Fausses ordonnances pour des trafiquants de drogue: une pharmacienne écope de 14 mois de suspension

La propriétaire d’une pharmacie en Ontario, dont le manque de diligence a permis à un réseau de trafiquants de drogue de se procurer des centaines de milliers de médicaments narcotiques, vient d’être radiée pour une durée de 14 mois et condamnée à payer 61 750 dollars de frais administratifs. Une sanction prononcée par le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens de l’Ontario (OPO) au terme de l’une des enquêtes les plus complexes jamais menées par le syndic de l’Ordre. Mojgan Bijanzadeh, qui possédait et gérait une pharmacie à Mississauga, a d’abord été arrêtée par la police régionale, mais par la suite, il s’est avéré qu’elle avait participé bien malgré elle et sans le savoir à une opération de trafic de drogue, au cours de laquelle de grandes quantités de stupéfiants ont été prescrites à plus de 140 patients par le biais de prescriptions frauduleuses. L’examen minutieux des ordonnances de 15 patients seulement a révélé que la pharmacie de Mme Bijanzadeh leur avait délivré 304 470 comprimés d’oxycodone et d’oxycocet ainsi que 17 120 patchs de fentanyl sur une période de trois ans. Selon les preuves produites par le syndic de l’OPO, Mme Bijanzadeh ignorait que les quelque 5 300 ordonnances qu’elle avait exécutées pour environ 140 patients avaient été falsifiées en utilisant l'identité de deux médecins agréés en Ontario, mais qui n’exercent plus dans la province et n’y ont pas rédigé d’ordonnances depuis au moins dix ans. Bien que la police ait innocenté la pharmacienne et qu’elle ait même témoigné lors du procès pénal des trafiquants de drogue, le comité disciplinaire de l’Ordre en a décidé autrement. Il a conclu que le fait que Mme Bijanzadeh n’ait pas repéré les signaux d’alarme — tels que les renouvellements anticipés répétitifs, les augmentations fréquentes de posologie temporaire dues à des problèmes de douleur ou un «taux d’utilisation extrêmement élevé et des doses élevées de patchs de fentanyl» pour un petit nombre de patients — équivalait à un manquement aux normes de la profession. À lire aussi: Un pharmacien radié un an pour 50 ordonnances falsifiées En outre, Mme Bijanzadeh avait remarqué que sa pharmacie – une petite officine – n’avait jamais eu de grandes quantités de stupéfiants en stock avant de commencer à recevoir des ordonnances falsifiées. L’enquêteur du syndic de l’Ordre a déclaré lors de l’audience: «(Mme Bijanzadeh) aurait dû constater cette tendance au fil du temps, ce qui aurait dû l’inciter à approfondir ses recherches.» Aucune vigilance Un expert cité à témoigner par le syndic a estimé que Mme Bijanzadeh avait enfreint plusieurs normes et lignes directrices relatives à la délivrance de stupéfiants, notamment en omettant d’évaluer l’opportunité de fournir des renouvellements ou à tout le moins de s’assurer au préalable de l’authenticité et de l’exhaustivité des ordonnances. Il a également souligné que de nombreux patients qui recevaient du fentanyl sur la base de fausses ordonnances avaient été adressés directement à la pharmacie de Mme Bijanzadeh. Étant donné que les médecins ne sont pas autorisés à recommander une pharmacie en particulier, la pharmacienne aurait dû se demander pourquoi ces patients venaient spécifiquement chez elle pour leurs ordonnances de fentanyl, alors ce traitement est largement disponible ailleurs. De plus, aucun des deux médecins dont les permis de pratique ont été utilisés pour les fausses ordonnances n’avait d’adresse principale figurant au répertoire en ligne de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. Les deux cliniciens avaient des adresses de cabinet situées aux États-Unis, a indiqué l’expert. Si Mme Bijanzadeh avait vérifié les adresses mentionnées sur les ordonnances, elle aurait découvert que l’une des cliniques n’existait pas et que l’autre appartenait en fait à une autre clinique et une autre pharmacie. «Cela l’aurait amenée à poser d’autres questions.» À lire aussi: Une pharmacienne doublement sanctionnée pour des erreurs «de base» Outre la suspension de 14 mois et le paiement des déboursés, le Conseil de discipline de l’OPO a également imposé plusieurs restrictions à la pratique de Mme Bijanzadeh, y compris une interdiction d’agir en tant que gestionnaire désignée d’une pharmacie pour cinq ans. Il a aussi exigé qu’elle suive un cours d’éthique, des cours sur le traitement de la dépendance aux opioïdes et sur la pratique et la gestion des pharmacies. Mme Bijanzadeh devra par ailleurs s’adjoindre, à ses frais, des services d’un mentor lorsqu’elle reprendra ses activités de pharmacienne.

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