5 épiphanies qui ont changé ma carrière de médecin

Les circonstances façonnent notre chemin de vie.Parfois, elles sont prévisibles, voire calculées. D’autres fois, elles semblent être le fruit du hasard, une simple question de chance. Peut-être rencontrons-nous quelqu’un par hasard, nous tombons amoureux et passons ensuite notre vie avec cette personne. Peut-être qu’un professeur d'école secondaire voit quelque chose en nous, devient notre mentor et guide doucement notre parcours scolaire. Ou peut-être déménageons-nous dans une nouvelle ville, où nous trouvons une opportunité inattendue et nous nous épanouissons d’une manière que nous n’aurions jamais imaginée.Bien sûr, en tant que médecins, nous voyons aussi le revers de la médaille, lorsque des personnes se retrouvent, d’un point de vue médical, au mauvais endroit au mauvais moment. Même si elles survivent, leur vie n’est plus jamais la même.Il est difficile de mener une carrière complète dans le domaine médical sans vivre des moments qui vous marquent profondément et changent toute votre trajectoire. Certaines sont des révélations incroyablement positives, d’autres sont carrément douloureuses. Mais dans l’idéal, elles mènent toutes à une évolution.Voici cinq épiphanies qui ont changé ma carrière et qui ont façonné ma pratique médicale actuelle.1. Soins infirmiersMême si j’avais de bonnes notes et des bourses, j’avais encore besoin d’argent pour financer mes études universitaires. J’ai passé deux étés à travailler comme préposé dans un établissement de soins de longue durée. Il s’agissait d’une résidence pour aînés médicalisée accueillant des patients nécessitant des soins intensifs. J’ai appris à transférer les patients, à nettoyer le linge malodorant et à soigner des aînés ravagés par une incontinence permanente. C’était physiquement exigeant et incroyablement plein d'humilité.Nous recevions des ordres et faisions le sale boulot que personne d’autre ne voulait faire, le plus bas de l’échelle, avec le personnel d’entretien. Les préposés et les nettoyeurs: ceux qui s’occupaient du vrai désordre (alias la merde). Mais ce n’était pas un travail de merde. J’ai beaucoup appris.Si je faisais attention et que je me souciais des patients, si j’avais un toucher doux et calme, si j’étais aimable et empathique, ils se montraient réceptifs. Je ne gérais pas leurs médicaments ou leurs traitements, mais j’étais le membre le plus «concret et actif» de leur équipe de soins, si je choisissais de l’être. C’était un choix conscient, et je ne l’ai jamais oublié.J’ai un profond respect pour les personnes qui nettoient, qui soignent, qui font du bénévolat. Sans elles, nous ne pouvons tout simplement pas fonctionner en tant qu’équipe médicale. J’essaie toujours de garder cela à l’esprit dans ma pratique. 2. Qui sont les vrais patrons?Que ce soit dans un service hospitalier très fréquenté ou dans une salle d’opération, j’ai rapidement découvert que le véritable pouvoir appartenait souvent à l’infirmière en chef, et non au médecin traitant.Au début de ma formation, j’ai appris à observer et à m’aligner sur les personnes qui dirigeaient les opérations. Je prenais le temps de comprendre comment elles aimaient que les choses soient faites et je m’assurais de m’intégrer à leur système, et non l’inverse.J’ai vu de nombreux étudiants en médecine et résidents être humiliés, certains même écrasés, par une infirmière en chef qui les trouvait trop arrogants. Une relation saine et respectueuse avec le personnel infirmier peut faire disparaître une petite erreur, résolue discrètement par un clin d’œil et un sourire. Si cette relation est mauvaise, vous vous retrouvez avec une erreur médicale flagrante signalée à la hiérarchie. Et des conséquences. Je n'ai jamais été du genre à apporter du café et des biscuits tous les matins - mais j'ai toujours connu ma place. Je travaillais avec l'équipe, pas au-dessus d'elle.Aujourd'hui, en dehors de l'enceinte de l'hôpital, cette idée me guide encore. Ces jours-ci, le «patron» est souvent le patient. Une approche paternaliste et condescendante fonctionne rarement. Au contraire, s’il y a adhésion, s’il y a un partenariat entre le patient et le médecin, nous avons beaucoup plus