Après 30 ans de pratique en pharmacie, voici six choses dont je suis sûr

Ce printemps a marqué une étape importante. Cela fait maintenant 30 ans que je travaille à la pharmacie de Baddeck, en Nouvelle-Écosse. J'ai commencé à y travailler alors que j'étais fraîchement diplômé de la faculté de pharmacie de l'Université Dalhousie, en 1993. Depuis, la profession a beaucoup évolué. Par exemple, à l'époque, il n'y avait pas vraiment d'Internet dans les pharmacies. Je me souviens que quelqu'un nous a appelés pour nous demander si nous avions une adresse électronique, ce qui a suscité de nombreux haussements d'épaules. Depuis, l'Internet est pourtant devenu essentiel à notre travail au quotidien. Il y a eu de nombreux autres développements importants au cours des trois dernières décennies, trop pour que je m'en souvienne. Mais voici six choses que j'ai apprises et qui m'aident à prendre des décisions en officine. Je suis sûr que, quel que soit votre niveau d’expérience, vous avez vous aussi votre propre liste. Les probiotiques ont connu un parcours semé d’embûches Si vous êtes comme moi, pendant la majeure partie de votre carrière de pharmacien, vous avez été en faveur des probiotiques, tout en espérant qu'ils s'avèrent efficaces. Il appert qu'une grande partie du mystère de leur efficacité est simplement dû au manque de spécificité des allégations. Compte tenu qu'il existe des centaines de souches probiotiques, il n'est pas surprenant d’apprendre qu’un problème médical puisse être résolu par une seule souche spécifique. Imaginez qu'une personne entende dire que certains médicaments délivrés sur ordonnance sont bons pour faire baisser la tension artérielle. Cette personne se rend ensuite dans votre pharmacie et prend au hasard un flacon de médicament délivré sur ordonnance dans l'espoir de faire baisser sa tension artérielle. Il s'avère qu'elle a pris un médicament contre la goutte et sa tension artérielle n'a pas changé. Elle en conclut que les médicaments sur ordonnance n'ont aucun effet sur la tension artérielle. C'est exactement de cette manière que l'étude est souvent rapportée au grand public. Par exemple, les probiotiques sont nommés par genre et par espèce, par sous-espèce et par désignation de la souche, comme Bifidobacterium animalis lactis DN-173 010. Certaines études négatives utilisant un probiotique à base de Bifidobacterium et donnant un résultat négatif pourraient conclure que Bifidobacterium n'est d'aucune utilité pour un problème médical donné. Les médias s'en font l'écho et nous entendons alors le public dire, par exemple, que les probiotiques ne sont pas efficaces contre la diarrhée du voyageur... À lire aussi: Notre microbiote intestinal exerce-t-il vraiment une influence sur notre santé et notre espérance de vie? Ma référence préférée dans ce domaine est le site AEProbio.com, dirigé par ma collègue pharmacienne Dragana Skokovic-Sunjic. Il s'agit d'une référence étonnante fondée sur des données probantes que nous pouvons tous utiliser et qui montre les produits approuvés par Santé Canada et le niveau de preuve pour de nombreux problèmes médicaux concernant divers probiotiques disponibles au Canada et aux États-Unis. C'est devenu un sujet si passionnant qu'il fera l'objet de mon nouveau livre, Gut Logic (qui fait suite à Healthy Logic). Lindsay Dixon a réalisé une merveilleuse interview de Dragana sur ce sujet, que l'on peut trouver sur YouTube. 2. L'efficacité des œstrogènes vaginaux pour les infections urinaires L'un des sujets que je vous invite à explorer est l'innocuité des œstrogènes vaginaux pour la prévention des infections urinaires récurrentes. Depuis la sortie de l'étude Women's Health Initiative, la poussière a commencé à retomber chez les prescripteurs et les autres acteurs des soins de santé. Du jour au lendemain, nous avons assisté à l'abandon des prescriptions les plus vendues à l'époque, à savoir le traitement hormonal de la ménopause. Les interprétations malheureuses de cette étude (concernant l'utilisation du THS et le cancer du sein, ainsi que le bienfondé de commencer ce type de traitement) et la façon dont elle a été rapportée par les médias ont fait en sorte que de nombreuses femmes ont eu à endurer les symptômes de la ménopause sans aucun soulagement pendant plusieurs années. Des thérapies alternatives, jugées plus sûres par la communauté médicale, comme les antidépresseurs, ont été utilisées à la place. Mais les patientes se sont quand même demandé ce qui n'allait pas chez elles pour se faire prescrire ce traitement qui n'avait pas été beaucoup utilisé auparavant. Le fait de prendre un antidépresseur s'accompagne d'un bagage et d'une stigmatisation malheureux et cela nous a pris du temps à expliquer. Heureusement, nous commençons à voir les prescripteurs revenir à la thérapie hormonale pour les symptômes de la ménopause afin de rendre la vie de ces patientes plus supportable. À lire aussi: Ménopause sévère: l'hormonothérapie devrait être offerte plus souvent selon une étude Pour en revenir à mon sujet initial, l'utilité des œstrogènes pour la prévention des infections urinaires, d'éminents spécialistes nous rappellent aujourd'hui qu'il s'agit d'une option sûre pour les personnes souffrant d'infections urinaires récurrentes, car l'intégrité des tissus des voies urinaires se modifiant avec la ménopause, cela rend certaines personnes plus sujettes à ce problème. Ashley Winter MD, urologue très populaire sur Twitter, a fait la promotion de ce traitement à plusieurs reprises et est même allée jusqu'à suggérer que l'œstrogène soit disponible en vente libre en tant que traitement préventif des infections urinaires. 3. L'inutilité de l'homéopathie Je me souviens que, dans les années 90, l'homéopathie a été introduite dans la pharmacie où je travaille. À l'époque, le propriétaire et moi-même avons discuté de la manière dont ce traitement étrange pouvait fonctionner, mais nous l'avons accepté pour deux raisons: son acceptation par le public et le dévouement de l'entreprise qui le vendait. Nous avons consacré à ces produits une section entière dans l'allée des produits en vente libre du magasin. Au fil des ans, ces produits sont devenus partie intégrante de notre gamme de produits. Même après que j'ai racheté la pharmacie en 2001, ils sont restés la référence pour ceux qui ne pouvaient pas prendre d'autres produits en raison d'interactions, ou qui voulaient simplement être sûrs de ne pas souffrir d'effets secondaires. Ce n'est qu'en 2018 que j'ai finalement réalisé que je vivais le cauchemar de tout pharmacien après avoir commis une erreur de distribution: nous vendions des traitements de charlatan à un public qui compte sur nous pour obtenir des recommandations. Sans entrer dans les détails de la nocivité de l'homéopathie (même si celle-ci ne contient rien), j'ai fini par m'excuser publiquement auprès des patients dont j'avais reçu de l'argent pour un produit qui ne contenait essentiellement rien d'autre que de l'eau, de l'alcool ou du sucre dans un emballage fantaisiste et qui promettait de résoudre un problème médical et pour lequel ils avaient pris le temps de venir spécifiquement dans ma pharmacie car j'étais un professionnel de la santé digne de confiance. 4. Le pouvoir des médias pour vous promouvoir et promouvoir la profession Il existe de nombreuses formes de médias à votre disposition pour promouvoir non seulement votre profession (ce qui est votre devoir en tant que pharmacien), mais aussi votre marque personnelle. Dans chaque pharmacie, il y a un ou plusieurs clients qui demandent expressément à un pharmacien particulier de répondre à leurs questions. Parfois, c'est en raison des services répétés de ce pharmacien dans le cadre d'un échange individuel, ou peut-être parce qu'ils ont vu ce pharmacien sous une autre facette. Peut-être savent-ils que ce pharmacien contribue bénévolement à la vie de leur communauté, ou qu'il est propriétaire d'une entreprise qui fait un don à une cause locale. Le pharmacien peut être connu en ligne grâce à Twitter, Facebook, YouTube ou LinkedIn. Peut-être que le site web de sa propre officine éduque continuellement le public. À lire aussi: Les pharmaciens remplaçants Ne sous-estimez pas non plus l'intérêt de devenir l'expert attitré d'un ou deux journalistes lorsque des questions relatives à la pharmacie se posent. Cela sera bénéfique à la fois pour vous et pour le journaliste, au point que les gens vous rechercheront en tant que source de confiance. Votre image de marque évoluera et deviendra une plateforme pour promouvoir votre passion. Si vous n'avez pas l'habitude de vous adresser aux médias, faites-vous accompagner. Il y a beaucoup à apprendre sur la façon d'être un éducateur efficace par la voix d'un journaliste, mais cela en vaut la peine. Et le fait d'être diffusé en direct comme à la radio vous donne l'avantage, dans la mesure où vos propos sont transmis, sans avoir été édités ou raccourcis. 5. Les nombreux avantages de se faire publier Avoir son nom sur une étude publiée à propos d'un sujet qui vous passionne est une carte de visite qui ne cesse de porter fruit. Il n'y a rien de tel pour promouvoir la profession que de voir un pharmacien ou un technicien en pharmacie mettre la main à la pâte – en réalisant une étude qui prouve la valeur de son travail ou en écrivant un livre sur un sujet qu'il estime «maîtriser». Une étude peut être relativement simple avec un peu de contribution de votre part et quelques données. Laissez les experts se charger du travail de fond. En tant que scientifiques, nous savons ce qui fait qu'une étude est bonne ou mauvaise, mais la mise en place, la conception et le financement d'une étude nécessitent l'intervention d'un expert dont c'est le métier. Renseignez-vous auprès de votre université locale et voyez ce qu'elle peut vous offrir pour vous aider à planifier une étude. Elles sont expertes dans l'obtention de financement pour leurs propres étudiants pour des études et elles ont les scientifiques qui possèdent l'expertise. Le sujet peut être quelque chose avec laquelle vous avez une expérience de longue date, comme les soins palliatifs, les coûts des soins de santé ou ou la manière de gérer les erreurs. Les sujets sont vraiment infinis. Utilisez l'étude pour promouvoir ce que vous faites dans les médias, via vos réseaux sociaux et auprès de vos clients. À lire aussi: Que signifie être une pharmacie accueillante pour les 2SLGBTQI+? Écrire un livre sur un sujet qui vous passionne est l'une des choses les plus gratifiantes que vous puissiez faire. Une fois publié, votre livre est une publicité continue de votre marque personnelle. Faire partie d'une équipe de pharmaciens et être associé à une bannière de pharmacie, c'est important, mais soyons honnêtes, lorsqu'un client vient pour vous spécifiquement, c'est en raison de VOTRE réputation de professionnel de la santé respecté et bien informé, peu importe où vous travaillez. Un livre est comme une version miniature de vous, qui se présente là où quelqu'un l'ouvre. Les portes que cela ouvrira pour renforcer votre marque sont illimitées. La reconnaissance par les pairs est également utile lorsque quelqu'un a besoin d'une recommandation. Commencez par prendre contact avec quelqu'un qui est déjà passé par le processus et envisagez sérieusement de vous lancer! 6. Le continuum de la force pour protéger l'humanité S'il y a une chose que la Covid nous a apprise (et il y a beaucoup à décortiquer ici), c'est que nous pensions à tort connaître les gens. Ce client que nous avons vu chaque semaine pendant des années s'est soudain présenté sous un jour différent lorsqu'il a été contraint de choisir entre la science et ses convictions personnelles. J'ai maintenu l'obligation de porter le masque dans ma pharmacie jusqu'au printemps dernier. J'ai finalement décidé d'abandonner, non pas parce que je pensais que les masques n'étaient plus nécessaires, mais parce que je ne pouvais tout simplement pas faire subir à mon personnel les agressions verbales fortuites, bien que rares, de la part des clients. Ne vous méprenez pas. Jusqu'à ma mort, je serai éternellement reconnaissant envers les habitants de Baddeck et des environs d'avoir simplement mis le masque que nous leur fournissions gratuitement à la caisse. Même si je sais que certains ne voulaient vraiment pas le porter et qu'ils avaient peut-être eu des discussions contre le port du masque à l'extérieur du magasin, ils se sont pliés à cette obligation. Le respect qu'ils m'ont témoigné m'a rendu humble. J'espère que cela reflète leur reconnaissance envers la décision d'un pharmacien de maintenir cette mesure sanitaire, contrairement à la plupart des autres établissements qui ont levé l'obligation dès que le gouvernement les y a autorisés. Le fait que cette décision ait été prise au moment où l'on s'attendait à un afflux de personnes provenant du monde entier au cours de l'été n'était pas une coïncidence. La quantité d'efforts que l'individu moyen est prêt à fournir pour protéger les autres est vraiment très variable et il a fallu une épidémie mondiale pour nous montrer où chacun se situait finalement sur ce continuum. Cela devrait également souligner l'importance du rôle du pharmacien et du technicien en pharmacie en tant que sources d'informations fiables. À ce stade, je suis d'accord pour dire que nous n'avons plus à débattre avec qui que ce soit des théories du complot auxquelles ils peuvent souscrire, mais nous devrions être une source constante d'informations exactes qui s'éloigne des croyances personnelles et se rapproche des faits scientifiques. Il était difficile de voir des professionnels de la santé soit-disant réputés aller publiquement à l'encontre de la science, rendant encore plus difficile la capacité du public à comprendre ce qui se passait.

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