«8000 techniciens le plus tôt possible»: face à la pénurie de main d’oeuvre, l’AQPP riposte

Comment faire plus avec moins? Alors que les services rendus en pharmacie sont toujours plus nombreux, il y a de moins en moins de personnes pour les effectuer. Selon l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), les rangs des pharmaciens communautaires doivent être renforcés d'au moins un millier de pharmaciens additionnels d’urgence et d'au moins 2000 dans les cinq prochaines années, soit bien plus que la croissance actuelle prévue de 1000 personnes en huit ans. Quant aux postes techniques, ils font encore plus défaut présentement. «Je voudrais 8000 techniciens à travers la province le plus tôt possible. Mais en étant plus réaliste, compte tenu de la formation nécessaire, j’espère atteindre ce chiffre dans les trois prochaines années», confie le président de l’AQPP, Benoit Morin. Pour y parvenir, il s’agit avant tout de valoriser le travail en pharmacie, croit-il. «Les possibilités en pharmacie communautaire sont mal connues. Les gens ont certes une bonne connaissance de ce que peuvent faire les pharmaciens, mais moins de ce que peuvent faire les assistants techniques en pharmacie (ATP) et les techniciens en pharmacie (TP).»Des métiers jeunes – la toute première cohorte de TP arrivera sur le marché du travail ce printemps – mais qui bénéficient pourtant de plusieurs atouts à en croire le pharmacien. «Ce sont des postes intéressants, bien rémunérés et locaux, pour lesquels les employés n’auront pas à déménager. Le télétravail est moins possible qu’ailleurs, mais ça évolue.» +16% de services cliniques rendus en pharmacie en 2023Surtout, ces métiers vont prendre de plus en plus de place au sein des pharmacies dans un contexte d’extension des attributions des pharmaciens. Les services cliniques rendus en pharmacie ont en effet bondi de 16% entre 2022 et 2023, avec plus de 7 millions d'activités cliniques réalisées en pharmacie communautaire l’année dernière, selon les chiffres de l’AQPP. «De plus en plus d’actes peuvent être délégués aux ATP et aux TP, précise Benoit Morin. Les TP vont devenir un support important, car ils possèderont un bagage collégial sur lequel les pharmaciens pourront s’appuyer. Le pharmacien ne peut pas tout faire, mais entouré d’une équipe compétente, il pourra faire beaucoup plus avec moins d’énergie et une plus grande qualité.» Le président de l’AQPP insiste aussi sur l’existence de nombreux programmes passerelles destinés aux employés qui voudraient apprendre de nouveaux métiers. Trouve ton XPour recruter le plus largement possible, l’AQPP a choisi de cibler les jeunes. Sur son site web, elle a créé un espace baptisé Trouve ton X, afin d'inciter les futurs étudiants à choisir des programmes vers lesquels ils ne seraient pas allés spontanément, comme la filière TP par exemple. «On essaie de les joindre au moment où ils doivent s’orienter ou réévaluer leurs options», précise Benoit Morin. Le message est clair: venez comme vous êtes, peu importe votre expérience, vos centres d’intérêt ou votre lieu de vie. En dépoussiérant l’image vieillotte de la pharmacie traditionnelle où l’on ne se rendait que pour récupérer ses médicaments, l’AQPP veut la rendre plus attractive pour les jeunes générations. À lire aussi: Pharmacie: que devriez-vous prendre en compte lors d'un entretien d’embauche?«Qu’ils veuillent faire de la gestion de personnel, de la mise sur le marché ou se former au poste d’ATP, c’est possible! Et on s’adresse aussi bien aux habitants des grands centres que des villages et des quartiers, car la proximité est au cœur de notre action, s’enthousiasme Benoit Morin. Notre réseau évolue, et le rôle du pharmacien et des employés avec. Une pharmacie qui, il y a vingt ans, était axée sur la distribution des médicaments se tourne désormais vers la prise en charge de la santé de ses patients. Nous voulons des personnes intéressées à prendre soin des gens autour d’elles.» Donner plus de responsabilités au personnel techniqueMais qui dit nouvelle génération dit nouvelles préoccupations, et un nécessaire changement de paradigme au sein même de la profession. «Les pharmaciens propriétaires et tous les pharmaciens du réseau doivent valoriser le travail en pharmacie en créant des climats de travail où les gens vont pouvoir s’épanouir, mais aussi qu’ils continuent à s’améliorer dans la gestion des ressources humaines, notamment pour les pharmaciens salariés. La culture du milieu doit s’améliorer, les jeunes doivent pouvoir s’y épanouir.»Apprendre à gérer ses troupes et savoir déléguer sont donc deux priorités pour assurer une prise en charge adéquate des patients en pharmacie, assure Benoit Morin. Selon lui, les pharmaciens devraient pouvoir prendre en charge toutes les pathologies pour rendre le continuum des soins plus efficace et rapide, tout en préservant la santé financière du réseau. «L’idée n’est pas d’avoir les activités cliniques à gauche et la distribution de médicaments à droite, mais d’intégrer le soin du patient, et pour cela il faut s’organiser, déléguer et avoir des gens compétents. Un TP ou un ATP peut faire beaucoup de choses en termes de services cliniques et de suivi, mais on ne les laisse pas faire, car on n’est pas à l’aise. Il va falloir se décoincer, prendre en charge les patients avec une rémunération adéquate. Parfois on manque d'initiatives ou on se cache derrière une surcharge de travail, mais il faut sortir de sa zone de confort. On a déjà bien progressé, on a fait un excellent travail, mais on n'a pas terminé.»

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