Agir vite: guide du pharmacien sur la contraception d'urgence

CasSC, une femme de 23 ans, consulte la pharmacie après avoir eu un rapport sexuel vaginal non protégé avec son partenaire il y a environ 48 heures. Elle craint une grossesse et envisage d'utiliser une contraception d'urgence. SC pèse environ 77 kg et présente un indice de masse corporelle (IMC) de 29 kg/m². Elle a entendu des avis contradictoires sur l'efficacité du lévonorgestrel (LNG) chez les personnes en surpoids et se demande si ce médicament pourrait lui convenir. Elle mentionne également avoir utilisé Plan BMD il y a environ deux mois à la suite de la rupture d'un préservatif. Bien que ses règles soient arrivées à temps par la suite, elle s'inquiète de la fréquence à laquelle elle a recours à la contraception d'urgence.SC n'utilise actuellement aucune méthode de contraception régulière et ne souhaite pas commencer un contraceptif oral. Elle se dit gênée par l'idée de porter un dispositif intra-utérin (DIU) et préfère éviter toute méthode nécessitant une pose interne. Elle ne souffre d'aucun problème de santé ni d'allergies, ne prend pas de médicaments et n'allaite pas. Ses dernières règles ont commencé il y a 14 jours et elle déclare avoir des cycles réguliers de 32 jours. L'accès aux soins de santé est limité: elle consulte occasionnellement un centre de santé publique, mais n'a pas de médecin de famille régulier et ne pourra se rendre à la clinique que le lendemain soir. Elle est en demande de conseils immédiats de la part du pharmacien pour savoir quel produit utiliser et comment se protéger au mieux à l'avenir.ContexteLa contraception d'urgence (CU) est utilisée pour prévenir une grossesse après un rapport sexuel non protégé ou insuffisamment protégé1. Elle n'interrompt pas une grossesse établie2. La CU joue un rôle essentiel dans la réduction du nombre de grossesses non désirées, qui représentent encore environ 40% de toutes les grossesses au Canada3.Trois principales options de CU sont disponibles au Canada (voir le tableau 1)4,5:Lévonorgestrel (LNG): pilule progestative orale, la plus accessible, disponible sans ordonnance;Acétate d'ulipristal (UPA): modulateur sélectif des récepteurs de la progestérone par voie orale, sur ordonnance;DIU au cuivre (DIU-Cu): méthode la plus efficace, mais nécessitant une ordonnance et dont la pose s’effectue par un professionnel de la santé5.Les pharmaciens sont particulièrement bien placés pour évaluer l'admissibilité, recommander l'option la plus appropriée, informer les patientes sur l’utilisation de la CU et assurer le suivi6.Rôle du pharmacienLes pharmaciens peuvent fournir un accès rapide à la CU et doivent adapter les recommandations à chaque patiente6. Les principaux points à considérer sont les suivants:Délai écoulé depuis le rapport sexuel non protégéSi rapports sexuels pendant la période de fertilitéIMC/poids corporelUtilisation actuelle ou récente d'une contraception hormonaleAllaitementRapports sexuels non protégés répétés au cours du même cycleInteractions médicamenteuses (p. ex., inducteurs puissants du CYP3A4)Dans la plupart des provinces, les pharmaciens peuvent prescrire ou recommander la contraception d'urgence de façon indépendante (voir l'encadré 1), bien que les droits de prescription pour l'UPA et les DIU/implants varient et soient limités à certaines juridictions.Approche thérapeutique généraleLe choix de la contraception d'urgence doit être guidé par les données cliniques et les facteurs propres à chaque patiente (voir tableau 1). Le DIU au cuivre est la méthode de contraception d'urgence la plus efficace pour les femmes médicalement admissibles, prévenant plus de 99% des grossesses lorsqu'il est inséré dans les cinq jours suivant un rapport sexuel non protégé5,10. Les recommandations canadiennes indiquent une efficacité comparable lorsque l'insertion a lieu jusqu'à sept jours après le premier acte du