68 consultations injustifiées du DSQ, trois fois deux mois de radiation

Marie-Claude Gagnon était dans ses petits souliers le 20 septembre dernier, lors de l’audience du Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec qui allait décider de son sort. La pharmacienne répondait à trois chefs d’infraction, auxquels elle avait plaidé coupable, pour le même motif: des consultations injustifiées du Dossier Santé Québec (DSQ) de trois femmes, dont les noms font l’objet d’une ordonnance de non publication. Seule information disponible les concernant, elles travaillaient avec son compagnon, dans le même centre hospitalier. Ses pairs ont jugé que la professionnelle a commis des «infractions graves étant donné la confidentialité des informations contenues dans le DSQ» et que ce genre de comportement, contrevenant à l’article 59.2 du Code des professions, «mine la confiance du public qui est en droit de s’attendre à ce que chaque pharmacien agisse comme l’un des gardiens du droit au secret professionnel». Marie-Claude Gagnon s’est ainsi vu imposer trois périodes de radiation de deux mois, à purger simultanément. Le 27 janvier 2022, le Bureau du syndic de l’Ordre reçoit une première demande d’enquête visant la pharmacienne. La demanderesse, qui travaille avec son conjoint dans un hôpital, se plaint que Marie-Claude Gagnon a consulté son DSQ le 20 octobre 2020 depuis la pharmacie où elle exerce à Lévis, alors même qu’elle n’a jamais reçu de services dans cette succursale Jean Coutu. Hasard ou coïncidence – la décision ne le précise pas -, le Bureau du syndic est saisie le lendemain par une autre collègue de travail de son conjoint. Elle reproche elle aussi à la pharmacienne d’avoir accédé à son DSQ, sans son consentement, et ce, à cinq reprises entre 2019 et 2021. L’enquêtrice du syndic valide les faits reprochés en obtenant auprès du ministère de la Santé une copie du «Rapport des accès au dossier d’un usager» des deux plaignantes. Elle obtient également de la pharmacie où travaille Mme Gagnon des copies de leur dossier qui démontrent qu’aucun service ne leur a été rendu à cette succursale, bien que les deux disposent d’un dossier auprès de la bannière. L’enquêtrice confronte alors la pharmacienne le 31 mars suivant. La visioconférence à peine commencée, Marie-Claude Gagnon reconnaît d’emblée les faits. On peut lire dans la décision qu’elle «semble contrite et explique avoir accédé au DSQ de ces deux femmes qui travaillent avec son conjoint, en raison des difficultés d’ordre personnel vécues à cette époque». La pharmacienne témoigne qu’elle a cherché à obtenir leur adresse personnelle, mais précise qu’elle n’est jamais allée chez ces personnes pas plus qu’elle n’est passée devant leur domicile. À lire aussi: Un pharmacien bienveillant radié un mois pour une consultation illicite du DSQ À la fois facteur atténuant et élément aggravant La professionnelle, qui est inscrite au tableau de l’Ordre depuis 2005 et n’avait jusque-là aucun antécédent disciplinaire, déclare alors spontanément à l’enquêtrice qu’elle a consulté le DSQ d’une troisième collègue de son conjoint. Et pas qu’un peu. Le «Rapport des accès au dossier d’un usager» de cette femme prouve que Marie-Claude Gagnon a accédé à son DSQ à 62 reprises entre le 16 décembre 2014 et le 25 décembre 2019. Pour le Conseil de discipline, cet aveu est à la fois un facteur atténuant et un élément aggravant puisqu’il montre que le comportement fautif de la pharmacienne n’est pas un «acte isolé». Il rappelle dans sa décision que le législateur ne permet l’accès au DSQ «qu’à un groupe restreint de professionnels, dont les pharmaciens, et ce, seulement lorsque l’information recherchée est nécessaire à l’exécution de leur prestation professionnelle». Un impératif que Marie-Claude Gagnon ne pouvait ignorer eu égard à sa «longue expérience professionnelle, soit d’au moins 11 ans lors de la première consultation du DSQ» d’une des trois collègues de son conjoint. Malgré le caractère répétitif de ses infractions, le Conseil estime que le risque de récidive de la professionnelle est «faible». Car le processus disciplinaire a eu sur elle un effet de dissuasion et parce qu’elle a suivi récemment un atelier dans un CLSC sur la gestion des émotions qui «l’a grandement aidée», mentionne la décision qui signale par ailleurs que Marie-Claude Gagnon a fait preuve d’introspection, qu’elle a exprimé des «regrets et de remords sincères» et qu’elle a, enfin, présenté des excuses aux collègues de son conjoint qui assistaient à l’audience.

68 consultations injustifiées du DSQ, trois fois deux mois de radiation

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