À 64 ans, il reprend sa pratique après un grave accident de vélo

Le Dr André Rodrigue, un médecin de famille de St-Georges-de-Beauce, est un mordu de vélo de route. Il y a encore un an, il pouvait parcourir jusqu’à 100 km lors d’une seule sortie. À trois reprises, il a pris part aux Jeux mondiaux de la médecine et de la santé. Il estime avoir franchi plus de 115 000 km sur deux roues en 12 ans. Il n’avait jamais eu d’accident grave jusqu’au jour où…Le 27 avril 2017, alors qu'il avançait tête baissée, il n’a pas vu qu'un camion était immobilisé plus loin, occupant une partie de la route; il a violemment heurté l’arrière du véhicule. Son visage a encaissé le choc. Tous ses os se sont brisés. De la collision elle-même survenue près de St-Georges, il ne conserve aucun souvenir.«C’est le black-out total, dit-il en entrevue. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas peur de refaire du vélo. Je ne me souviens de rien.»Mais il est conscient qu’il a frôlé la catastrophe. Il était à un cheveu de la paralysie. «Je suis très actif, réagit-il. À 63 ans, je ne me serais pas vu paraplégique dans un fauteuil roulant pour le reste de mes jours.» Transporté à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec en traumatologie, les examens radiologiques ont révélé qu’il était victime d’un Le Fort 1, 2 et 3, la fracture la plus grave que l’on puisse avoir au niveau du visage et de la mâchoire. Il a été opéré le lendemain de l’accident par une équipe de chirurgiens maxillo-faciaux, appuyée par trois résidents. L’intervention a duré 12 heures.«C’était comme un casse-tête. On m’a remis tous les morceaux du visage en place un par un», raconte-t-il sur un ton admiratif au sujet du travail des chirurgiens.Si l’intervention s’est bien déroulée, les jours qui ont suivi ont parfois été pénibles et même angoissants. En raison de sa morphologie, il fait de l’apnée du sommeil et doit porter un appareil au cours de la nuit, ce qu’il ne pouvait faire dans son état aux soins intensifs. «Durant plusieurs nuits, dit-il, je n’ai pas dormi du tout. J’étais terriblement anxieux. Je craignais de m’endormir et de mourir.»Des membres de sa famille, son épouse notamment ainsi que sa fille, la Dre Geneviève Cournoyer-Rodrigue, elle-même urgentologue, ont été à son chevet plusieurs jours et nuits.La chirurgie en elle-même a tellement bien réussi qu’il a retrouvé son ancien visage. Plusieurs lui disent même aujourd’hui qu’il paraît plus jeune qu’avant l’accident. «On dirait que je suis botoxé», commente-t-il, ce qui n’est pas faux.Lors de son séjour à l’hôpital, il a vécu quelques moments de découragement. Il pensait ne jamais être capable de se remettre de l'accident. Une chance, souligne-t-il, qu’il a eu sa famille, sa femme, ses trois enfants, dont un deuxième étudie en médecine et une autre est vétérinaire, et des amis pour lui remonter le moral.La réadaptation a été longue. Hospitalisé durant trois semaines, il a perdu 15 livres de masse musculaire. Il a dû par la suite s’inscrire dans un gym pour la retrouver. Il a d’abord réappris à marcher à l’aide d’une marchette, puis seul. Une fois revenu chez lui, il a commencé à faire du vélo stationnaire avant de retrouver son vélo de route, qu’il enfourche de nouveau régulièrement. Ses randonnées sont désormais moins longues qu’autrefois et il a cessé les compétitions, mais il roule toujours pour son plaisir et garder la forme. Les séquelles sont assez peu nombreuses compte tenu de la gravité de ses blessures. Il ressent parfois des douleurs au cou ainsi que des vertiges, ses muqueuses sont toujours congestionnées, mais il a surtout des fourmillements dans le bout des doigts.Pratique médicaleÀ 63 ans, il aurait pu profiter de ce coup du destin pour mettre un terme à sa carrière. Au contraire, il voulait continuer. «Je travaille en solo et j’ai 1 500 patients, dit-il. Ils avaient besoin de moi. Je ne voulais pas les laisser tomber et qu’ils deviennent des patients orphelins.» Seule une soixantaine l’a quitté.Durant son absence qui a duré trois mois, sa fille Geneviève a assuré une certaine relève et d’autres médecins de St-Georges, dont il souligne la solidarité, se sont aussi partagé certains de ses patients. Mais dès le lendemain de son retour à la maison, il retournait à son bureau pour faire des suivis de dossiers et renouveler des ordonnances. Progressivement, il a commencé à revoir des patients, qui étaient très heureux de le retrouver en santé. «Plusieurs me disaient qu’ils avaient prié pour moi», s’exclame-t-il.Les premières semaines, il ouvrait son bureau quelques heures par jour. Puis, il a augmenté son nombre d’heures et, un an plus tard, il passe environ 25 heures par semaine entre son bureau et les visites dans des résidences. Il se considère toutefois en préretraite et il est conscient qu’il devra un jour remiser son stéthoscope, fermer son bureau et dire adieu à sa carrière. Il souhaite que ses collègues de St-Georges prennent graduellement sa clientèle.Quand il regarde derrière lui ce qu’il a vécu et surtout ce à quoi il a échappé, le Dr André Rodrigue a un mot pour se décrire: «Je suis un miraculé!»

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