cycle11,12. Pour les deux options de contraception d'urgence orale, l'efficacité diminue avec le temps après le rapport sexuel et l'augmentation de l'IMC13,14.Efficacité dépendante du temps d'administration pour la contraception d'urgence orale:LNG: Plus efficace lorsqu'il est pris le plus tôt possible après un rapport sexuel non protégé. Il réduit le risque de grossesse jusqu'à 89% lorsqu'il est pris dans les 24 heures, son efficacité diminuant à environ 52% à 60% après 72 heures15-18. Chaque retard de 12 heures est associé à une augmentation d'environ 50% du risque de grossesse. UPA: Prévient environ 85% à 95% des grossesses attendues lorsqu’il est pris dans les cinq jours (120 heures) suivant un rapport sexuel non protégé16,19,20. Le risque de grossesse estimé varie de 1,2% à 1,8%. L’efficacité est maintenue jusqu’au pic de l’hormone lutéinisante (LH). Les considérations relatives à l'IMC sont cruciales: les données montrent que les taux de grossesse chez les femmes utilisant du LNG avec un IMC > 26 kg/m² sont essentiellement les mêmes que chez les femmes n'ayant pas utilisé de contraception d'urgence21. Des études démontrent un risque de grossesse quatre fois plus élevé chez les femmes obèses (IMC ≥ 30 kg/m²) par rapport aux femmes de poids normal/insuffisant après l'utilisation de LNG21,22. L'UPA conserve une efficacité supérieure à celle du LNG dans toutes les tranches de poids5.Considérations relatives aux interactions médicamenteuses:Les inducteurs puissants du CYP3A4 (par exemple, rifampicine, éfavirenz, carbamazépine, phénytoïne, primidone, topiramate, millepertuis) accélèrent le métabolisme des contraceptifs d'urgence oraux et peuvent réduire considérablement leur efficacité.UPA: une dose unique de 600 mg de rifampicine par jour pendant neuf jours a réduit l'exposition à l'UPA d'environ 90%23. Éviter l'UPA si un inducteur puissant a été utilisé au cours des quatre semaines précédentes ; Il est préférable de recommander un DIU au cuivre ou d'envisager une double dose de LNG (3 mg, hors indication), dont les données sont limitées.LNG: les inducteurs enzymatiques raccourcissent la demi-vie du LNG et peuvent entraîner un échec, en particulier à un IMC ≥ 25 kg/m². Cet effet peut persister environ quatre semaines après l'arrêt de l'inducteur. Options : doubler la dose orale de LNG à 3 mg (hors indication) ou proposer le DIU au cuivre.Chevauchement de progestatifs: tout contraceptif hormonal contenant un progestatif commencé dans les cinq jours suivant l'UPA peut annuler l'effet de l'UPA ; le LNG ne fait pas l'objet d'une telle restriction.DIU au cuivre: l'efficacité n'est pas affectée par les interactions médicamenteuses. Il reste le choix privilégié lorsque cela est possible.Tableau 1:Option thérapeutiqueEfficacitéMoment d'utilisation par rapport au RNPConsidérations relatives à l'IMCRequiert RxAllaitementAutres considérationsLévonorgestrel (LNG)Risque de grossesse: 1,7% à 2,6%16Prévient jusqu’à 89% des grossesses15-18• 0 à 24h: 85% à 89%• 24 à 48h: 75% à 85%• 48 à 72h: 52% à 60%• 72 à 120h: incertain; 25 kg/m²; elle est significativement réduite si l'IMC est > 30 kg/m².27Risque de grossesse lié à l'IMC16:• IMC 25–29,9 = 2,5%• IMC ≥ 30 = 5,8%NonSûrPossibilité d'initier/reprendre le traitement par HC immédiatement; possibilité de répéter la contraception d'urgence au cours du même cycle.Doubler la dose à 3 mg (hors indication, données limitées) ou proposer un DIU au cuivre si un inducteur puissant du CYP3A4 a été pris au cours des 4 semaines précédentes24.Acétate d'ulipristal (UPA)Risque de grossesse: 1,2% à 1,8%16. Prévient 85% à 95% des grossesses lorsqu’il est pris dans les 5 jours19,20. Efficace jusqu’au pic de LH16.Jusqu'à 120h après le RNP (dès que possible).Préféré au LNG si IMC ≥ 25 kg/m²; l'efficacité peut être réduite si IMC > 30.Risque de grossesse IMC16:• IMC 25–29,9 = 1,1%• IMC ≥ 30 = 2,6%Oui (la prescription par les pharmaciens varie selon la province)8,9Il faut tirer et jeter le lait maternel pendant une semaine.Attendre ≥ 5 jours avant de commencer le traitement par CH; ne pas associer au LNG au cours du même cycle3. Éviter si un inducteur puissant du CYP3A4 a été pris au cours des 4 dernières semaines, car l'ulipristal sérique peut être réduit de ≤ 90%23.DIU au cuivreRisque de grossesse: 0,1%16Méthode la plus efficace; elle reste efficace à tout moment du cycle lorsque le test de grossesse est négatif5,10,16Dans les 7 jours suivant le RNP† 11,12Plus efficace indépendamment de l'IMC, des interactions médicamenteuses ou des antécédents médicaux complexes6,16Oui (la prescription par les pharmaciens varie selon la province; nécessite une insertion par un professionnel de la santé qualifié)8,9SûrNon hormonal; convient aux patientes présentant des contre-indications aux options orales; assure une contraception continue.Il est recommandé d'exclure une grossesse avant l'insertion‡IMC – indice de masse corporelle; LH – hormone lutéinisante; RNP – rapport sexuel non protégé; CH – contraception hormonale† Les directives canadiennes autorisent la pose d'un DIU au cuivre ≤ 7 jours après le premier rapport sexuel non protégé du cycle11,12. L'OMS et l'ACOG recommandent une période plus courte de ≤ 5 jours (≤ 120h) après le rapport sexuel ou ≤ 5 jours après la date estimée de l'ovulation5,10.‡ Algorithme d'exclusion d'une grossesse: aucun signe ni symptôme de grossesse et aucun autre IUP depuis les dernières règles normales; ou test de grossesse urinaire négatif et pose ≤ 6 jours après l'ovulation prévue (cycles réguliers avec dernières règles correctement identifiées) ou ≤ 20e jour d'un cycle de 28 jours11,12.Analyse de casSC se présente dans les 72 heures suivant un rapport sexuel non protégé avec un IMC de 29 kg/m². Bien que les deux options de contraception d'urgence par voie orale soient appropriées, l'UPA est fortement privilégiée chez les patientes ayant un IMC ≥ 25 en raison de son efficacité supérieure à celle du LNG.5,25 Un IMC de 29 kg/m² place SC dans une fourchette où l'efficacité du LNG est significativement compromise.21 Elle n'allaite pas, ne présente aucune contre-indication à l'UPA et n'utilise pas actuellement de contraception hormonale ni d'autres médicaments, ce qui justifie l'utilisation de l'UPA sans risque d'interaction ni de réduction d'efficacité.3SC refuse la pose d'un DIU et a un accès limité à un prescripteur, ce qui souligne l'importance d'une prise en charge par un pharmacien lorsque la situation le permet. Son cas renforce également la nécessité de conseils sur l'utilisation répétée de la contraception d'urgence et d'une planification proactive de la contraception.Recommandation de casRecommandation de première intention: Proposer l’UPA comme option privilégiée et conseiller sur le délai nécessaire si SC décide d’instaurer une contraception hormonale (voir ci-dessous)3. Si l’UPA n’est pas accessible ou si la prescription d’UPA est hors de votre champ d’action, proposer le LNG en le conseillant sur son efficacité potentiellement réduite chez les patientes ayant un IMC > 26. Bien que certaines données suggèrent une efficacité significativement réduite, la prise de LNG peut néanmoins apporter un certain bénéfice par rapport à l’absence de contraception d’urgence. Conseiller à SC de prendre la dose immédiatement. Recommander un suivi avec un médecin traitant si le LNG est utilisé et que ses règles sont retardées de plus d’une semaine.Rappeler les messages clés: la contraception d’urgence ne protège pas contre une grossesse lors de futurs rapports sexuels et il est recommandé de commencer une méthode contraceptive régulière. Si SC refuse de commencer une contraception régulière, envisagez de lui prescrire à l'avance une contraception d'urgence, notamment l'UPA, afin de réduire les obstacles à un accès immédiat5. Orientez SC vers un médecin généraliste