de chances d’obtenir un succès durable.3. L’art, la science et le patient devant vousOn n’enseigne pas l’art de la médecine à la faculté. On le voit rarement dans les services hospitaliers. Mais quand j’ai commencé à observer des médecins de famille expérimentés s’occuper de patients incroyablement complexes et, d’une manière ou d’une autre, les rendre en meilleure santé, voire plus heureux, j’ai vu la magie opérer.Ces médecins ne citaient pas les derniers articles du NEJM. Ils ne parlaient pas en termes de statistiques et de généralités. Ils traitaient l’être humain qui se trouvait devant eux, puisant dans une mallette métaphorique remplie d’expériences réelles et de sagesse clinique.La médecine fondée sur des preuves est essentielle. Mais de meilleurs chiffres et des laboratoires impeccables ne «guérissent» pas toujours un patient. D’un autre côté, se fier uniquement à l’«art» peut être dangereux, et nous le constatons en temps réel à l’ère des influenceurs des réseaux sociaux qui dispensent de mauvais conseils.La guérison nécessite à la fois l’art et la science. Cet équilibre est plus difficile à atteindre aujourd’hui avec les algorithmes, les dossiers médicaux électroniques et les informations en ligne infinies. J’essaie de maintenir cet équilibre délicat avec mes patients.À lire aussi: Pourquoi la quête de sens peut provoquer de l’anxiété et comment y remédier4. Laisser entrer le patientAutrefois, la médecine consistait à s’asseoir derrière un bureau en bois poli, vêtu d’une blouse blanche impeccable. Cela n’a jamais été mon style.Oui, le professionnalisme est important. Les limites sont essentielles. Mais sans connexion, il n’y a pas de relation thérapeutique. Tant qu’un patient ne se sent pas vu, entendu et accepté, nous ne pouvons pas vraiment commencer le travail de guérison.À lire aussi: La blouse blanche, un symbole tenaceLaisser quelqu’un «entrer» signifie plus qu’être cordial. Cela signifie montrer un peu de soi-même. Être humain. Cela implique de faire en sorte que les patients se sentent à leur place et qu’ils font partie de votre famille médicale.Que nous discutions de questions complexes liées au genre ou que nous établissions simplement une relation de confiance pour des problèmes intimes liés à la santé sexuelle, j’essaie d’être aussi à l’aise avec les PDG fortunés qu’avec les criminels condamnés (et tous ceux qui se trouvent entre les deux). Ce n’est pas toujours facile. Mais en faisant preuve d’une certaine vulnérabilité, d’humanité et d’ouverture d’esprit, j’ai obtenu de meilleurs résultats thérapeutiques avec mes patients.5. Moins, c’est mieuxCela peut sembler contre-intuitif, mais je suis devenu un meilleur médecin en faisant moins de médecine. Quoi?Laissez-moi vous expliquer.Au début de ma carrière, j’ai appris les bienfaits de la prise de recul. Que ce soit en prenant des vacances bien méritées ou en m’adonnant à des loisirs créatifs, ces pauses ont fait de moi un meilleur clinicien. Il ne fait aucun doute que les années d’expérience nous façonnent. Mais l’expérience de la vie aussi.Les médecins qui mènent une vie équilibrée et épanouie sont-ils plus aptes à établir des liens avec leurs patients? Ceux qui ont eux-mêmes été confrontés à la maladie ou au burn-out sont-ils plus empathiques? Je le crois.Lorsque je suis reposé, que je mange bien, que je fais de l’exercice et que je m’exprime de manière créative, je pratique la médecine plus efficacement. J’apporte plus d’énergie. Plus de curiosité. Plus de compassion.Ironiquement, en semblant «moins engagé», je suis devenu plus passionné. Et je donne plus, parce que j’ai plus à donner. Ces cinq épiphanies ne se sont pas produites en un seul instant. Elles se sont déroulées au fil des ans. Elles se poursuivent encore aujourd’hui. J’espère ne jamais cesser d’en avoir d’autres. Quelles sont les épiphanies qui ont façonné votre carrière médicale? Le Dr Ted Jablonski est un artiste et écrivain. Médecin de famille retraité, il se consacre désormais à la médecine sexuelle et à la santé des personnes transgenres dans le sud de l'Alberta, tout en restant fermement ancré dans le domaine des soins primaires aigus.

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