Anne-Julie Bernard: «Le Parlement jeunesse m'a donné le courage d'oser aller en pharmacie»

À seulement 24 ans, Anne-Julie Bernard est une touche-à-tout hyperactive. Tout juste diplômée de pharmacothérapie avancée à l’Université de Montréal, elle vient aussi de prendre la présidence du Parlement jeunesse du Québec (PJQ) après une année riche au poste de première ministre. Un engagement politique qu’elle s’est découvert il y a plusieurs années déjà, presque par hasard. «J’ai commencé au Parlement à l’âge de 18 ans, avant même de me lancer en pharma, confie Anne-Julie Bernard. J’étais au CEGEP et je ne savais pas trop ce que je voulais faire comme programme universitaire.» Au détour d’un couloir, la jeune étudiante tombe sur une affiche du PJQ. C’est décidé, elle va se lancer. «Ça a été tellement enrichissant! J’ai découvert tant de belles personnes, engagées de manières si différentes. Voir cette pluralité de parcours m’a beaucoup inspirée à continuer d’agir, jusqu’à être première ministre l’année passée.» «Le Parlement m’a permis de sortir de ma zone de confort»Au PJQ, une centaine de membres se réunissent chaque année entre Noël et le Nouvel An pour cinq jours de simulation. Pendant cette plénière qui n’a rien à envier à l’Assemblée nationale du Québec, les projets de loi travaillés et portés pendant l’année sont donc débattus, votés, adoptés ou rejetés. «Tous les participants commencent soit comme député, soit comme journaliste la première année. J’étais députée. Puis, chaque année, on applique pour des postes différents. L’objectif du Parlement est d’apprendre. On n'incarne jamais deux fois le même rôle, car sinon on n’apprend plus.» À lire aussi: Dossier | Les autres vies des soignantsoptions de configuration Ouvertoptions de configuration Ouvertoptions de configuration OuvertAinsi, la jeune femme a tour à tour occupé les postes de porteuse de motion, présidente de commission, ministre et membre du comité exécutif au titre de leader du Parlement. Au cours de ces mandats, elle a élaboré et porté plusieurs projets de loi alors qu’elle n’y connaissait rien quelques mois auparavant. Un projet de loi concernait la mise en place d’une bourse aux déchets, un autre portrait sur le tourisme international durable et un autre encore sur la redéfinition de la nationalisation des études postsecondaires pour permettre à tous les Québécois d’y avoir accès sans aucun frais et selon les besoins de la société. «Mon expérience au Parlement m’a vraiment permis de sortir de ma zone de confort, d’être persévérante et débrouillarde pour aller chercher des informations sur différents canaux», estime Anne-Julie Bernard. «Un participant m’a dit un jour qu’au PJQ, on faisait tous les bacs qu’on n’aurait jamais le temps de faire dans sa vie!» Elle a atteint l’an dernier la plus haute marche du podium, le poste de première ministre de la 74e législature, et est aujourd’hui présidente pour un dernier tour de piste plus calme. «C’est un cadeau qui nous est fait, pour voir une dernière fois les participants et revivre l’expérience de la simulation sans devoir tout organiser.»Conquise par l’interdisciplinarité en milieu hospitalierAu Parlement, l’étudiante n’a pas seulement acquis des compétences professionnelles. Cette expérience lui a aussi permis de développer une valeur qu’elle porte désormais en étendard: l’engagement auprès des autres. Une qualité qui résonne étrangement avec le métier qu’elle a choisi d’exercer. «Le PJQ m’a donné le courage d’oser aller en pharmacie, confie-t-elle. J’ai toujours su que je voulais travailler dans le milieu de la santé, j’aime l’approche des soins auprès des patients, les aider, pouvoir régler concrètement des problèmes.» Anne-Julie Bernard se lance donc en pharmacie à l’âge de 19 ans. «J’ai commencé à travailler en pharmacie communautaire pendant mes études et ça a été un gros coup de coeur, se remémore-t-elle en souriant. Je suis vraiment tombée en amour avec la profession, l’approche des soins, l'accessibilité du pharmacien aussi, le côté pluridisciplinaire de la pratique et les possibilités d'emploi tant au niveau communautaire que de la gestion et du côté politique, en établissement de santé ou en institut pharmaceutique…» À lire aussi: Pharmacien le jour, créateur de jeux le reste du tempsDevant cet océan de possibilités, elle opte pour la pratique en milieu hospitalier – et son interdisciplinarité. «Bien sûr, il y a de la validation d’ordonnances et de la distribution entre autres, mais on peut aussi se spécialiser. Et le fait d’avoir tous les professionnels disponibles au même endroit et au même moment pour apporter le meilleur soin au patient et répondre à un même objectif est formidable! En communautaire, on va recevoir l’ordonnance, mais le médecin, lui, sera ailleurs, avec d’autres patients ou en famille. Cette difficulté de communication existe moins en milieu hospitalier.»