Autosurveillance glycémique - Les résultats des mesures de la glycémie sont cruciaux, mais l’éducation du patient reste la clé

Les cinq dernières années ont été quelque peu déroutantes tant chez les diabétiques que chez les professionnels de la santé qui en prennent soin: le coût-bénéfice de l’autosurveillance glycémique (ASG) fait l’objet d’un important débat depuis 2009.Pour les personnes qui utilisent l’ASG pour maîtriser leur diabète, la question de son utilité ne se pose même plus. Plusieurs comparent le fait de ne pas surveiller sa glycémie au fait de conduire une automobile sans compteur de vitesse. Les professionnels de la santé qui travaillent avec les diabétiques peuvent également vous parler des bénéfices des tests par rapport à l’absence de tests, surtout lorsqu’ils sont intégrés à d’autres secteurs éducatifs d’autogestion. Alors, où se situe la confusion ?L’Association canadienne du diabète (ACD) fournit des conseils et du leadership dans la gestion du diabète par la publication de lignes directrices cliniques fondées sur les données probantes. Ces lignes directrices sont émises tous les cinq ans et la plus récente édition remonte à 20131. Malheureusement, les recommandations relatives à la fréquence de l’ASG ne sont pas basées sur une preuve solide et elles sont considérées comme vagues lorsqu’on tente de les intégrer à la pratique clinique2. Les recommandations doivent refléter la preuve, laquelle est très faible, surtout dans le domaine du diabète de type 2 qui n’est pas traité par l’insuline. L’orientation la plus appropriée se trouve probablement au chapitre sur la surveillance de la maîtrise glycémique :> L’ASG ne doit pas être vue comme une intervention, mais plutôt comme une aide à évaluer des interventions et l’hypoglycémie.> Le moment et la fréquence de l’ASG devraient être déterminés individuellement et basés sur le type de diabète, le traitement prescrit, le besoin d’information sur les taux de glucose sanguin et la capacité individuelle d’utiliser l’information à partir des tests afin de modifier des comportements ou d’ajuster la médication.> L’ASG et la surveillance continue du glucose devraient être reliées à un programme éducationnel et thérapeutique structuré, conçu pour faciliter les changements de comportement afin d’améliorer les taux de glucose sanguin.Les recommandations ont fait l’objet d’un examen approfondi depuis les lignes directrices de l’ACD de 2008, suivies d’une revue de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) sur une littérature similaire, incluant une étude d’analyse de coûts3. L’ACMTS et l’ACD sont arrivées à des conclusions semblables en ce qui a trait à la preuve, de même que sur l’endroit et le moment où la surveillance du glucose sanguin est efficace. L’ACD ne prend pas en considération le coût. Lorsque l’ACMTS a soulevé cette question, des organismes de financement gouvernementaux se sont intéressés au coût et à l’efficacité de la surveillance du glucose sanguin et le débat s’est intensifié.Diabète de type 1 ou de type 2 Il est important d’envisager les exigences de l’ASG pour les diabétiques de type 1 séparément de ceux de type 2. Le diabète de type 1 exige une prise en charge intensive par l’insuline afin de maîtriser la glycémie et de prévenir l’hypoglycémie. Les personnes aux prises avec le diabète de type 1 apprennent dès le diagnostic comment calculer les glucides, associer l’insuline avec la nourriture, corriger les taux de glucose sanguin trop élevés et ajuster leurs activités. Rien de tout cela ne serait possible sans l’ASG qui fournit de l’information essentielle concernant les doses d’insuline. Pour ces personnes qui vivent avec le diabète de type 1, il est recommandé de surveiller leur glucose sanguin aussi souvent qu’elles s’administrent de l’insuline. L’ASG est également impérative pour la prévention de l’hypoglycémie.Avec le diabète de type 2, nous devons considérer la durée de la maladie, le traitement en cours, les taux ciblés de glucose sanguin et le risque d’hypoglycémie. Par exemple, la preuve la plus solide des bénéfices de l’ASG chez les diabétiques de type 2 réside chez les personnes nouvellement diagnostiquées (dans les six mois). Une réduction de l’A1C a été observée dans cette population4. Pour le traitement du diabète, chez ceux qui utilisent l’insuline plus d’une fois par jour, la recommandation est la même que pour le diabète de type 1 et pour les mêmes raisons.Médicaments par voie orale Chez les diabétiques de type 2 sous médication par voie orale, on doit individualiser les recommandations des tests. Il est important de considérer l’intégration d’un mode de vie sain et les cibles de traitement lorsqu’on établit un modèle de tests. Par exemple, la priorité devrait être de réduire la consommation d’hydrates de carbone aux repas afin d’améliorer les taux de glucose postprandiaux; ainsi les tests pré et postprandiaux seraient appropriés. Chez les patients sous médication avec un risque accru d’hypoglycémie, il est important de faire les tests de glucose sanguin au moment où ce risque est accru et toujours avant de conduire un véhicule motorisé.Afin d’apporter quelque éclaircissement autour de l’utilisation des bandelettes de test glycémique chez ces patients, un comité d’experts de l’ACD a produit en 2011 un document d’instructions pour aider à clarifier les besoins cliniques par rapport à la preuve dans l’utilisation de l’ASG et pour recommander un nombre minimum mensuel de bandelettes de test qui devrait être remboursé par les formulaires provinciaux5. Conjointement, un outil d’ASG a été conçu afin d’aider les professionnels de la santé à comprendre la fréquence