Affaire Sirzyk: Le Collège des médecins ne souhaite pas assister aux audiences du Comité de déontologie policière

Les médecins qui souhaitaient que le Collège des médecins du Québec assiste, ou mieux encore, participe aux audiences du Comité de déontologie policière qui se penchera sur l’arrestation et la détention du Dr Jeffrey Sirzyk à l’urgence de l’hôpital de Lachute en février 2012 devront en faire leur deuil.En effet, lorsque le Comité siègera du 10 au 13 décembre à Montréal, le Collège n’aura aucun représentant ni observateur. L’affaire Sirzyk, qui a choqué et continue d’indigner de nombreux médecins, aura toutefois eu une conséquence concrète: elle aura amené le Collège et le corps policier à se parler et à clarifier les rôles et pouvoirs de chacun. Entrevue avec le secrétaire du Collège, le Dr Yves Robert.Quelle avait la réaction du Collège à la suite de l’arrestation du Dr Sirzyk et comment réagissez-vous encore aujourd’hui?Aucun événement similaire ne s’était produit au Québec depuis des décennies. Ça confirme, à nos yeux, que c’était un cas isolé. On ne va pas commenter spécifiquement les circonstances ni l’arrestation du Dr Sirzyk car il y a eu une enquête de la part des policiers et de la déontologie policière.Quand vous avez rencontré les représentants de la SQ, avez-vous ressenti de leur part un malaise face à cette arrestation musclée d’un médecin en pleine urgence?Honnêtement, après avoir constaté que l’événement avait eu lieu, nous l’avons vite écarté de nos discussions. C’est la raison pour laquelle je ne le commenterai pas car, de notre point de vue et du leur, c’était un incident isolé. Les policiers et le Collège avaient toutefois la même réaction: profitons des circonstances pour en faire une action positive à l’attention de nos membres respectifs et prévenir un incident similaire. C’était plus la nécessité de formation et d’informations entre les deux parties qui nous a allumés que l’événement en tant que tel.Tout de même, le Dr Sirzyk a remis sa démission au Collège et va quitter le Québec. N’est-ce pas une tournure des choses désolante?Il faut être prudent dans l’interprétation. Le Dr Sirzyk est libre de prendre les décisions qu’il veut. Nous ne faisons pas face à une migration de médecins d’une frontière à l’autre en raison d’un conflit avec les policiers. Nous avons tous intérêt à ramener un incident du genre à sa juste dimension. On peut déplorer qu’il y ait eu un tel conflit et qu’il ait été couvert de façon si importante. Mais l’aspect positif, c’est qu’il a permis de clarifier un certain nombre de choses et de regarder vers l’avenir.Le Collège a-t-il l’intention d’être présent lors des audiences du Comité de déontologie policière?Non, pour une raison très simple: notre mandat, c’est la protection du public. En plus, nous ne sommes pas partie prenante dans cette affaire. Notre position n’est pas de blâmer les policiers ou de faire une plainte. Quand nous avons rencontré les autorités policières, elles nous ont dit qu’elles s’occupaient de leurs agents. Nous, au Collège, nous nous occupons des médecins. Nous n’avions pas l’intention de franchir la juridiction de l’autre. Nous nous sommes assurés qu’il n’y avait pas eu de fautes commises par le médecin, ce qui n’était pas le cas.Nous avons pleine confiance que le processus va se faire de façon appropriée. On va laisser au Comité de déontologie policière juger du comportement des agents impliqués et des raisons qui avaient justifié leur intervention.Qu’est-ce qui aurait pu justifier ou pousser des policiers à procéder à l’arrestation d’un médecin dans son urgence pour des raisons non personnelles?Je pense qu’il y a eu véritablement un problème d’interprétation des pouvoirs et de la nature des informations qui étaient requises. Je pense que la faille se trouvait dans la compréhension des règlements, la façon de les appliquer et les pouvoirs respectifs de chacun. Il sera intéressant de voir l’analyse qu’en fera le Comité de déontologie policière.Quel enseignement a tiré le Collège de cette affaire?Il y avait probablement un besoin de formation et d’informations, autant pour le corps policier que médical, pour clarifier les règles quand des policiers ont besoin d’informations vis-à-vis de patients. A cet effet, nous avons convoqué les autorités de la SQ et de l’Association des chefs de police pour voir comment nous pourrions développer un guide de référence qui serait utile aux deux parties. Ils ont répondu très rapidement et très favorablement à notre invitation, eux-mêmes ayant probablement ressenti le même besoin.Est-ce que le contenu de cette grille de références a fait l’unanimité entre les deux parties?Je ne peux pas dire que nous nous sommes entendus sur tous les points. Il y a des situations exceptionnelles où les policiers peuvent avoir certains pouvoirs. On peut convenir que même si nous nous sommes généralement bien entendus, il reste des points de divergence mineurs entre nous, mais on ne voulait pas monter cela en épingle. Tous les grands principes et les grandes règles sont là.A quel niveau ces désaccords sont-ils apparus?Les policiers voient une utilité à obtenir certaines informations médicales qui peuvent, par exemple, les aider à monter une preuve dans le cadre d’une enquête. Mais ce n’est pas forcément un mandat qui est partagé par le médecin, qui lui a un contrat avec le patient. Dans certaines situations, il peut y avoir éventuellement un conflit entre le besoin du médecin de traiter et de protéger son patient et le besoin de protéger la société. Les règles ont déjà été transmises à nos membres et, du côté policier, elles devraient être incluses dans leur formation, autant au niveau provincial que municipal. Mais, dans tous les cas, le meilleur guide au monde ne protégera jamais le jugement des individus, autant du point de vue policier que médical.Cette histoire ne soulève-t-elle pas un débat entre le pouvoir médical et le pouvoir policier?Ce n’est pas du tout la perception et l’analyse que nous en avons faite au Collège lors de nos échanges avec les autorités policières. Il faudra donc être prudents avant de généraliser à l’ensemble du Québec. L’avenir réside davantage dans la clarification des rôles et les mécanismes de communication entre les deux instances. Nous suggérons fortement aux médecins et aux policiers de prendre connaissance des règles du jeu. Ce n’est pas par l’autorité, mais par le dialogue, en comprenant les impératifs et les responsabilités de chacun, que l’on va trouver des solutions favorables à l’exercice des mandats de part et d’autre.Même après la clarification des règles et des pouvoirs de chacun, un incident comme celui de Lachute pourrait-il encore survenir aujourd’hui, selon vous?Une fois qu’on a précisé les règles pour les deux parties, nous sommes toujours en présence d’individus. Est-ce qu’il pourrait toujours arriver que quelqu’un agisse de façon agressive du côté médical ou policier? Nous ne sommes jamais à l’abri de ce genre de réaction individuelle. Des efforts seront faits, mais on ne peut jamais donner de garanties à 100%. Est-ce qu’une chose pareille pourrait encore survenir? Certainement, mais on espère l’éviter très fréquemment grâce aux mesures préventives que nous avons prises.L'aide-mémoire rappelant aux médecins leurs obligations quant aux demandes policières, qui a été produit à la suite des travaux entre le Collège des médecins et les représentants des autorités policières, a déjà été publié. Le consulter (PDF).

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