ou une clinique de santé sexuelle pour des conseils complets sur la contraception10.Points de conseil détaillésSi vous prescrivez 30 mg d'UPA par voie orale, STAT19:Ne commencez aucune contraception hormonale pendant au moins cinq jours après la prise d'UPA.Utilisez des méthodes barrières ou l'abstinence pendant 14 jours après le début de la contraception hormonale après l'UPA, ou jusqu'aux prochaines règles, selon la première éventualité.Un retard des règles est possible après la prise d'UPA; un test de grossesse est conseillé en cas de retard des règles de plus de sept jours. L'UPA et le LNG ne doivent pas être utilisés conjointement pour la contraception d'urgence3.Si l'UPA n'est pas disponible ou hors de portée, prescrire 1,5 mg de LNG par voie orale STAT26:Consulter spécifiquement le médecin traitant en cas de diminution d'efficacité : le LNG peut être significativement moins efficace chez les patientes ayant un IMC ≥ 25, avec une efficacité proche de celle de l'absence de contraception chez les patientes ayant un IMC > 26.27La contraception hormonale peut être commencée immédiatement après la prise de LNG.Une protection barrière ou une abstinence est requise pendant sept jours après le début de la contraception hormonale.Envisager une double dose de LNG (3 mg) pour les patientes ≥ 80 kg, en consultation avec le médecin traitant, bien que les données probantes soient limitées24,27.Pour toutes les patientes utilisant une contraception d'urgence par voie orale:La contraception d'urgence ne protège pas lors des rapports sexuels ultérieurs au cours de ce cycle.Conseiller sur le dépistage des infections sexuellement transmissibles et l'utilisation d'une contraception barrière.Proposer une prescription anticipée de contraception d'urgence afin de réduire les retards. Organisez un suivi ou orientez-vous (vers un professionnel de la santé primaire ou une clinique de santé publique) vers des conseils complets en matière de contraception, notamment des méthodes contraceptives réversibles à longue durée d'action (MLDA) hautement efficaces3,6.RésuméLes pharmaciens sont les fournisseurs de première ligne de contraception d'urgence au Canada. Un accès rapide, une évaluation précise de la patiente tenant compte de l'IMC et des facteurs de calendrier, ainsi que des recommandations personnalisées peuvent réduire considérablement le risque de grossesse non désirée.6 Le DIU au cuivre demeure la référence en matière d'efficacité de la contraception d'urgence, tandis que l'UPA est préféré au LNG pour les options orales, en particulier chez les patientes ayant un IMC ≥ 25.5 Les pharmaciens doivent se tenir au courant de la réglementation provinciale sur le champ d'exercice, comprendre les seuils d'IMC fondés sur des données probantes et envisager des stratégies de prescription anticipée pour optimiser l'accès des patientes à la contraception d'urgence5,6. La figure 1 résume quelques perles cliniques sur la contraception d'urgence.Nardine Nakhla est pharmacienne communautaire en exercice, professeure adjointe de clinique à la Faculté de pharmacie de l’Université de Waterloo et coordonnatrice de la formation professionnelle continue à la faculté de pharmacie Leslie Dan de l’Université de Toronto. L'auteure remercie Sumani Vij, Pharm. D., pour la co-rédaction de cet article.Références:Organisation mondiale de la Santé. Contraception d'urgence. Principaux repères. 9 novembre 2021. (consulté le 1er juin 2025).McCarthy CM, French AV. Updates in Emergency Contraception. Top in Obste & Gynecol. 2024(44)7:1-6. DOI: 10.1097/01.PGO.0001011816.40989.e9Black A, Guilbert E, Costescu D, et coll. Chapter 3: Emergency contraception. In: Canadian Contraception Consensus (Part 1 of 4). J Obstet Gynaecol Can. 2015;37(10):S20-S28. (consulté le 1er juin 2025).Santé Canada. Recherche de produits pharmaceutiques en ligne. 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