Cancer du pancréas: un programme de dépistage chez les personnes à risque fait ses preuves

En raison de sa faible incidence, le dépistage généralisé du cancer du pancréas n’est pas recommandé au sein de la population. En revanche, un dépistage ciblant les personnes à risque permettrait d’améliorer le taux de survie à cinq ans, qui n’est actuellement que de 12%. «Lorsque les tumeurs pancréatiques sont détectées suffisamment tôt pour être traitées, soit au stade 1, le taux de survie grimpe à plus de 80%. Malheureusement, la grande majorité des patients sont diagnostiqués à un stade avancé de la maladie», signale le Dr George Zogopoulos, chirurgien oncologue du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).Avec ses collègues chercheurs du Consortium pour la détection précoce du cancer du pancréas (PRECEDE), qui regroupe des cliniciens d’une trentaine d’hôpitaux en Amérique du Nord et en Europe, le médecin a collaboré à la mise au point d’un programme de dépistage qui cible uniquement les personnes à risque de développer un cancer du pancréas. Celui-ci a été testé auprès de 6672 participants entre le 1er avril 2020 et le 21 novembre 2022 et ses résultats prometteurs viennent d’être publiés dans le Journal of the National Comprehensive Cancer Network (JNCCN).«L’objectif de notre étude était d’identifier les patients qui pourraient bénéficier d’un tel programme de détection précoce», explique le Dr Zogopoulos. Les chercheurs ont ainsi déterminé trois catégories de personnes considérées à haut risque: celles qui ont des antécédents familiaux de cancer du pancréas, celles qui présentent une mutation génétique favorable à l’apparition de ce cancer, et celles qui présentent ces deux caractéristiques.L’oncologue souligne qu’au Québec, «on constate qu’il y a une proportion plus élevée de la population qui a cette mutation du gène BRCA2, qui prédispose également aux cancers de l’ovaire et du sein». D’où l’intérêt de passer un test génétique (remboursé par la RAMQ) dès qu’un de ces trois cancers est déclaré au sein de la famille. «Ça permet d’une part de mieux cibler le traitement chimiothérapique et, d’autre part, d’enclencher la surveillance des autres membres de la famille.»La Société canadienne du cancer estime que 7200 Canadiens ont reçu un diagnostic de cancer du pancréas en 2023 et que 5900 en sont morts cette année-là. Parmi les 6672 participants de l’étude, 1759 ont été identifiés «à plus haut risque». Ces derniers ont bénéficié pendant un an d’un programme de surveillance qui comprenait un test génétique, une cholangiopancréatographie par IRM et une échographie endoscopique de suivi six mois après l’IRM. Des lésions pancréatiques ont ainsi pu être détectées chez 492 d’entre eux à un stade permettant la résection de la tumeur. De plus, les patients concernés ont largement adhéré, à plus de 80%, au programme, signale le Dr Zogopoulos pour qui ces deux éléments «démontrent l’intérêt et le potentiel d’un programme de surveillance ciblé pour détecter et intercepter les changements précancéreux et cancéreux dans le pancréas».Un programme accessible aux Québécois à risqueLes Québécoises et les Québécois qui craignent d’être à risque de développer un cancer du pancréas, en raison notamment d’antécédents familiaux, peuvent être référés par leur médecin de famille à la clinique du Dr Zogopoulos, au CUSM. «On évaluera leur historique familial et on leur fera passer un test génétique si ce n’est pas déjà fait. Selon le résultat, ils pourront intégrer le programme de surveillance PRECEDE», indique l’oncologue.L’étude publiée dans le JNCCN montre également que le programme PRECEDE a permis de constater une incidence plus élevée de kystes pancréatiques uniquement chez les patients qui n’ayant pas de mutations génétiques associées à la maladie. Une découverte qui suggère que les processus biologiques menant au développement du cancer ne sont pas les mêmes chez les patients ayant des antécédents familiaux que chez ceux ayant une mutation génétique.«La présence de kystes peut permettre d’identifier les individus présentant un risque accru de développer un cancer du pancréas au fil du temps, que ce soit à cause de modifications aux kystes ou parce que la présence de kystes indique que le pancréas présente une aberration intrinsèque qui le rend plus susceptible à la progression des kystes ou à d’autres croissances précancéreuses», souligne la co-auteure principale de l’étude, la Dre Diane M. Simeone, du UC San Diego Moores Cancer Center. «C’était inattendu», observe pour sa part le Dr Zogopoulos en signalant que des recherches additionnelles seront nécessaires pour «voir si ça peut être un critère de dépistage».

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