CA de Santé Québec: des absences préjudiciables?

Parmi les 749 candidatures reçues par le Secrétariat aux emplois supérieurs, plus celles qu’il a lui-même sollicitées, le gouvernement en a retenu 15 pour composer le conseil d’administration de Santé Québec, la nouvelle agence qui sera chargée de la gestion des opérations du réseau de la santé et des services sociaux. Un choix qui laisse pantoises l’Alliance des patients pour la santé (APS) de même que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ). Les administrateurs nommés par Québec sont «excellents, sauf que ce sont des gens du système, des technocrates. Ils n’ont pas le vécu des patients», déplore Jérôme Di Giovanni, le président de l’APS, une coalition d’une trentaine d’associations représentant des malades et des usagers du réseau. «Qui va parler au nom des patients?» se demande-t-il en regrettant que le CA de Santé Québec se prive de leur «expérience expérientielle». «On n’est ni des médecins, ni des politiciens, ni des gestionnaires, mais on connaît le réseau, et ses dysfonctionnements, de l’intérieur. Je trouve ça très décevant qu’on se passe de notre expertise», estime M. Di Giovanni. «On est tout de même les premiers intéressés par la transformation du réseau. On ne va siéger sur aucune instance décisionnelle alors qu’on a des idées pour améliorer les services d’urgence, la première ligne ou faire la promotion de la prévention.»De son côté, le Conseil pour la protection des malades (CPM) fait une autre lecture de la composition du CA de Santé Québec. Son président-directeur général, Me Paul Brunet, avoue ne pas connaître tous les administrateurs nommés par Québec. Il dit cependant pouvoir compter sur «deux alliées qui partagent nos valeurs»: la pharmacienne Diane Lamarre, dont il sait qu’«elle est dévouée à la cause des patients», et Seeta Ramdass, la directrice adjointe du Bureau de la responsabilité sociale et de l’engagement communautaire de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill. «C’est une personne que l’on connaît bien puisqu’elle a été membre de notre CA. Ses valeurs sont à la bonne place», affirme Me Brunet. S’agissant de la présidente du CA de Santé Québec, le PDG du CPM observe que Christiane Germain, cofondatrice et coprésidente du groupe éponyme propriétaire des chaînes hôtelières Le Germain, Atl et Esca, est «une experte en hébergement. J’espère qu’elle aura à cœur d’améliorer les établissements de soins de soins de longue durée», souligne Me Brunet en faisant référence aux cas de maltraitance, d’hygiène discutable ou d’alimentation douteuse dernièrement rapportés par le CPM.Lire aussi: La composition du CA de Santé Québec annoncéeAu-delà de l’absence de patient en tant que tel au CA de Santé Québec dénoncée par l’APS, son conseil spécial Michel Bissonnette rappelle que l’Alliance a réuni l’an dernier des experts en santé publique et en gestion de la santé pour formuler des propositions d’amélioration du réseau de la santé. «Le point principal selon eux, c’était la première ligne», explique-t-il. «Or elle n’apparaît nulle part sur le CA de Santé Québec.»La médecine familiale exclueSon point de vue est partagé par la FMOQ qui se dit «surprise et déçue» de constater qu’aucun de ses membres n’a été nommé administrateur. «On a de la misère à s’expliquer qu’avec notre rôle clé au sein du système, le gouvernement n’ait pas pensé à solliciter des candidatures de médecins de famille, comme il l’a fait pour certains administrateurs», indique un porte-parole de la Fédération qui ne doute pas de la compétence des personnes choisies. Toutefois, «la première des choses à laquelle le gouvernement aurait dû penser, c’était d’avoir un CA représentatif. Sans les médecins de famille, il ne l’est pas.»Interrogé par ProfessionSanté.ca, le Conseil exécutif, dont dépend le Secrétariat aux emplois supérieurs, n’est pas en mesure de préciser si des omnipraticiens ont répondu à l’appel de candidatures pour le CA de Santé Québec. «Les profils professionnels (des candidats) ne sont pas répertoriés dans l’ensemble», explique par courriel un relationniste du Conseil exécutif en précisant que «chaque candidature a été analysée rigoureusement en fonction des conditions d’admission de l’appel d’intérêt qui a été publié.» Parmi ces conditions, l’expertise en gestion de la santé et services sociaux figurait en dernière position.En réponse aux critiques concernant la composition du CA de la nouvelle agence, l’attachée de presse du ministre Christian Dubé tient à «souligner qu’il y a une infirmière [Régine Laurent, ndlr], une pharmacienne [Diane Lamarre], deux médecins [David Lussier, gériatre, et Stanley Vollant, chirurgien] et une psychologue de formation [Seeta Ramdass] sur le premier CA de Santé Québec, la première ligne y est bien représentée. C’est une équipe solide, compétente et aux profils complémentaires, pour nous appuyer dans la gestion du changement.»Cette réponse ne risque pas de satisfaire les médecins de famille. Blogueur pour ProfessionSanté.ca, le Dr Mathieu Pelletier considère dans son dernier billet qu’«écarter la médecine familiale du CA de Santé Québec, malgré tous les arguments qu’on pourrait nous servir pour le justifier, est un geste hautement symbolique et chargé de sens. Je trouve cela très inquiétant et cela manque de vision.»Lire aussi: Monsieur Dubé, que se passe-t-il?Dans une lettre ouverte cosignée par une centaine d’omnipraticiens, la Dre Sylvie Dufresne affirme quant à elle que «la base d’une bonne gouvernance est la capacité de respecter tous les acteurs du système, de les entendre pour leur expertise, de faire alliance, de créer une synergie. Ne pas inclure un représentant des médecins de famille dans le CA témoigne d’une réserve délétère à entendre certains points de vue. C’est certes plus facile de choisir des personnes partageant une même vision, mais le risque est grand à regarder à travers une lorgnette trop étroite».Lire aussi: Santé Québec: l'absence de patient et de médecin de famille au CA dénoncée

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