Bataille de chiffres entre Christian Dubé, son entourage et la FMOQ

Cette question cristallise le débat depuis l’annonce du non-renouvellement de l’entente n° 368 visant à accroître l’accès à l’offre de services en première ligne et l’interdisciplinarité. Dans les travées de l’Assemblée nationale, en entrevues comme sur le réseau social X (feu Twitter), le ministre de la Santé Christian Dubé explique qu’il ne veut pas mettre fin à cette entente, mais qu’il veut la renégocier dans le cadre de l’entente globale sur la rémunération des médecins de famille, actuellement en discussion avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).Avant de s’entendre avec cette dernière, le ministre indique qu’il veut prendre connaissance des données sur les rendez-vous offerts par les médecins de famille; données auxquelles il aura accès début mai grâce à l’entrée en vigueur du règlement d’application du projet de loi 11. «Les dollars ont été donnés. Mais est-ce que les rendez-vous additionnels ont été pris? C’est ça que je veux vérifier», a déclaré jeudi Christian Dubé en mêlée de presse. En attendant, son entourage a laissé filtrer des chiffres qui montreraient que les omnipraticiens n’ont pas atteint les objectifs fixés.Conclue en mai 2022, l’entente n° 368 a institué le guichet d’accès à la première ligne, le fameux GAP, et elle a donné la possibilité aux GMF d’inscrire collectivement des patients. En contrepartie d’un forfait annuel de 120$ par patient, les groupes de médecins devaient offrir un rendez-vous par an à ces patients-là.Selon des «sources gouvernementales» relayées par les médias, la moitié des 910 000 patients inscrits auprès d’un GMF n’auraient pas obtenu de rendez-vous médical dans les deux dernières années. De son côté, la FMOQ rétorque que cette donnée est trompeuse et qu’elle ne constitue pas un indicateur fiable de l’accès aux médecins. Dans un courriel transmis à ProfessionSanté.ca, la Fédération affirme ainsi que «970 000 plages de rendez-vous ont été rendues disponibles» au cours de la dernière année et que celles-ci sont directement gérées par le GAP qui peut les attribuer à des patients orphelins comme à des patients inscrits collectivement. Ainsi, «un nombre considérable de (patients orphelins) ont pu être envoyés dans ces plages par le GAP avec la collaboration des médecins de famille», écrit-elle.La faute au GAPDe plus, elle souligne que «pendant plusieurs mois, le GAP ne voyait pas où était inscrit l’usager» et comme c’est le GAP qui lui attribue un rendez-vous dans son secteur, cet usager «a pu être vu dans un autre GMF que celui où il est inscrit collectivement», rapporte la Fédération en signalant qu’elle a «décrié cette situation à plusieurs reprises lors des comités de suivi» avec les représentants du ministère de la Santé. La FMOQ précise également qu’un patient inscrit collectivement doit passer par le GAP pour obtenir un rendez-vous médical. Si le patient appelle directement le GMF et qu’un médecin le voit, «ça ne sera pas comptabilisé comme une plage offerte dans le cadre de l’entente». Idem si ce patient doit être revu pour le suivi de sa condition, le GMF peut prendre lui-même le rendez-vous, mais celui-ci ne sera pas non plus comptabilisé. Ces mêmes «sources gouvernementales» ont indiqué aux médias que le ministre de la Santé veut aussi évaluer si des plages de rendez-vous ne seraient pas ouvertes à la dernière minute, en fin de journée, dans l’unique but de respecter les termes de l’entente, mais sans que les patients puissent en bénéficier.La Fédération réplique à ces insinuations en indiquant que 97,6% des 970 000 plages de rendez-vous offertes par les médecins de famille ont donné lieu à des consultations. «Et le 2% restant est sûrement davantage la responsabilité du GAP, incapable de remplir les rendez-vous que des médecins!» La FMOQ martèle ainsi que «ce sont les guichets qui donnent les rendez-vous. S’ils n’ont pas donné de rendez-vous aux patients, c’est la responsabilité du gouvernement! Et s’ils ont donné des rendez-vous dans un autre milieu de soins — dans une autre clinique par exemple que là où le patient était inscrit, ce que le GAP faisait malgré nos voyants rouges —, c’est nullement la faute des médecins qui, eux, ont respecté leur contrat en rendant disponible un million de rendez-vous.» Qui dit vrai, qui dit faux? Difficile de trancher. Comme le disait le mathématicien et écrivain français Didier Hallépée: «Les chiffres sont comme les gens. Si on les torture assez, on peut leur faire dire n’importe quoi.»

Bataille de chiffres entre Christian Dubé, son entourage et la FMOQ

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes