Appareils d'aide à la motricité: la pertinence de certains actes médicaux mise en doute par la VG

Dans son rapport pour l'année 2021-2022, la Vérificatrice générale (VG) du Québec, Guylaine Leclerc, se questionne sur la pertinence de recourir systématiquement aux médecins pour la fourniture d’appareils suppléant à une déficience physique aux patients. En effet, les demandes de consultation non essentielles auprès de médecins spécialistes pour obtenir une aide à la motricité contribuent à faire augmenter les coûts pour le système de santé et à allonger inutilement les listes d’attente dans certaines spécialités comme l’orthopédie et la physiatrie, soulève-t-elle. Considérant que la demande pour ces équipements ira en augmentant avec le vieillissement de la population, la VG consacre tout un chapitre à ce sujet. Les résultats d'un audit soulignent le parcours du combattant auxquels les patients doivent se livrer depuis longtemps pour obtenir ces appareils d'aide à la mobilité (orthèse, prothèse, aide à la marche, fauteuil roulant, notamment). On note aussi la lourdeur des pratiques administratives et des exigences actuelles qui contribuent à prolonger les délais et font augmenter les coûts; notamment en raison de la rémunération plus élevée des médecins en dépit d'une faible valeur ajoutée pour les patients. Processus lourd et complexe Actuellement, le processus pour obtenir une aide à la motricité est lourd et complexe et ne favorise pas l’accès à ces équipements lorsque les patients en ont besoin, constate Guylaine Leclerc. Un délai inutilement prolongé du processus d’attribution peut affecter la condition de certaines personnes, ce qui pourrait du même coup augmenter leurs besoins en soins de santé. La limitation du pouvoir des ergothérapeutes et des physiothérapeutes, ainsi que les exigences quant aux ordonnances médicales contribuent aux lourdeurs administratives et à l’augmentation des délais de remise. La plupart du temps, décrit la Vérificatrice générale, c’est un médecin spécialiste qui est sollicité pour délivrer l’ordonnance. C’est lui qui doit donner les autorisations en vue de la première remise d’un appareil. Même scénario pour son remplacement avant la fin de la période minimale d’utilisation exigée si un changement dans l’état de santé de l’usager le nécessite, et pour toute demande de considération spéciale, telle qu’une modification à un équipement pour l’adapter à la morphologie du patient. Les médecins autorisés à rédiger une ordonnance médicale aux fins d’attribution d’une aide à la motricité sont pour la plupart des spécialistes: orthopédistes, rhumatologues, physiatres, neurologues, gériatres, neurochirurgiens, chirurgiens généraux, chirurgiens plastiques, cardiologues et pneumologues. Un omnipraticien titulaire de privilèges spécifiques à cet effet dans un hôpital ou un centre de réadaptation peut aussi le faire. Élargir le pouvoir d’autres professionnels de la santé L’Ordre des ergothérapeutes, l'Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec, ainsi que l’Office des personnes handicapées ont déjà fait valoir la nécessité de simplifier les démarches pour faciliter l’accès à ces équipements et de revoir l’obligation d’obtenir une ordonnance médicale. Cette position fait également consensus auprès des établissements consultés par la Vérificatrice générale. En 2015, le Collège des médecins avait confirmé au MSSS que l’acte de recommander une aide technique devrait être délégué aux ergothérapeutes et aux physiothérapeutes, qui possèdent les compétences requises pour le faire. Le ministère de la Santé a lui-même reconnu le bien-fondé de ces demandes et permis un allègement temporaire en avril 2020, en attendant la révision du règlement. Toutefois, cette mesure provisoire n'englobe pas toutes les situations. La signature d’un médecin spécialiste est toujours requise lors des demandes de considération spéciale et le remplacement d’un appareil en raison d’un changement significatif de l’état de santé de l’usager, s’il est requis à l’intérieur de la période minimale d’utilisation de l’équipement. En outre, l’ergothérapeute ou le physiothérapeute ne peut toujours pas diriger un usager directement vers un médecin spécialiste, sauf si le dossier est déjà connu de ce médecin et que la dernière consultation date de moins d’un an. Sinon, ils doivent d’abord passer par le médecin de famille afin que ce dernier soumette une demande de consultation à un collègue spécialiste, une étape supplémentaire qui contribue à accroître les délais de plusieurs mois et les coûts pour le système de santé. Dans son audit de performance, la Vérificatrice générale adresse plusieurs critiques au MSSS. Elle soulève que ses pratiques administratives et ses exigences règlementaires font monter les coûts d’attribution des appareils, notamment quand s’additionnent les services des ergothérapeutes ou des physiothérapeutes et les consultations auprès d’un médecin de famille et d’un médecin spécialiste, même pour des équipements dont la valeur est peu significative, voire nulle. Guylaine Leclerc invite d’ailleurs l’IPAM à analyser la contribution des médecins spécialistes à la fourniture de ces équipements. Au 30 septembre dernier, aucune mesure de pertinence associée à la motricité et impliquant quelques spécialités n’avait encore été adoptée. Le programme d’appareils suppléant à une déficience physique est entré en vigueur en 1975 et n’a pas fait l’objet d’une révision significative depuis. Il ne tient donc pas compte de l’évolution des pratiques, de la technologie ni des besoins de la population, dit Guylaine Leclerc. Elle ne va pas jusqu’à recommander au Ministère de retirer tout rôle ou toute contribution aux médecins lors de l’attribution de ces équipements ni d’en confier totalement la responsabilité aux ergothérapeutes ou physiothérapeutes, mais l’invite à apporter les correctifs nécessaires pour améliorer le processus et mieux répondre aux besoins des usagers.

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