CHSLD: Il faut s’interroger sur l'acharnement thérapeutique

Quatre mois après avoir dénoncé l’acharnement thérapeutique en CHSLD dans les pages de L’actualité médicale, le psychogériatre Jacques Potvin revient à la charge. Il estime qu’il faut entamer une réflexion et entreprendre des actions en vue de faire face à des situations qui vont se multiplier avec le vieillissement de la population et les progrès de la pharmacologie.Le Dr Potvin décrit l’acharnement thérapeutique comme « une ardeur furieuse à traiter le symptôme d’une maladie ou une maladie au détriment du malade ». Il dénonce cette propension à soigner sans se questionner sur l’état du patient, sur ses désirs ou ceux de sa famille, et il a décidé de faire de l’acharnement thérapeutique dans les centres de soins de longue durée le dernier grand combat de sa carrière.Âgé de 82 ans, le Dr Potvin fait toujours de la consultation dans un grand CHSLD de la région de Québec et il y observe des cas qui le révoltent. Des patients ou des patientes qui ne demandent qu’à mourir ou n’ont plus conscience de vivre sont traités par une très forte médication quotidienne qui a pour effet de prolonger inutilement leur vie, parfois contre leur gré ou contre tout entendement. « Quand je vois des patients avec 20 prescriptions, cloués au lit, pour lesquels il n’y a plus moyen de s’en sortir et qui souffrent, je me dis que c’est pour ceux-là qu’on doit s’interroger et essayer de trouver une solution », dit-il.La pharmacologie préventive, poursuit-il, permet à des gens âgés de vivre plus longtemps tout en demeurant actifs, mais elle sert aussi à maintenir en vie très longtemps des personnes dont l’état est désespéré. Il se demande pourquoi on s’obstine ainsi à donner du calcium à des patients alités, qui ne marcheront plus jamais, ou du Lipitor ou de l’aspirine 81 mg à des personnes atteintes de démence à des stades avancés. Il ne comprend pas cette obstination du corps médical et ce refus de certains médecins de se poser des questions sur cette pratique.Coût pour le systèmeCet acharnement a aussi un coût humain et financier pour le système de santé. Selon ses chiffres, il y avait 45 721 lits de soins de longue durée au Québec au 31 mars dernier. Une seule pilule par jour, par patient, pendant 365 jours, représente 16 millions de pilules quotidiennes. « Si on enlevait cette seule pilule, cela ferait 16 millions de pilules en moins chaque jour, fait-il remarquer. Faites ce même calcul pour toutes les pilules inutiles que l’on pourrait éliminer.Le chiffre est phénoménal. On ne regarde jamais cela sous cet angle. »Les patients en causeMais qui sont ces patients que la médecine s’acharnerait à maintenir en vie en ignorant leur état désespéré ? Le Dr Potvin souligne qu’il n’est pas question de l’âge, mais de l’état de la personne. Ce ne sont pas tous les patients en CHSLD pour lesquels on doit penser à mettre un terme à cet acharnement thérapeutique, insiste-t-il. On parle précisément de personnes pour lesquelles prolonger la vie à tout prix n’a aucun sens.Il cite le cas de Marie (prénom fictif), une patiente admise dans un CHSLD il y a 12 ans. Elle a été victime d’un accident vasculaire cérébral avec hémiplégie droite. Elle ne peut pas s’exprimer, ne marche plus, elle est clouée au lit et voit des images qui lui font peur. Elle a 18 prescriptions médicamenteuses par jour, dont quatre psychotropes. Certaines pilules ne peuvent pas être cessées, reconnaît le Dr Potvin, mais plusieurs prolongent indûment sa vie, alors qu’elle aspire à mourir.Pourquoi la médecine s’acharne-t-elle à étirer son existence, se demande le médecin ? Marie n’est pas la seule dans ce cas. La question se pose pour beaucoup d’autres patients au Québec qui sont dans un état semblable.

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