Geneviève McCready est infirmière clinicienne au service de santé pour les étudiants du Collège Dawson. Diplômée en soins infirmiers du cégep Bois-de-Boulogne en 2002, elle a complété un baccalauréat en sciences infirmières à l’Université d’Ottawa. Elle a travaillé à l’hôpital, à l’équipe volante et à l’urgence, en santé communautaire en Haïti, au programme d’échange de seringues pour les UDI, puis comme infirmière de proximité en prévention VIH-ITSS. Geneviève McCready est également présidente du Regroupement des infirmières de cégep du Québec. Elle s’intéresse à la santé sexuelle des jeunes, à la prévention, à la promotion de la santé, à l’intervention auprès de clientèles multiethniques et marginalisées ainsi qu’aux questions touchant l’accessibilité des services de première ligne.Fatima a 18 ans. Elle vient de recevoir une prescription de contraceptif hormonal. La pharmacienne a informé Fatima qu’elle doit s’inscrire à une assurance médicaments.Fatima téléphone donc à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) pour s’inscrire. Comme elle est étudiante à temps complet, la préposée demande de parler à ses parents.Fatima ne comprend pas pourquoi la préposée a besoin de parler à ses parents et ne veut surtout pas que ces derniers sachent qu’elle prend un moyen contraceptif. Elle raccroche et décide de ne pas poursuivre sa prise de contraceptif.Quelques cas semblables se sont présentés à moi au cours de la session dernière. J’ai donc décidé d’investiguer la question.Je téléphone donc à la commissaire aux plaintes de la RAMQ pour m’enquérir des raisons pour lesquelles on demande de parler aux parents et discuter des implications de cette procédure.La commissaire m’explique que la RAMQ doit vérifier que l’étudiante étudie à temps complet et qu’elle n’est pas couverte par le régime d’assurance médicaments privé des parents.Lorsqu’un jeune de 18 à 25 ans est étudiant à temps complet, il est couvert pas l’assurance médicaments de ses parents. Si les parents sont couverts par un régime privé, c’est ce même régime qui couvrira le jeune.Cette situation est problématique pour les jeunes qui veulent de la contraception et qui désirent garder cette information hors de la portée de leurs parents. Le parent qui bénéficie d’un régime d’assurance médicaments privé peut demander un sommaire des médicaments qui ont été couverts, pour fin d’impôt. Il y verra alors le nom du contraceptif…Si les parents ne sont pas couverts par un régime privé, ils seront admissibles à l’assurance médicaments publique de la RAMQ. Le jeune étudiant à temps plein sera alors admissible lui aussi à cette même assurance publique.Je demande alors à la commissaire aux plaintes : « Serait-ce possible de vérifier dans votre base de données si les parents sont assurés par la RAMQ ? Car s’ils le sont, le jeune le sera automatiquement, et vous n’auriez pas besoin de demander à parler aux parents… »J’ai été fort étonnée de la réponse de mon interlocutrice : « Mais madame, on ne peut pas procéder de cette façon, car on ne peut pas divulguer au jeune que ses parents sont couverts par l’assurance médicaments de la RAMQ; il s’agit d’une information confidentielle ! »Ok. Donc si je comprends bien, le fait de parler aux parents d’une jeune entre 18 et 25 ans, ça ne constitue en rien un bris de confidentialité, mais l’inverse, oui ?!Je ne sais pas dans quelle mesure la commissaire aux plaintes a réalisé à quel point elle venait de trahir ses idées préconçues et ses préjugés (et si ça se trouve, ceux de l’institution de la RAMQ) par cette réponse odieuse… Mon interprétation, c’est que l’on considère que le droit à la confidentialité des parents est supérieur à celui du jeune.Devant ma stupéfaction et mon gentil discours sur la discrimination, la commissaire aux plaintes est allée demander conseil à autrui. Elle m’a recontactée quelques jours plus tard pour me confirmer que l’information qu’elle m’avait donnée était juste, puisque « selon la loi de l’assurance médicaments, un jeune de 18 à 25 ans étudiant à temps plein est considéré comme un enfant ».Je ne suis pas juriste, mais il me semble qu’il y a lieu de se poser plusieurs questions.Est-ce que d’être considéré comme un « enfant » aux termes de cette loi signifie que la personne considérée majeure selon le code civil perd son droit à la confidentialité ?Si la loi sur l’assurance médicaments dicte que « le régime général a pour objet d'assurer à l'ensemble de la population du Québec un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes », peut-on vraiment affirmer que l’objet est rempli alors qu’il y a bris de confidentialité ?Si la jeune n’a pas le choix de s’inscrire à une assurance médicaments et que dans les deux cas son droit à la confidentialité est perdu, comment peut-on parler d’accès à la contraception ?Considérant que la plupart des jeunes étudiantes de 18 à 25 ans sont en bonne santé et que les contraceptifs représentent le médicament le plus prescrit dans ce groupe d’âge, pourrait-on conclure que cette façon de procéder de la RAMQ constitue une discrimination basée sur le sexe en plus d’en être une basée sur l’âge ?Si cette façon de procéder n’est pas clairement expliquée par les intervenants et/ou les préposés de la RAMQ, se pourrait-il que cela cause préjudice à des bénéficiaires ?Enfin, quel choix reste-t-il pour ces jeunes qui ont besoin d’un contraceptif pour ne pas devenir enceintes et dont la sécurité pourrait être compromise par le bris de confidentialité ?