Établir un partenariat de soins avec les patientsUne fois sur les rails professionnels, Anne-Julie Bernard a su mobiliser d’autres compétences acquises au Parlement jeunesse du Québec: «Savoir gérer une équipe, être une leader positive pour inspirer ou motiver ses collègues dans le travail, garder un esprit ouvert… C’est ce qu’on appelle des compétences transversales en pharmacie, que le PJQ m’a permis d’acquérir ou de développer. C’est l’expérience qui m’a le plus apporté d’un point de vue personnel.» Surtout, elle a pu construire sa propre idée de la relation de confiance et de dialogue qu’elle souhaitait instaurer avec ses patients. «Tout le monde a un point de vue valide, qui mérite d’être entendu, même si celui-ci va à l’encontre du nôtre, estime-t-elle. Ça vaut la peine de s'asseoir, d'apprendre à écouter et d’être ouvert à l’opinion des autres, car tout n’est pas 100% blanc ou 100% noir. Les études nous apprennent tout cela en théorie, et le PJQ m’a montré comment le mettre en pratique.» Ne pas oublier non plus que les patients sont acteurs de leur santé et qu’ils doivent être impliqués dans le processus de soins. «Si un patient me dit qu’il ne peut ou ne veut pas prendre un médicament, j’écoute ses raisons. Si le ton monte, cela veut sûrement dire qu’il a l’impression de ne pas être écouté. À ce moment-là, il ne faut surtout pas être dans la confrontation. C’est possible d’accompagner le patient, de créer un partenariat de soins avec lui pour qu’on arrive à répondre à ses besoins.» La pharmacie et le politique, des vases communicantsOfficiellement pharmacienne depuis quelques semaines, Anne-Julie Bernard a aujourd’hui une idée un peu plus précise de la professionnelle qu’elle veut être. «Bienveillante et engagée», répond-elle d’un ton assuré. «Je ne sais pas de quelle manière je veux m’engager, car les opportunités sont multiples dans cette profession. Mais je suis convaincue que je serai impliquée pour les patients, pour faire avancer les choses, que ce soit en interne au CHUM ou en politique. On a tous et toutes, en tant que pharmaciens et plus largement professionnels de la santé, un impact sur nos patients. Mais cet impact sera d’autant plus important si on s’engage.» Grâce à ses mandats au PJQ, elle sait que l’engagement peut avoir des conséquences concrètes. «Le Parlement a été précurseur sur plusieurs débats de société, comme l’aide médicale à mourir qui a fait l’objet d’un projet de loi en 2004, ou encore la légalisation de la procréation médicalement assistée.» Selon elle, la pharmacie et la politique sont des vases communicants. «Le PJQ apprend aux jeunes à s’engager, et la pratique pharmaceutique bénéficie de cet engagement, parce qu'on a ensuite envie de s’impliquer au sein de son hôpital, de son officine, de son CIUSSS. S'engager pour faire avancer notre profession autrement.»Elle incite les étudiants et même les professionnels à élargir leurs horizons. «Peu de personnes issues de parcours de santé participent au PJQ, qui est vu comme très politique, réservé aux étudiants en sciences politiques ou en droit. Mais c’est avant tout une expérience humaine qui va nous apporter beaucoup, dans notre vie personnelle comme professionnelle, plaide Anne-Julie Bernard. C’est à mon sens symptomatique d’une société peu ouverte aux expériences diverses, à d’autres manières d’apprendre.» À lire aussi: Joanne Liu, engagée pour la vieSe faire de nouveaux amis aussi, avoir d’autres sujets de conversation, sortir la tête de l'eau quand on sait à quel point les études en santé sont prenantes. Et, au final, reprendre du pouvoir sur sa citoyenneté: «D’un côté, les connaissances des membres sur le système de santé sont bénéfiques aux débats en chambre, explique la pharmacienne. De l’autre, c’est primordial de comprendre l'impact de la politique sur notre travail de tous les jours et d’adopter un point de vue plus critique envers les nouvelles et le système.» Si la dernière année d'Anne-Julie Bernard au PJQ s'annonce plus calme que les précédentes, son parcours professionnel, lui, démarre sur les chapeaux de roues.

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