Obésité: pourquoi tant de patients abandonnent les GLP-1

Les données scientifiques se multiplient pour démontrer les bénéfices de ces médicaments dans le traitement de l’obésité et du diabète de type 2, ainsi que de leurs comorbidités comme le risque global de cancer et, chez les diabétiques, la maladie artérielle périphérique.«Il s’agit d’un champ thérapeutique où on n'avait pas vraiment de traitement efficace jusqu'à récemment,» souligne Neda Nasseri, membre du comité consultatif d’Obesity Matters, pharmacienne communautaire et directrice produit chez Desjardins Assurances.À lire aussi: Les agonistes du GLP-1 associés à une réduction du risque global de cancer chez les personnes obèsesUne adhésion limitéeMalgré tous les bénéfices, les données présentées dans les quelques études sur le sujet révèlent une adhésion thérapeutique limitée. Dans une étude rétrospective publiée dans le JAMA Network Open, menée sur plus de 125 000 adultes américains en surpoids ou obèses, près de 65% participants non-diabétiques et 46,5% des personnes diabétiques avaient interrompu leur médication au cours de la première année1. Une autre étude menée sur plus de 4000 adultes obèses aux États-Unis a montré une persistance de seulement 32% après un an2. Cette persistance variait grandement entre les molécules: 47,1% des répondants prenaient toujours du sémaglutide (Ozempic), contre 19,2% des patients pour le liraglutide (Saxenda). Les traitements hebdomadaires semblaient davantage favoriser la persévérance que les injections quotidiennes.Une étude canadienne plus modeste, menée sur 322 adultes, a observé qu’environ 15% des patients avaient cessé la prise de GLP-1 après un mois en raison de leurs effets indésirables et de leur coût élevé3.Les freins: des coûts élevés et les effets indésirables«Aller vers une molécule comme le Wegovy, ça peut représenter entre 5000 à 6000$ par année,» rappelle Mme Nasseri. L’expiration prévue de certains brevets pourrait toutefois faciliter l’accès en ouvrant la voie aux génériques, tout comme l’arrivée potentielle sur le marché de comprimés pour remplacer les injections.Les effets indésirables semblent être une autre cause fréquente d’abandon. Les symptômes gastro-intestinaux, comme la nausée, la diarrhée, la constipation, ou les vomissements, sont les plus fréquents et sont généralement transitoires. Plus rarement, certains patients présentent des maux comme de la fatigue, des céphalées ou des vertiges, voire des complications plus sérieuses comme une rétinopathie diabétique ou une pancréatite aiguë.Pour aller plus loin: Une alternative efficace au GLP-1 sans effets gastro-intestinaux indésirables? C’est possible, selon des chercheurs«Comme tous les médicaments, certains patients répondent très bien et d'autres patients répondent un peu moins bien», observe Dre Marie-Philippe Morin, clinicienne-chercheuse à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval. «Dans notre clinique spécialisée, l’adhérence est assez bonne, puisqu’on fait un suivi. On peut ajuster les doses, faire le suivi nutritionnel approprié ou arrêter complètement la médication quand ça ne fonctionne pas.»«Si on arrête ses pilules pour le diabète ou pour la haute pression, la pression ou la glycémie remonte. C’est la même chose avec les GLP-1», ajoute-t-elle.Traiter l’obésité comme une maladie chroniqueSelon Neda Nasseri, derrière la question de l’adhésion aux GLP-1 se profile aussi un enjeu plus structurel: celui de reconnaître l’obésité comme une maladie chronique exigeant une approche multidimensionnelle incluant psychologie, nutrition, exercice physique, pharmacologie et, au besoin, chirurgie bariatrique. «Quand tu sais que tu vas prendre un GLP-1, il faut que tu sois prêt à intégrer des exercices et un apport suffisant en protéines avec des médicaments qui te coupent l’appétit», explique Neda Nasseri. «Et je dirais que les gens ne font généralement pas ça.»«Une conversation sur l'obésité, ça ne se fait pas en jasant dix minutes sur le coin d'une table», poursuit Mme Nasseri, concernant le rôle des médecins. «C’est une analyse exhaustive qui doit être faite sur le patient et sur sa condition de santé. Les médecins ne sont pas rémunérés pour avoir une discussion sur l’obésité; il n'y a pas de code RAMQ. Ils peuvent prioriser d’autres problématiques, même si l’obésité est associée à de nombreuses maladies chroniques.»Neda Nasseri plaide enfin pour une meilleure prise en charge financière des traitements de l’obésité, au même titre que d’autres maladies chroniques. «Obesity Matters soutient l'accès élargi des traitements GLP-1 et des autres médicaments contre l'obésité parce qu’ils sont très efficaces pour la perte de poids», dit-elle. «Pourquoi rembourse-t-on des médicaments pour la migraine, mais pas pour l'obésité? C'est sûr que c'est une question de société qu’on doit se poser.»Références:Rodriguez PJ, Zhang V, Gratzl S, et coll. Discontinuation and Reinitiation of Dual-Labeled GLP-1 Receptor Agonists Among US Adults With Overweight or Obesity. JAMA Netw Open. 2025;8(1):e2457349.Gleason PP, Urick BY, Marshall LZ, Friedlander N, Qiu Y, Leslie RS. Real-world persistence and adherence to glucagon-like peptide-1 receptor agonists among obese commercially insured adults without diabetes. Journal of Managed Care & Specialty Pharmacy. 2024;30(8):860‑7.Farahvash A, Lee MC, Jain R, Jaakkimainen L. Pattern of semaglutide prescription in a real-world Canadian patient cohort. Primary Care Diabetes. 1 oct 2025;19(5):512‑6.

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