Brisés avant même d'avoir commencé: le triste traitement réservé aux résidents et aux étudiants

Vous êtes déjà épuisé alors que vous venez à peine de commencer à exercer la médecine? Si vous avez répondu par l'affirmative, vous êtes probablement un médecin résident ou un étudiant qui a subi des mauvais traitements au cours de ses années d'apprentissage. «Beaucoup d'étudiants et de médecins résidents se sentent tellement abattus et vidés après leur formation, parce qu'ils ont dû survivre à cette expérience exténuante, a regretté la Dre Amanda Bell, professeure clinicienne au Département de médecine familiale de l'Université McMaster à Hamilton en Ontario. Ils entrent dans la profession déjà épuisés». Les apprenants maltraités ne sont malheureusement pas une minorité parmi leurs pairs. Une enquête menée en 2020 par Médecins résidents du Canada a révélé qu'environ 65% des médecins résidents avaient été victimes d'intimidation au cours des 12 derniers mois, le plus souvent de la part d'infirmières. Plus de 90% des médecins résidents maltraités ont déclaré avoir fait l'objet de commentaires verbaux inappropriés. Environ un an plus tôt, lors d'un forum sur la médecine familiale organisé par le Collège des médecins de famille du Canada, un présentateur a demandé aux médecins présents dans la salle de donner des exemples de mauvais traitements subis au cours de leur formation. Ils ont répondu qu'ils avaient été agressés verbalement, rabaissés devant des infirmières, qu'ils avaient été victimes de racisme, qu'un chirurgien leur avait crié dessus et qu'on leur avait dit qu'ils étaient responsables de la mort d'un patient. À lire aussi: Résidents épuisés: stratégies de prévention de la fatigue pour des soins plus sécuritaires «Ce qui est vraiment important de comprendre, c'est que les mauvais traitements peuvent être intentionnels ou non, mais qu’il s'agit toujours de mauvais traitements», a déclaré la Dre Christina Grant, professeure de pédiatrie et responsable du bureau de l'environnement d'apprentissage et des mauvais traitements à l'Université McMaster. Lors d'une récente présentation à la conférence de la Société de la médecine rurale du Canada, les docteures Grant et Bell ont défini ce qui constitue un mauvais traitement envers les résidents et étudiants - un comportement irrespectueux ou non professionnel qui a un effet négatif sur l'environnement d'apprentissage - et ont décrit les cinq principales catégories de mauvais traitements: général, physique, fondé sur la race ou l'origine culturelle, fondé sur l'orientation sexuelle et le genre, et fondé sur le handicap de l'apprenant. «Les mauvais traitements d'ordre général, comme le fait d'être humilié pendant les visites ou au cours d'une conversation, constituent la catégorie la plus fréquente, a précisé la Dre Grant. Vient ensuite la maltraitance sexuelle, qui peut prendre la forme de commentaires sexuels vraiment inappropriés.» Comprendre ces concepts peut aider les apprenants et les éducateurs à identifier si et quand la maltraitance se produit et à prendre des mesures pour remédier au problème, a-t-elle ajouté. Un exemple de comportement qui pourrait être décrit par un apprenant comme de la maltraitance, mais être considéré par un éducateur comme un simple moment d'enseignement, est lorsqu’une décision prise par un étudiant ou un résident est contestée de manière agressive, ou même moquée, devant d'autres personnes. «Il existe une vaste zone grise de comportements qui peuvent être improductifs ou peu encourageants, mais qui ne sont pas nécessairement considérés comme de la maltraitance, a déclaré la Dre Bell. Je pense donc qu'il est très important de pouvoir en discuter ouvertement.» Bien que les étudiants et les médecins résidents puissent être confrontés à des types de mauvais traitements similaires, les conséquences pour chaque groupe peuvent être quelque peu différentes. «Je pense que les étudiants sont particulièrement vulnérables parce qu'ils pensent aux places en résidence et ne veulent pas risquer leurs chances d’affectations», a suggéré la Dre Bell. À lire aussi: Sondage: la santé mentale des étudiants en médecine est préoccupante En comparaison, les médecins résidents sont des employés rémunérés - avec des obligations et des droits contractuels - dont la présence est «vraiment importante pour la prestation des soins de santé». Néanmoins, les médecins résidents sont également dans une position vulnérable parce qu'ils sont à un stade où ils doivent trouver des emplois et établir des relations professionnelles. Selon la Dre Bell, «Les médecins résidents pensent à leurs futurs emplois et collègues, et des possibles conséquences s'ils abordent un sujet avec quelqu'un qui pourrait faire partie d'un comité d'embauche ou d'un service où ils veulent travailler à l'avenir. C'est particulièrement