des tests pour diverses stratégies de traitement6.En outre, l’ACD a récemment lancé un outil d’ASG interactif pour les professionnels de la santé7. La création d’un profil de patient fournit des recommandations sur la fréquence des tests (par jour ou par semaine), de même qu’elle suggère des modèles de tests selon les cibles du patient. Les modèles sont téléchargeables en format PDF et facilitent les échanges sur les tests appropriés, tout en fournissant de la formation sur la façon dont les tests contribuent au plan de traitement du patient. L’ACD a également lancé une version du même outil pour le patient8.Les obstacles à l’ASG En dépit des preuves, de la controverse, des technologies et des questions financières, l’ASG demeure une part importante de la gestion globale du diabète pour plusieurs diabétiques. Les obstacles à une utilisation optimale des tests sont de trois ordres : ils peuvent provenir des patients, des fournisseurs ou du système.D’abord et avant tout, les patients doivent être initiés à l’importance de « connaître le sens de la surveillance ». Il est essentiel qu’ils comprennent que le test en lui-même ne changera pas leurs taux de glucose sanguin. En combinant les tests avec des choix alimentaires sains et de l’exercice physique, en comprenant l’influence de la maladie ou du stress et l’action de leur médication, les patients peuvent devenir des autogestionnaires efficaces. Ils utiliseront leurs résultats de mesure de la glycémie pour ajuster leur mode de vie, autoajuster leur médication si nécessaire, augmenter ou réduire leurs activités, et savoir quand se rendre chez un professionnel de la santé pour du soutien.Une étude récente a montré que lorsqu’une formation similaire était donnée à des professionnels de la santé à l’aide d’un algorithme d’ajustement de traitement, ceux-ci arrivaient beaucoup plus facilement à apporter des changements précoces et significatifs à la thérapie, entraînant par le fait même une amélioration de la maîtrise glycémique9.La reconnaissance d’un modèle exige une approche systématique afin d’obtenir l’information nécessaire et de donner la recommandation adéquate. Demander aux patients d’effectuer un test dans un modèle spécifique afin d’atteindre les cibles du traitement, par exemple avant le coucher et à jeun, pour déterminer l’effet de l’insuline au coucher peut aider le professionnel de la santé à obtenir les données nécessaires sans qu’il y ait surcharge d’information.Des journaux surchargés, désorganisés et incomplets peuvent occasionner de la frustration et, malheureusement, un désengagement du professionnel de la santé vis-à-vis de l’ASG. Ce dernier devrait utiliser l’ASG conjointement avec les taux d’A1C afin de déterminer la maîtrise globale du glucose sanguin. Ce ne sont pas tous les taux d’A1C qui sont considérés comme égaux et, pour certains, un bon A1C est obtenu au prix de fréquents hauts et bas, qui peuvent être indétectables sans ASG.Nous devrions tous travailler en collaboration pour nous assurer que les recommandations des tests sont raisonnables, que les résultats de l’ASG sont utilisés comme ils le devraient et que nous donnons une formation appropriée au patient et au professionnel de la santé afin que les tests aient une place utile.ConclusionUn dernier point : pour qui les patients font-ils des tests ? Honnêtement, il est possible qu’ils ne soient pas capables de faire les tests pour eux-mêmes ni d’utiliser l’information de façon appropriée, mais il est acceptable de demander au patient de faire les tests pour nous, afin de mettre en place des modèles qui apporteraient des changements sécuritaires et efficaces au traitement. Il est quasi impossible d’ajuster l’insuline sans connaître les taux de glucose sanguin. Un plan pour les repas et des tests avant et après les repas aideront le patient à constater les bénéfices du changement. Enfin, tous les patients devraient recevoir de l’information sur la prévention de l’hypoglycémie, sa détection et son traitement. Une utilisation efficace de l’ASG peut aider à la prévention et à la prédiction de l’hypoglycémie et devrait être encouragée chez tous ceux à risque.1. Association canadienne du diabète. Clinical Practice Guidelines Expert Committee. Canadian Diabetes Association 2013. Clinical Practice Guidelines for the Prevention and Management of Diabetes in Canada. Can J Diabetes 2013 Apr;37(Suppl 1):S1-S212.2. Berard LD et coll. Canadian Diabetes Association 2013. Clinical Practice Guidelines for the Prevention and Management of Diabetes in Canada: Monitoring glycemic control. Can J Diabetes 2013 Apr;37(Suppl 1):S35-S39.3. Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé. Examen méthodique de l’utilisation des bandelettes de test glycémique pour la prise en charge du diabète sucré. www.cadth.ca/fr/products/cadth-overviews/vol-1-issue-2/vol-1-issue-1-01.4. Malanda UL et coll. Self-monitoring of blood glucose in patients with type 2 diabetes mellitus who are not using insulin. Cochrane Database Syst Rev. 2012 Jan 18.5. Diabetes.ca/getmedia/ab93def3-6da4-4b1e-92af-8e026635de11/ self-monitoring-of-blood-glucose-briefing-english.pdf.aspx (bit.ly/1t2OUpt)6. Guidelines.diabetes.ca/BloodGlucose Lowering/SMBGRecommendationSheet7. Guidelines.diabetes.ca/bloodglucose lowering/smbgtool8. Guidelines.diabetes.ca/BloodGlucose Lowering/smbgcalculatorpwd9. Polonsky WH et coll. Structured self-monitoring of blood glucose significantly reduces A1C levels in poorly controlled noninsulin-treated type 2 diabetes: results from the Structured Testing Program study. Diabetes Care 2011 Feb;34(2):262-7.

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