Cancer du poumon: 130 000 trajectoires de soins disséquées

C’est une première en cancérologie et les enseignements préliminaires de l’expérience sont prometteurs. Des chercheurs de l’INESSS ont compilé, puis passé à la moulinette de leurs algorithmes les centaines de milliers de données contenues dans les banques des hospitalisations (MED-ECHO), des décès (RED-D) et de la facturation des médecins (SMOD). «À la base, ces banques ne sont pas faites pour ça, mais notre preuve de concept montre qu’on peut les exploiter, indique le coordonnateur scientifique de l’Unité d’évaluation en cancérologie de l’INESSS, Jim Boulanger. C’est sûr qu’il y a des trous et des limites à l’analyse, mais on a obtenu un portrait fidèle de la prise en charge du cancer du poumon avec des résultats qui concordent aux études cliniques.» La cohorte ainsi constituée compte au total 133 468 cas incidents de cancer du poumon durant la période 2001-2002 à 2016-2017. Dans le cadre du premier volet de ce projet, les recoupements effectués permettent de décrire les principales caractéristiques des patients et de produire des statistiques sur l’incidence de la maladie, le taux de mortalité ainsi que la survie globale des patients. «Le second volet consistera à décrire les trajectoires de soins en contexte réel et le troisième nous conduira à évaluer certaines thérapies innovantes», précise le professionnel scientifique en santé à l’INESSS, Gino Boily, qui a rédigé le rapport publié le 25 octobre dernier. Parmi les personnes diagnostiquées au cours des dernières années, un peu plus de 8 000 sont décédées annuellement, dont environ 6 500 pour cause de cancer du poumon. «Globalement, le nombre annuel de décès par cancer du poumon a progressé moins rapidement que le nombre annuel de décès toute cause entre 2006 et 2012, et il a été stable entre 2012 et 2016», souligne le rapport. Durant les 15 années observées, près de 10 000 nouveaux cas de cancer du poumon ont été diagnostiqués chaque année au Québec. «La population [de ces patients] a globalement vieilli depuis le début des années 2000», signale le rapport en mentionnant que «ce constat concorde avec le vieillissement de la population générale». Entre 2002-2004 et 2014-2016, la proportion des 80 ans et plus au moment du diagnostic a augmenté de 41 % tandis que celle du groupe des moins de 50 ans a diminué de 66 %. L’âge médian (et moyen) de ces personnes s’établit ainsi à 71 ans et environ le cinquième d’entre elles ont plus de 80 ans. Quatre mois de vie en plus La bonne nouvelle, c’est que l’analyse des chercheurs de l’INESSS «a confirmé que la qualité des soins s’est améliorée. Les patients vivent plus longtemps aujourd’hui qu’au début des années 2000», observe Jim Boulanger qui avance aussi l’hypothèse qu’ils reçoivent leur diagnostic plus tôt qu’avant et sont donc traités dès les premiers stades de la maladie. Résultat, la survie globale médiane a augmenté de près de 50 % entre 2002-2004 et 2014-2016, passant de 8,5 mois à 12,7 mois. De même, les taux de survie globale à 1 an, 2 ans et 5 ans ont chacun augmenté d’environ 10 points de pourcentage. Un autre fait notable a été mis en lumière par les algorithmes de l’Institut. Après le Nunavut, le Québec présente le deuxième taux d’incidence du cancer du poumon au pays, avec un écart d’environ 40 cas pour 100 000 personnes (104,6 contre 65,7) comparé au reste du Canada. Cette différence pourrait s’expliquer par le tabagisme, auquel on attribue 73,5 % des cas incidents de cancer du poumon. En 1994-1995, le Québec affichait en effet le taux de fumeurs quotidiens le plus élevé parmi les provinces, les Québécois partageant aussi le premier rang avec les Prince-Édouardiens concernant le nombre moyen de cigarettes consommées par jour, selon une analyse de Statistique Canada. «Bien que cela ne constitue pas la preuve d’une relation directe de cause à effet, ces données sont concordantes avec les taux d’incidence que nous avons observés», précise Gino Boily. Enfin, les chercheurs ont constaté un rééquilibrage entre hommes et femmes. Alors qu’en 2002, les premiers représentaient près de 60 % des nouveaux cas de cancer du poumon, presque autant de femmes que d’hommes ont reçu un diagnostic de cancer du poumon en 2016. Là encore, l’explication serait liée à la cigarette, les pics de prévalence du tabagisme ayant augmenté chez les femmes nées entre 1920 et 1960 alors qu’ils ont continuellement baissé chez les hommes nés après la Première Guerre mondiale.

Cancer du poumon: 130 000 trajectoires de soins disséquées

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