difficile pour ceux qui travaillent dans des disciplines plus nichées, où les nouvelles circulent rapidement et où un médecin résident peut s'inquiéter de l'impact d'une plainte sur sa réputation.» Si les signalements des mauvais traitements infligés aux apprenants commencent à s'améliorer, cela se fait «très lentement». Par conséquent, au-delà des enquêtes, il est difficile d'obtenir une image plus complète du problème et de sa prévalence, a commenté la Dre Grant. Elle a exhorté les médecins résidents et les étudiants à prendre le temps et la peine de signaler les mauvais traitements qu'ils ont subis ou dont ils ont été témoins. «La première chose qu'un étudiant ou un résident doit faire s'il est victime de mauvais traitements est de prendre soin de lui-même - il doit demander de l'aide, a plaidé la Dre Grant. Dans toutes les universités au Canada, il existe des bureaux d'aide aux médecins résidents et aux étudiants bien établis, auxquels les apprenants peuvent s'adresser pour avoir une conversation confidentielle et obtenir du soutien, parce que c'est la première chose à faire.» Même si les apprenants ne sont pas sûrs de vouloir signaler les mauvais traitements, il est bon de documenter leur expérience avec le plus de détails possible, idéalement juste après l'incident. Un bon moyen pour les apprenants de consigner un incident et d’en sauvegarder l’heure est de s'envoyer un courriel et d'organiser ces messages dans un dossier numérique, a proposé la Dre Grant. «Renseignez-vous ensuite auprès de votre bureau d’aide ou de soutien aux médecins résidents ou aux étudiantes, pour savoir s'il existe un bureau d’intervention contre les mauvais traitements, ajoute-t-elle. Vous devriez également poser des questions sur les politiques de confidentialité du bureau de lutte contre les mauvais traitements, sur les possibilités qui s'offrent à vous dans votre situation particulière et sur la procédure de traitement des plaintes pour mauvais traitements.» De leur côté, les établissements d'enseignement et les hôpitaux doivent être clairs sur leurs politiques et leurs procédures, et faire preuve de diligence dans le suivi. Selon la Dre Grant, il est essentiel de reconnaître les graves conséquences psychologiques des mauvais traitements. À lire aussi: On n'apprend pas tout en résidence: les médecins de famille en début de carrière soulignent leurs lacunes en matière de connaissances «À McMaster, nous adoptons une approche fondée sur les traumatismes parce que nous reconnaissons que beaucoup de ces expériences sont traumatisantes et vraiment bouleversantes, a-t-elle affirmé. Nous voulons suivre la personne qui a vécu ce traumatisme, lui donner les informations et le contrôle qu'elle souhaite, et lui faire savoir que nous ne ferons rien qu'elle ne souhaite pas.» Selon la Dre Bell, il est important que les facultés et les hôpitaux veillent à ce que les apprenants sachent que des mesures concrètes sont prises pour traiter et résoudre leur plainte. D'un point de vue plus général, il est important que tous les apprenants - même ceux qui n'ont jamais été maltraités - sachent que les plaintes contre les éducateurs et les superviseurs sont prises au sérieux et que les contrevenants seront tenus pour responsables. L'un des moyens d'y parvenir a été présenté en mars 2019 dans une déclaration de position de la Fédération des étudiants et des étudiantes en médecine du Canada, qui énonçait six recommandations à l'intention des facultés de médecine, dont la publication de statistiques dépersonnalisées sur les résultats et l'efficacité des politiques de lutte contre les mauvais traitements, y compris la façon dont les cas sont résolus. «Les conséquences de la maltraitance sont énormes, c'est pourquoi il faut s'y attaquer depuis différentes perspectives, à tous les niveaux, a soutenu la Dre Bell. Pour l'apprenant individuel, il y a des conséquences psychologiques et parfois physiques, et il est certain que son choix de discipline peut aussi être affecté par son expérience. Mais nous constatons également un impact négatif sur les soins aux patients et sur le système de santé. Tout cela est bien triste.» Les éducateurs et les superviseurs qui, intentionnellement ou non, maltraitent les apprenants peuvent également ressentir les effets négatifs de leurs actions, peut-être sous la forme d'une insatisfaction professionnelle et de mauvaises relations avec leurs résidents et leurs collègues. «Il ne s'agit donc pas seulement d'un problème individuel, mais d'un problème qui affecte l'ensemble du système - il ne fonctionne tout simplement pas aussi bien lorsque les apprenants sont maltraités de cette manière et qu'ils entrent dans le système complètement brisés, a regretté la Dre Bell. Je me réjouis que nous en parlions».

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