnement du recensement canadien de 2006 et de 2011, ainsi que celles du Registre canadien du cancer. Au total, ils ont étudié 47 000 cas de cancer du sein et 18 200 décès par cancer du sein. On apprend ainsi que: Comparativement à une femme blanche du même âge, une femme noire de 40 ans a 40% plus de risque de mourir d’un cancer du sein.Le taux de mortalité chez les soixantenaires des Premières Nations et des communautés métisses est 20 à 50% plus élevé, respectivement, que chez les femmes blanches de la même tranche d’âge.L’âge maximal au moment du diagnostic de cancer du sein était de 65 ans chez les femmes blanches, contre 42 à 60 ans chez les femmes d’autres origines raciales ou ethniques.L'âge médian du diagnostic de cancer du sein chez les femmes noires (56 ans) au Canada était comparable, et même inférieur, à celui observé aux États-Unis (60 ans), et l'âge médian au moment du diagnostic chez les femmes blanches canadiennes était également comparable à celui observé aux États-Unis (respectivement 63 ans et 64 ans).Environ un tiers des cancers du sein dépistés avant l’âge de 50 ans le sont chez les femmes arabes, coréennes, inuites, multiethniques ou venant de l’Asie occidentale, comparativement à 16% chez les femmes blanches.Les cancers du sein à récepteurs hormonaux positifs, dont les traitements ont un meilleur taux de réussite, sont plus répandus chez les femmes blanches, tandis que l’incidence de cancer du sein triple négatif, une forme agressive au taux de survie bien moindre, est deux fois plus élevée chez les femmes noires (taux de survie après 5 ans de 74% au stade 3, et de seulement 7% au stade 4).Les différences de mortalité constatées pourraient être liées à l’âge maximal observé au moment du diagnostic plus précoce, et signifier que les cas de cancer du sein sont diagnostiqués avant que le dépistage ne soit disponible, notent les auteurs. Ceci pourrait expliquer pourquoi près de la moitié des cas de cancer du sein de stade III ou IV chez les femmes noires ont été diagnostiqués avant l’âge de 50 ans, contre un cinquième des cas de stade III ou IV chez les femmes blanches.Des avancées provinciales insuffisantes sur l’âge du dépistageL’équipe de recherche dirigée par la Dre Anna Wilkinson, médecin de famille, et la Dre Jean Seely, professeure au Département de radiologie de l'Université d'Ottawa, aux côtés de Carmina Ng et Larry Ellison de Statistique Canada, appelle donc à une révision urgente des directives en matière de dépistage pour l’effectuer dès 40 ans. «En amorçant les programmes de dépistage à 50 ans, on désavantage systématiquement les femmes racisées et appartenant à différents groupes ethniques. Les cancers ainsi diagnostiqués risquent de l’être à un stade plus avancé, ce qui pourrait se traduire par un taux de mortalité plus élevé chez les femmes noires, par exemple», affirme la Dre Wilkinson, professeure agrégée à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. À lire aussi: Pourquoi certaines femmes évitent-elles de repasser une mammographie?Au Québec, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a annoncé au mois d’octobre avoir mandaté l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) pour l'évaluation de l'élargissement potentiel du dépistage du cancer du sein dès l'âge de 40 ans. Par ailleurs, le programme de dépistage structuré en Ontario s’étend désormais aux femmes âgées de 40 à 49 ans. Malgré ces avancées provinciales, les lignes directrices nationales continuent d’inciter les médecins de famille à déconseiller le dépistage aux patientes qui les consultent, selon l’équipe de recherche. Bien des cancers risquent ainsi de ne pas être détectés hâtivement chez les femmes de couleur.L’âge du diagnostic n’est pas le seul enjeu selon les chercheurs de l’Université d’Ottawa: il s’agit de décrypter les obstacles auxquels les femmes de couleur peuvent se heurter aux différentes étapes de la maladie, du dépistage au traitement. «Des recherches ciblées sont essentielles pour mieux comprendre les causes sous-jacentes des disparités de mortalité par cancer du sein qui touchent les femmes noires, des Premières Nations et métisses», concluent les auteurs. Référence: Wilkinson A., Ng C., Ellison L., Seely J., Incidence et mortalité par cancer du sein, selon l'âge, le stade et les sous-types moléculaires, selon la race/l'origine ethnique au Canada, The Oncologist, 2024; oyae283, https://doi.org/10.1093/oncolo/oyae283 [consulté le 8 novembre 2024]

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